Fyctia
J- 24 avant Noël
J- 24 avant Noël
Alizée
Une multitude de cartons jonche le sol autour de moi, et il m’en reste encore autant à préparer. Le cœur lourd, je trie les souvenirs que je veux garder de ceux qui finiront à la poubelle. Le temps presse, les déménageurs arrivent bientôt, et je me sens sombrer un peu plus à chaque minute qui s’écoule. Tourner la page sur cette vie, c’est une décision que je n’aurais jamais imaginé devoir prendre ! Pourtant, je n’ai pas d’autre choix.
Je scelle enfin le dernier carton de ce qui était autrefois ma chambre, même si je n’y mets plus les pieds depuis bien longtemps. Depuis leur départ, j’ai été incapable de franchir son seuil. Trop de souvenirs, trop de douleurs, trop de silence… Une sorte de boîte de Pandore que j’ai préféré ignorer et garder hermétiquement close.
Après avoir empilé ce carton au sommet d’une montagne d’autres, je jette un dernier regard autour de moi. Mon cœur se serre encore un peu plus, alors que je croyais qu’il ne pouvait plus souffrir davantage. Je me demande même comment il parvient encore à battre sous le poids de tant de chagrin, de tant d’émotions contenues.
Je me dirige vers la cuisine et me prépare une tasse de thé pour tenter de me réchauffer. L’hiver est glacial cette année, et le froid semble s’infiltrer partout, jusque dans mon âme. Dehors, pas un signe de vie. À vrai dire, cela ne changera guère quand j’emménagerai dans la vieille maison de mon grand-père.
Je prends un carton et commence à vider les tiroirs méthodiquement. J’emballe soigneusement dans du papier bulle tout ce qui est fragile, tout ce que je veux préserver, tandis que je me débarrasse du reste, comme ces ustensiles en bois usés qui ne me seront plus d’aucune utilité.
Le silence résonne lourdement autour de moi, et ma gorge se serre en ouvrant l’un des derniers tiroirs. Là, devant moi, elle apparaît, bien rangée dans son écrin… Elle me fixe, semble me défier. Je ne savais même pas qu’il l’avait placée ici !
Lui qui avait si souvent mis sa vie en danger… Sa médaille de la Légion d’honneur repose dans sa boîte, rutilante, intacte, dans ce tiroir de ma cuisine !
Mes larmes montent malgré tous mes efforts pour les contenir. Du bout des doigts, je caresse ce morceau de métal qui le rendait si fier… Je me remémore le jour où Will avait cherché un endroit pour la cacher, craignant un éventuel cambriolage. Cela m’avait fait rire à l’époque… Il était tellement enthousiaste ! Son parcours exemplaire au sein de la Légion étrangère avait été couronné de succès, et c’était amplement mérité ! Il avait accompli tant de missions périlleuses, chacune plus dangereuse que la précédente, et pourtant, il m’était toujours revenu, indemne…
Il aimait ce pays, notre pays, celui qui l’avait accueilli à bras ouverts dès qu’il avait atteint la majorité. Cette médaille symbolisait sa réussite, son engagement, sa loyauté, et tout l’amour qu’il portait aux autres. Aujourd’hui, elle reste l’un des derniers fragments de notre passé commun.
Je sèche mes larmes du revers de ma manche et glisse avec précaution ce précieux souvenir dans mon sac à main. Il sera avec moi, et m’accompagnera pour ce dernier au revoir avant que je n’entame une nouvelle page de ma vie, où, je l’espère, il continuera d’avoir une place à mes côtés.
Cette transition est un calvaire, et chaque pièce vidée ravive ma douleur. Mon cœur est pris dans un étau, et je lutte de toutes mes forces pour ne pas m’effondrer, pour ne pas m’écrouler au sol sans pouvoir me relever. Cette journée, tout comme ces derniers mois, est éprouvante, brutale, éreintante. J’ai constamment l’impression de suffoquer, et je suis exténué. Leur absence me pèse plus que je ne peux le supporter.
L’après-midi est bien avancée lorsque j’entends le bruit du camion qui se gare devant la maison. Je me précipite pour me passer un peu d’eau froide sur le visage, espérant effacer la douleur qui marque mes traits, mais l’effort est vain. En me regardant dans le miroir, je vois mes yeux gonflés et rougis par toutes les larmes qui ont ruisselé sur mes joues. Malgré tout, j’essaie de reprendre contenance avant d’aller ouvrir la porte.
J’accueille les déménageurs et leur montre les piles de cartons ainsi que les meubles à emporter. Ils effectuent rapidement un inventaire par pièce que je valide d’un signe de tête. Je n’emporte que le strict nécessaire, laissant derrière moi tout le reste…
En moins d’une heure, ils ont méthodiquement tout chargé. Une fois le hayon du camion refermé, je leur donne l’adresse du chalet où je les retrouverai demain matin pour le déchargement.
Après leur départ, je reste seule et fais un dernier tour sur moi-même. La pièce est vide à présent, figée dans le temps, identique à ce qu’elle était depuis leur disparition. Avec le cœur lourd, je verrouille la porte de ce qui fut notre foyer pendant tant d’années.
Je traverse la rue et frappe à la porte de mes voisins.
— Salut Franck. J’ai fini ! Je viens te rendre les clés de la maison pour que tu puisses les donner à Monsieur Bongrand !
— Tu as réussi à tout faire dans les temps ?
— Oui ! dis-je en soupirant, le cœur serré. Ta mission s’est bien passée ?
— Parfaitement bien, mais le plus dur a été de rester trois mois loin de Blandine ! me dit-il avant de se reprendre. Pardon, Alizée, je n’aurais pas…
— Pas de souci, je sais que ce n’est pas facile à vivre, et tu ne dois pas te sentir mal par rapport à moi… Dis-moi, es-tu toujours d’accord pour jeter ce que je laisse à la déchetterie ? lançai-je, cherchant à changer de sujet.
— Sans souci, je te l’ai dit au téléphone, tu peux compter sur moi.
— C’est gentil de ta part ! Tu trouveras les meubles et les sacs à l’intérieur de la maison ! Le préavis se termine dans une semaine, donc jusque-là, tu peux utiliser les clés avant de les rendre au propriétaire !
— OK ! Tu pars maintenant ?
— Oui, je fais juste un détour pour leur dire au revoir… Tu feras un bisou à Blandine de ma part ! Et je te le répète, si vous voulez venir me rendre visite, la porte vous sera toujours ouverte !
— C’est gentil ! Promis, nous viendrons ! Fais attention sur la route !
— À bientôt…
Après un dernier au revoir, je me dirige vers ma voiture et la déverrouille. Avant de monter à bord, je jette un dernier regard vers ma maison, puis je mets le contact et prends la route vers le cimetière.
Il me reste encore une dernière chose à accomplir, un dernier adieu qui achèvera de briser mon cœur en mille morceaux. Je le sais…
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Anna Wendell
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Elsa Ténéra
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