Vana Aim Deux cœurs fracassés pour Noël J-23 avant Noël

J-23 avant Noël

J-23…


Hugo


Ma journée touche bientôt à sa fin. Toutes les caisses sont prêtes, le matériel est trié, et j’ai passé de longues heures de supplice dans ce hangar glacial. J’ai hâte d’en finir et de ne plus penser à tout le remue-ménage qui commencera dès demain et se prolongera chaque jour jusqu’à l’année prochaine.


Il est un peu plus d’une heure du matin lorsque je rentre chez moi, après avoir préparé toutes les décorations lumineuses de Noël pour le village, que les agents de jour commenceront à installer dès huit heures pétantes. Une vraie torture… Mais je n’ai pas pu y échapper ! À croire que Madame la Maire aime me tourmenter, pourtant, elle sait, comme tout le monde ici.


Pour être honnête, il fut un temps où j’aimais cette période des fêtes. Où je prenais plaisir à décorer notre maison. Mais aujourd’hui, je déteste cette époque de l’année, et tout particulièrement un jour précis. Cette effervescence, ces lumières, cette odeur de joie qui se répand dans le village… C’est comme le vin chaud, Noël est devenu imbuvable. Heureusement, les décorations s’arrêtent aux portes du village et ne s’aventurent pas jusqu’à mon chalet. La pénombre est mon refuge depuis plusieurs mois, et ça me convient très bien ainsi.


Habiter aussi loin m’arrange, je dois l’avouer. Je croise le moins de monde possible, reclus dans mon chalet. La pitié et la désolation que je vois dans leurs yeux me rendent malade, alors je préfère les éviter, et puis, je me suis habitué à cet isolement. Depuis mon arrivée, il y a cinq ans, je n’ai jamais eu de voisin, la maison en contrebas est toujours restée fermée. Ça me chagrinait avant… mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, cette solitude est mon salut.


Il y a un an, j’étais un homme profondément différent, j’étais avenant, j’aimais discuter avec les gens du village en allant chercher mon pain, j’aimais rire, j’aimais partager ma table pour les fêtes. Mais tout ça appartient à une autre époque. Je grogne en repensant à ces moments que je ne connaîtrai plus jamais. Lorsque Jenny est morte, il y a presque un an, mon monde s’est effondré, et c’est là toute l’ironie pathétique de cette phrase. Ma femme est morte dans un accident de montagne stupide, le 24 décembre.


Elle voulait faire une randonnée, comme cela nous arrivait souvent à l’époque. Comme beaucoup de femmes, je suppose, elle se trouvait toujours des défauts. Ce jour-là, elle a voulu marcher pour compenser les dîners du réveillon et de Noël, alors qu’elle était parfaite. Nous sommes partis en montagne, comme nous en avions l’habitude, sur ces sentiers qui nous étaient si familiers. Sauf que ce jour-là, alors que nous longions un ravin, le sol s’est dérobé sous nos pieds. Jenny était à quelques mètres de moi, son corps écrasé sous un arbre.


Je me suis débattu pour me dégager, luttant contre ma propre douleur, pour lui porter secours. Je voyais sa poitrine se soulever de plus en plus lentement. Quand j’ai enfin réussi à la rejoindre, je l’ai prise dans mes bras. Du sang coulait de sa tête, et elle respirait difficilement. J’ai appelé les secours, mais avant même qu’ils arrivent…


J’aurais tout fait pour la sauver, mais j’en ai été incapable. La culpabilité pèse sur moi comme une chape de plomb. Je n’aurais pas dû accepter cette randonnée. J’aurais dû la protéger, lui dire qu’elle était parfaite, que je l’aimais. J’aurais dû m’assurer que l’endroit était sûr. Mais j’ai échoué, lamentablement !


Après sa mort, je n’ai pas su affronter mes émotions. Je me suis enfermé dans ma solitude, devenant l’ours mal léché que les gens voient aujourd’hui. Je ne serai plus jamais le même homme, car je ne mérite pas le bonheur.


C’est aussi pour cela que j’ai pris ce poste de technicien de nuit. Je travaille seul, aux heures où tout le monde dort. Le village est paisible, calme, plongé dans le noir, comme moi. Et j’ai la chance à côté de ça de vivre de ma passion, en créant des figurines mythiques que je vends en ligne pendant mes moments de repos. L’avantage de dormir très peu, c’est que ça me rend productif. Autant voir le bon côté des choses. Travailler m’empêche de penser, et ne pas dormir m’évite de revivre ce cauchemar.


