Fyctia
Chapitre 35
Mon cœur manque un battement en entendant ces quelques mots. Presque comme une supplique. Je me rends alors compte qu’une autre barrière vient de tomber. En me tutoyant spontanément, il annihile cette distance établie entre nous, celle qui jusqu’à maintenant, faisait office pour lui de filet de sécurité. Pour éviter de s’impliquer émotionnellement, pour garder un certain détachement.
Je ne dis rien, me contentant de le regarder.
Il attrape le pan de la couverture pour m’inviter à le rejoindre. Mes yeux alternent entre la place vacante près de lui et son visage. Est-ce vraiment une bonne idée ?
— J’ai simplement envie de te sentir près de moi. Je ne te sauterais pas dessus, c’est promis. J’ai compris. J’ai juste… j’ai besoin de toi, James. Tu veux bien ?
J’aimerais lui dire d’arrêter de se justifier. Je suppose qu’il le fait simplement parce qu’il craint que je repousse une fois de plus. Il ne sait pas que j’en suis incapable. Pas cette fois.
Je passe une main sur mon visage, pour tenter de me remettre d’aplomb, de cacher mon émotion. De faire disparaître cette putain de boule qui me noue la gorge. De le voir là, dans mon lit, en train de m’avouer avoir besoin de moi. Besoin de ma présence après tout ce qu’il a traversé ce soir, c’est tout ce que j’ai voulu depuis le début. De savoir qu’il me fait assez confiance pour me laisser l’approcher, enfin, après tous ces mois, me serre le cœur et envoie une bouffée de chaleur dans tout mon être.
Je hoche la tête. Une fois.
Il sourit.
Un sourire qui illumine mon monde et réchauffe mon corps. J’abandonne ma couverture, éteins la lumière du couloir, et me dirige vers le lit.
J’ai à peine le temps de m’allonger qu’il rabat la couette sur nous avant de se blottir contre moi.
Je l’entoure de mes bras et le presse délicatement contre moi. Sa tête se niche contre mon cou. Mon nez se perd dans ses cheveux. Je hume son odeur. Respire à fond le parfum de sa peau. Si chaude. Si douce. Mes doigts caressent sa nuque. Je l’entends pousser un profond soupir satisfait. Ses muscles se relâchent, et il se colle contre mon corps. Je frissonne lorsqu’il resserre sa prise, comme s’il crevait de peur que je m’éloigne. Que je l’abandonne.
Jamais. Jamais, putain.
J’embrasse le sommet de son crâne et murmure un « bonne nuit ». Seul un grommellement me répond, et je devine qu’il est déjà en train de sombrer dans le sommeil.
C’est alors que sa main se pose sur la mienne. Il enroule ses doigts aux miens avant de presser sa paume contre la mienne. Un sourire se dessine sur mes lèvres.
Je ferme les yeux, me laissant aller au plaisir de le sentir contre moi, respirant doucement.
***
J’ignore depuis combien de temps je l’observe dormir, les traits détendus, paisibles. J’aime penser que je suis la raison pour laquelle il semble si serein. Cette simple idée me gonfle de joie et d’une certaine fierté.
Je n’aurais jamais songé que nous avancerions autant ensemble en l’espace de quelques heures. Et pourtant. J’ai l’impression qu’en une soirée, je suis parvenu à détruire une partie du mur qu’il avait érigé depuis que je le connais. À croire que mes efforts ont fini par payer. Bien sûr, il reste un mystère. Cet homme est brisé. Et j’aimerais pouvoir le réparer. Mais il faudrait qu’il m’en offre la possibilité. Je doute qu’il soit prêt à se confier sur ses fêlures. Je dois déjà m’estimer heureux de constater qu’il ne me considère plus comme un ennemi, ou comme un opportuniste.
J’ai besoin d’en savoir davantage. Comment parvenir à l’aider si j’ignore la cause exacte de ses maux ? Une part de moi a parfaitement conscience que je devrais me montrer patient. Attendre qu’il daigne m’en parler. Mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de savoir. Et je connais la personne idéale pour m’aider.
Du bout du doigt, je dégage une mèche de son front. Je me penche pour l’effleurer de mes lèvres. J’avise l’hématome à sa mâchoire, qui commence à changer de couleur. Avec tout ça, je n’ai même pas pensé à m’en occuper.
Je me perds un long moment dans la contemplation de cet homme. À sa bouche pulpeuse, son menton volontaire, ses muscles fins, son tatouage dessiné sur sa peau couleur d’été, la ligne de poils noirs descendant le long de son nombril pour disparaître sous le tissu de son boxer, telle une invitation à découvrir cette tentation dissimulée.
Je sors de ma torpeur lorsqu’il bouge légèrement avant de se mettre à ronfler. Un petit rire s’échappe de ma bouche devant cette vision attendrissante. Une caresse aérienne sur sa joue, et je décide de me lever, ne parvenant pas à trouver le sommeil.
Je pourrais demeurer ici, tout contre lui, mais je ne ferais que ressasser, réfléchir, peser le pour et le contre, me torturer l’esprit. Autant profiter de mon insomnie pour agir utilement.
Ne souhaitant pas le réveiller, c’est avec toutes les précautions de monde que je me coule hors du lit.
Je frissonne lorsqu’une vague de fraîcheur remplace le cocon douillet et chaud que je viens de quitter. Bon sang, son corps me manque déjà.
Je me dirige à pas de loup vers le salon, attrape mon téléphone abandonné dans mon manteau et regarde l’heure. Il n’est pas si tard. À peine une heure du matin.
Je laisse glisser mon doigt sur l’écran tactile, et trouve rapidement le nom de Samuel dans ma liste de favoris. Il faut dire qu’elle est assez restreinte.
Il décroche au bout de la deuxième sonnerie.
— Je te manque déjà ?
Un rire bref s’échappe de mes lèvres et je lève les yeux au ciel, bien que je sache parfaitement qu’il ne peut me voir.
— Ouais. À un point que tu ne peux même pas imaginer.
C’est à son tour de s’esclaffer. Je l’entends farfouiller dans ce que je devine être une pile de papiers et pousser un profond soupir. Je le visualise parfaitement : son grand corps coincé dans une chaise à roulette hors d’âge, un bureau bordélique où trône son flingue, sa plaque et un gobelet de café tiède, tandis qu’il plisse ses yeux fatigués par la lumière de l’écran de son ordinateur.
— Alors, dis-moi, qu’est-ce qui se passe ? Je suppose que tu ne m’appelles pas à cette heure-ci pour le simple plaisir d’entendre ma douce voix.
— Tu me connais décidément trop bien.
Il émet un grognement amusé pour toute réponse, attendant ma demande.
D’un coup, je ne suis pas certain de ce que je m’apprête à faire. Noah risque de m’en vouloir, s’il le découvre. Ceci étant dit, il n’y a aucune raison pour que ce soit le cas, n’est-ce pas ?
— J’ai besoin que tu me rendes un service. J’aimerais que tu te renseignes sur un de mes élèves.
44 commentaires
IsabellLamberetAdell
-
Il y a 8 ans
WhiteAir
-
Il y a 8 ans
Sara Devan
-
Il y a 8 ans
Elynwe
-
Il y a 8 ans
Elise Picker
-
Il y a 8 ans
CaroWritings
-
Il y a 8 ans
Ikare
-
Il y a 8 ans
F.V. Estyer
-
Il y a 8 ans
LABRANCHE
-
Il y a 8 ans
mylaure56
-
Il y a 8 ans