F.V. Estyer Désirs défendus Chapitre 66

Chapitre 66

L’établissement est bondé. Il sent le café, la cannelle et la chaleur humaine. Des chants de Noël résonnent dans les enceintes. Cette ambiance couplée à la présence de Noah me rend nostalgique de notre séjour à Londres, et surtout, renforce ma détermination à essayer de sauver ce que nous avons. Noah, quant à lui, semble loin de ses considérations. Il me devance, me tourne le dos dans la queue.

Deux minutes qui me paraissent interminables plus tard, il passe sa commande.

— Autre chose ? lui demande le serveur.

Il se tourne vers moi et fronce légèrement les sourcils. Je comprends qu’il attend que je fasse de même. Comprends qu’il souhaite m’inviter. Je lui offre un petit sourire en guise de remerciement et rapidement, nous récupérons nos cafés.

En avisant la foule qui nous entoure, j’en viens à me dire que ce n’est pas le meilleur endroit pour discuter. Nous avons besoin d’un lieu tranquille. Pour pouvoir nous retrouver. Et qui sait, avec un peu de chance, nous toucher. Nous embrasser.

Je lui demande s’il souhaite que nous nous rendions au petit parc non loin, quitte à braver le froid, pour discuter tranquillement. Un haussement d’épaules est son unique réponse. Une forte envie de le secouer, de le supplier de me parler, d’arrêter de nous imposer cette distance, s’empare de moi. J’ai envie de lui hurler de redevenir le type qu’il était quelques jours auparavant. Avenant. Rieur. Attentionné. Mais je me tais, ravale ma colère, ma rancœur, et lui emboîte le pas à l’extérieur.


***

Nous sommes assis sur un banc, dans le parc quasiment désert. L’un à côté de l’autre, sans être trop proches. Nous sirotons nos breuvages dans un silence inconfortable. Il y a tellement de choses que je voudrais lui dire. Je tourne et retourne les mots dans ma tête sans parvenir à les formuler correctement. Je ne comprends pas comment nous en sommes arrivés là. Tout semblait si simple il y a quelques jours à peine. J’avais l’impression de pouvoir tout lui dire, sans filtre, sans concession. Sans avoir besoin de chercher le moindre foutu mot.

Et maintenant… maintenant, je tourne la tête, l’observe. Il regarde droit devant lui, comme perdu dans ses pensées. Ne fait pas le plus petit effort pour briser cette barrière. Cette barrière que j’avais cru être parvenu à détruire, un peu.

Trois jours. Trois putains de jour. C’est tout ce qu’il aura fallu pour qu’elle se dresse de nouveau. Toujours plus solide. Inébranlable.

Les mains autour de mon gobelet pour tenter de les réchauffer, je me racle la gorge. Bruyamment. Comme s’il venait de se remémorer ma présence, Noah se tourne vers moi. Enfin.

Ses yeux verts semblent éteints. J’ai le sentiment qu’il voudrait être n’importe où ailleurs plutôt qu’ici, et putain, ça me fait mal. Ça me déchire de l’intérieur. Je n’ai qu’une envie, l’attirer à moi. L’étreindre fortement. Respirer son odeur. Redécouvrir la chaleur de sa peau. La douceur de ses lèvres. Je veux retrouver la personne avec qui j’ai passé ces quatre jours idylliques. Hélas, cette personne a disparu. Retranché bien à l’abri sous la couche de glace et d’ennui que Noah semble arborer.

Je me trémousse sur mon siège et lui se tient toujours immobile, son regard braqué sur moi.

Je décide finalement de me lancer. Je vais me casser la gueule. J’en ai parfaitement conscience. Mais tout vaut mieux que ce putain de silence. Écrasant. Étouffant. Suffocant.

— Tu me manques, je souffle.

C’est sorti tout seul. Mais jamais je n’ai été aussi sincère qu’à cet instant.

Noah ferme brièvement les yeux et soupire.

— James…

Je le coupe avant qu’il n’en dise plus. Au temps pour mon besoin d’entendre sa voix.

— Non. Attends. Laisse-moi parler. S’il te plaît. Parce que si tu m’interromps, je n’aurais jamais le courage d’aller jusqu’au bout.

Il hoche la tête. Et c’est tout. Ne semble même pas plus intéressé que ça parce que j’ai à lui dire. Bon sang. Jamais je n’aurais cru que son absence de réaction aurait provoqué une telle douleur dans ma poitrine.