Alors que j’essaie de chasser ces pensées, je remonte le petit chemin qui mène à la lisière de la forêt où se trouve mon chalet. Dans la nuit noire, une forme se dessine sur le côté du sentier caillouteux.


En m’approchant, je remarque une voiture garée sur le bas-côté, près du chalet abandonné.


J’attrape ma lampe de poche et mon couteau. Les vitres embuées m’inquiètent. J’espère ne pas tomber sur un couple en pleine activité… comme cela m’est arrivé une fois ! Ce jour-là, j’ai cru perdre un œil en apercevant les fesses velues du type. Jenny avait ri aux éclats quand je lui avais raconté cette mésaventure.


En scrutant la banquette arrière, je distingue une jeune femme endormie sous une couverture. Elle est vivante, et cela me soulage, car je n’aurai pas à appeler les gendarmes. Alors en faisant demi-tour pour rejoindre mon chalet, je songe à cette touriste dont la nuit sera loin d’être reposante, vu les températures nocturnes actuelles.


Je déverrouille ma porte, et une chaleur douce m’accueille. Je prends toujours soin de charger la cheminée avant de partir travailler, histoire de décongeler mes vieux os en rentrant chez moi. Les températures extérieures ne cessent de chuter, et je suis certain que la neige ne tardera plus à arriver.


Mais ce qui me frappe le plus, chaque jour, lorsque je rentre, c’est ce silence… et ce vide.


Après la mort de Jenny, en rentrant de l’enterrement, j’ai complètement vrillé. Toute la décoration a volé en éclats. J’ai tout détruit, emporté par la colère, la rage, et surtout, la culpabilité. J’étais tellement furieux que je me suis acharné sur chaque objet de cette maison, et tout y est passé, sans exception. Il m’a fallu des jours, peut-être des semaines, pour calmer ce feu qui brûlait en moi.


Quand la fureur a fini par s’estomper, quand je suis enfin sorti de cette torpeur, j’ai pris conscience de l’ampleur des dégâts, j’avais tout foutu en l’air. Plus rien ne restait, plus de souvenirs, plus rien d’elle. J’avais saccagé tout ce que nous avions construit ensemble.


Je me déteste profondément pour tout ça. Pour ne pas avoir su la garder en vie, pour ne pas l’avoir protégée, et pour avoir détruit tout ce qui témoignait de notre histoire. Aujourd’hui, il ne me reste qu’une tombe.


Je la revois parfois dans mes bras, quand nous dansions dans le salon. Avec elle à mes côtés, je vivais un rêve éveillé. Jenny était une femme merveilleuse. Et lorsqu’elle a poussé son dernier soupir dans mes bras, au fond de ce ravin, je lui ai promis de ne pas l’abandonner. De ne jamais l’oublier, et de ne jamais la remplacer.

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6 commentaires

Oswine

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Il y a 8 jours

Oh ! Une histoire en deux point de vu ! Je ne m'y attendait pas du tout pour le coup, ça va être intéressant tout ça ! Alors, c'est un avis personnel, tu en fais ce que tu veux, mais, je trouve que ça fait beaucoup de personnes qui sont morte. Qu'à la limite pour la jeune femme, sa fille et son mari, bon, d'accord, mais que Hugo ai lui aussi perdu sa femme, ça fait un peu gros et du coup, on minimise l'impact qu'on avait au départ sur ta protagoniste, tu vois ce que je veux dire ? Bref, revenons en à nos mouton ! C'était donc Hugo, le gars étrange qui s'est approché de la voiture, ça fait sens maintenant haha ! Mais c'est vrai que bon, lui il est aussi en PLS, il vit mal ma mort de sa femme, ça plus la protagoniste (je trouverais son nom promis xD) Ça fait beaucoup, j'avoue ! Tu aurais pu faire deux personnes très différentes, ça aurait été sympa aussi et aurait eu plus d'impact sur elle du coup !

Vana Aim

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Il y a 8 jours

Je vois e que tu veux dire😉

Audrey Soavi

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Il y a 12 jours

Hugo..🤓

celgal

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Il y a 13 jours

Oh...

Pellecuer

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Il y a 17 jours

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