Fyctia
Chapitre 67
Il ne réfléchit même pas. Ses paroles coulent hors de ses lèvres avec tant de facilité qu’il pourrait presque me convaincre. Presque.
Je passe une main dans mes cheveux. Je me rends compte qu’elle tremble bien trop.
— Bordel Noah…, est tout ce que je parviens à dire avant que ma voix se brise.
Il doit voir à quel point je suis en vrac, parce qu’il soupire et que son visage se radoucit.
— Écoute… Ma vie est assez merdique comme ça. Je ne peux pas me permettre de t’impliquer là-dedans. Je dois me concentrer sur mes études. Je dois réussir. Je dois nous sortir de là, ma mère et moi.
Je sais tout ça. J’en ai parfaitement conscience. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’il croit que les deux ne soient pas compatibles. Au contraire.
— Je peux t’aider.
— Non. Tu ne peux pas.
Il s’entête. Encore et encore. Bordel. Pourquoi refuse-t-il mon soutien ? Pourquoi ne peut-il pas accepter de se faire aider ? Pourquoi doit-il se montrer aussi buté ?
— Laisse-moi te prouver le contraire. Apprends à me faire confiance. Apprends à compter sur les autres. Tu n’es pas seul, Noah. Des gens sont là pour te soutenir. Je suis là, moi.
Un ricanement. Un peu triste. Un peu désabusé.
Il passe une main sur son visage.
Son corps pivote et il se tourne complètement vers moi. Cette fois-ci, sa main vient trouver la mienne et il entrelace ses doigts aux miens. Bordel. C’est si bon. Je les serre désespérément, comme pour l’empêcher de jamais me lâcher.
— Tu ne comprends pas, souffle-t-il. Quand je suis avec toi, je… J’oublie tout. J’oublie mes responsabilités.
Enfin une foutue vérité. Et putain, ça fait du bien. Ce simple aveu suffit à reprendre espoir. Qui se brise aussitôt.
— J’oublie que tu es mon prof et que tu risques d’avoir des problèmes.
— Je m’en tape, putain !
— Non, c’est faux. Et tu le sais pertinemment.
Il a raison. Je mens. Je ne m’en fous pas. J’aime mon métier. Et surtout j’aime cette école. Et j’ai conscience que nous prenons un risque. Mais ce n’est pas une fatalité.
— Nous trouverons une solution, je réplique, avec toute l’assurance dont je suis encore capable.
— Je suis désolé, James.
Voyant que je ne réponds pas mais ne cesse de le regarder, un peu hagard, un peu décontenancé, profondément mal, il continue.
— Dans d’autres circonstances, toi et moi, ça aurait pu fonctionner. Nous aurions pu vivre quelque chose. Quelque chose d’intense. De beau. Mais là, c’est trop pour moi. Je ne peux pas me permettre d’éprouver quoi que ce soit pour toi.
Je ne sais plus quoi dire. J’ignore quel mot serait suffisant pour le faire changer d’avis. Pour le persuader qu’il se trompe. Je me rends compte que rien ne lui fera entendre raison. Je le devine. À l’immense tristesse dans son si beau regard. Dans son ton fataliste. Dans ses doigts entrelacés fermement aux miens.
Il caresse doucement le dos de ma main du bout du pouce, et reprend.
— Tu sais… Je crois que tout arrive pour une raison. Nous étions faits pour nous rencontrer. Nous étions faits pour nous rapprocher. Pour nous découvrir. Pour nous désirer. Mais nous ne sommes pas faits pour nous aimer. Nous étions destinés à profiter d’un court instant tous les deux, et bordel, en ce qui me concerne, j’en ai profité à fond, et je ne regretterai jamais. Mais il faut accepter que, parfois, la vie met sur notre chemin des cadeaux éphémères. Tu as été le plus précieux de tous, James. Mais nous deux, c’était ça. Éphémère. Voué à s’éteindre aussitôt que la flamme s’est allumée.
Putain, mais qu’est que c’est que ces conneries à deux balles ? Je ne veux pas de cette putain de philosophie de comptoir. Je veux retrouver Noah. Mon Noah.
La colère gronde et enfle, à tel point que je ne peux rien faire d’autre que de la laisser exploser. Je délaisse sa main et me relève d’un coup. Mon corps tremble furieusement, à présent. Je crie sans même m’en rendre compte.
— Un mauvais timing ? Une putain de mauvais timing ? C’est de ça qu’il s’agit ?! Merde, Noah, arrête tes conneries.
Il se lève à son tour. Ses paumes emprisonnent mes joues. Il braque son regard au mien. Caresse ma lèvre inférieure. Je me calme aussitôt. Je crois que c’était l’effet désiré.
— Les choses sont telles qu’elles le sont. Nous ne nous sommes simplement pas rencontrés au bon moment. C’est tout. Nous devons l’accepter. Reprendre chacun notre chemin. Essayer de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Je n’arrive pas à admettre qu’il laisse tomber comme ça. Qu’il nous laisse tomber. Qu’il rend les armes. Sans se battre. Sans lutter.
Une ultime tentative. C’est tout ce qu’il me reste.
— Je n’y arriverai pas Noah, je souffle. Je serai incapable de te voir chaque jour, là, si près de moi, sans pouvoir agir. Sans pouvoir te toucher. Sans pouvoir t’embrasser. C’est inconcevable.
Ma voix est éraillée, légèrement hachée de larmes que je refoule tant bien que mal.
— Il le faudra bien pourtant.
— Alors, c’est tout ? On se serre la main et on se quitte ? Merde, Noah. Comment peux-tu réagir avec tant de calme ? Comment peux-tu balayer d’un revers de la main tout ce que nous avons partagé ?
Je ne comprends rien. Je ne comprends plus. J’ai envie de me rouler en boule et de me laisser sombrer.
— Peut-être que nous aurons dû y réfléchir plus tôt. Peut-être que nous aurions dû agir avec notre cerveau, et pas avec notre corps. Pas avec notre cœur. J’ai été sincère, James. J’ai aimé chaque seconde passée avec toi, et bien plus encore. Mais je ne peux simplement pas continuer. Je suis désolé.
Il ne me laisse pas le temps de répliquer. Sa bouche se pose sur la mienne. Baiser furtif, mais appuyé.
Je veux me perdre dans ce baiser. Je veux rester ainsi, ses lèvres contre les miennes, sans plus ne jamais bouger. Redécouvrir le goût de sa langue, la sensation de ses mains partout sur mon corps. Mais je n’ai même pas le temps d’en profiter qu’il a déjà reculé.
Il m’offre un regard désolé, teinté de remords et de regrets. Puis il me tourne le dos.
Et juste comme ça. Sans un mot. Il s’en va.
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Carrie N
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Rubis Loufiri
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Solène Lcrf
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Lililoulou76
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