— Tu me manques, et je refuse d’abandonner ce que nous avons. Je n’ai pas envie de passer à côté de ça. À côté de toi. Quand… Quand j’ai quitté Elias, j’ai pensé que jamais je ne parviendrai à ressentir quoi que ce soit pour quelqu’un d’autre. J’étais anéanti. Jamais je n’aurais cru pouvoir remonter la pente… Je lui offre un petit sourire triste. Une boule se forme dans ma gorge, mais je la chasse tant bien que mal.

—… Et puis tu es arrivé. Tu es arrivé et j’ai pu enfin respirer de nouveau. J’ai compris que je n’étais pas foutu, que je pouvais encore vivre de belles choses. Et je ne suis pas prêt à abandonner ça, Noah. Je tiens à toi. Pire. Je ressens quelque chose de fort pour toi, et je sais que c’est réciproque.

Ses yeux sont grands ouverts à présent, abasourdis par ma tirade. Il se mord la lèvre. Secoue la tête. Ouvre la bouche.

Mes battements de cœur s’accélèrent. Deviennent frénétiques. J’attends autant que je redoute ce qu’il s’apprête à dire.

— Tu te trompes, rétorque-t-il froidement.

J’en ai le souffle coupé. Une putain de coup en plein dans l’estomac. Merde. J’ai l’impression de suffoquer.

— Noah…

Je tends la main pour saisir la sienne, mais il se dérobe. Mon cœur se déchire, encore un peu plus. Bientôt, ne resteront que des lambeaux.

Non. Non. Il ne peut pas. Ne peut pas dire ça. Je n’arrive pas à y croire. Impossible.

Ma détresse doit se lire sur mon visage. Il se détourne, apparemment mal à l’aise.

Je me laisse glisser sur le banc pour me rapprocher de lui. Mes jambes collées aux siennes. Bordel, ce simple contact, le premier depuis que nous nous sommes retrouvés, suffit à me faire frissonner.

— Noah. Regarde-moi.

Il secoue de nouveau la tête en signe de dénégation.

— Regarde-moi, j’insiste. Regarde-moi dans les yeux et ose me dire que tu ne ressens rien pour moi, je gronde entre mes dents serrées.

Mon ton est plus dur que je l’aurais souhaité. Mais je ne parviens pas à me contrôler.

Malgré tout, il obéit. Ses iris brillent de défiance. Il me capture. Je me perds dans ce vert émeraude.

Sa mâchoire est crispée. Tout comme ses mains tellement serrées autour du gobelet à présent vide qu’elles broient le carton.

— Je ne ressens rien pour toi, déclare-t-il.

Pas un tressaillement. Sa voix est plate. Blanche. Comme s’il s’agissait d’une évidence.

Mon sang ne fait qu’un tour.

— Tu me mens. Et tu te mens à toi même ! je m’écrie, blessé jusqu’au plus profond de ma chair.

Nouveau haussement d’épaules. Je suis sur le point de sortir de mes gonds.

— Si le croire te permets de mieux encaisser, alors tant mieux.

Toujours ce ton monocorde. Dépourvu d’émotion. Bordel. Comment est-ce possible ? Comment peut-il rester si placide alors que je suis à deux doigts de m’effondrer ?

— Et Londres alors ? Merde, Noah. Tu ne peux pas dire ça après tout ce qui s’est passé là-bas !

— Pourtant, c’est ce que je suis en train de faire. Je ne ressens rien pour toi, James. Londres était sympa, vraiment. Mais nous deux, ça doit s’arrêter là.

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27 commentaires

lisa3375

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Il y a 4 ans

putain de merde je lui fouterais des claques à Noah il fait genre.

Carrie N

-

Il y a 7 ans

Bon bon bon.... C'est dechirant. Noah se ment sûrement à lui même mais il est très convaincant. Comme j'aimerais la tout de suite connaître son ressenti, que ce soit lui qui dise qu'il n'en pense pas un mot et fait ça pour prote gérer James...

SFANS

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Il y a 8 ans

Que cache Noah il veut le protéger je suis sûre mais de quoi?

Valencia Herry

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Il y a 8 ans

Mais ! Moi je suis sûre que Noah ment, pour se détacher. Avec tous les coups qu'il reçoit, il a peur d'y passer un jour et ne veux pas que James ne souffre encore plus.

JeewelLs

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Il y a 8 ans

Oh... c'est trop triste

LABRANCHE

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Il y a 8 ans

Mon coeur est triste....

Lou-Anne PV

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Il y a 8 ans

C'est pas gentil de nous faire ça!!!!

Chlore

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Il y a 8 ans

Monstre d'auteur sadique ^^

amylee971

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Il y a 8 ans

Voilà... mon coeur aussi est en lambeaux ....

InaaCooki

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Il y a 8 ans

Es ce que je peux te défoncer Nono ????? (même si je t'aime bien)
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