Fyctia
Chapitre 19
Le week-end se déroule à une vitesse folle. À tel point que je n’ai pas vu le temps défiler. Il faut dire que j’ai été constamment occupé. J’ai passé la majeure partie de mon samedi à ranger l’appartement de fond en comble. J’avais un peu laissé tomber le ménage ces dernières semaines, et il était temps d’y remédier.
Après avoir tout décrassé, je me suis attelé à la tâche la plus ardue émotionnellement : me débarrasser de la moindre trace de l’existence d’Elias dans ma vie. J’ai entassé toutes ses affaires — celles qui traînaient encore dans mon placard et dans ma salle de bain — dans un immense sac poubelle. J’ai scruté méticuleusement chaque recoin pour être certain de ne rien oublier, pour être sûr de ne pas retomber par inadvertance sur une de ses possessions qui risquerait de me faire replonger dans cet abîme. En attrapant le flacon de parfum presque vide qu’il gardait chez moi, j’ai même résisté à la tentation d’en vaporiser un peu dans l’air pour retrouver cette fragrance si particulière. Puis je suis revenu dans ma chambre et me suis débarrassé de toutes les photos, qui — bien que je les aie déjà enlevées de sous mes yeux pour ne pas souffrir davantage — gisaient toujours dans le tiroir de ma table de nuit. J’avais voulu les déchirer à plusieurs reprises. Arracher ces clichés qui me rappelaient un temps révolu où nous avions été heureux. Mais à chaque fois que mes yeux rencontraient son visage souriant, sa petite fossette au coin de la joue, sa main tenant fermement la mienne, son regard pétillant d’amour pour moi, je les laissais retomber en soupirant, les larmes s’invitant derrière mes paupières sans que je les autorise à couler. Mais il était hors de question que je continue de me morfondre. Hors de question que je lui permette de gagner. Je devais aller de l’avant, et je le souhaitais profondément. Il était temps de tirer un trait sur ce passé. Il était temps de réapprendre à vivre dans le présent. De me reconstruire un futur.
Honnêtement, une fois ma tâche accomplie, j’en ai éprouvé un sentiment de liberté, de légèreté. Comme si son fantôme qui planait toujours dans cet appartement avait disparu. Comme si, par mes actions, j’étais enfin parvenu à exorciser sa présence une bonne fois pour toutes.
L’autre changement de ce week-end sous le signe du renouveau a été de me remettre au jogging. Ça avait été une activité quasi-quotidienne avant. Un moyen de me vider la tête, d’évacuer le stress ou la fatigue suite à une longue journée. De prendre un bol d’air — pollué, certes —, de ne penser à rien d’autre qu’à mes foulées, à ma respiration, à mes pas qui claquaient contre le bitume suivant un rythme précis.
Et après une journée si intense, je me suis écroulé sur mon lit et comme la veille, me suis assoupi comme une masse, le cœur plus léger, l’estomac moins contracté.
J’ai dormi jusqu’à très tard le dimanche. J’ai pris le temps d’avaler un vrai petit déjeuner pour la première fois depuis un bail. Le frigo était plein grâce aux courses de la veille, et je me suis surpris à prendre plaisir à cuisiner.
Le reste de la journée, je l’ai passé le nez dans mes cours, concentré, jusqu’à ce que Sam débarque pour le dîner. J’avais été étonné de le voir arriver, et il l’avait compris tout de suite.
— Tu devais être sacrément bourré vendredi, avait-il déclaré en souriant avant de pénétrer dans l’appartement, muni d’un sac en papier rempli de bouffe japonaise et d’un pack de bière.
Je l’ai regardé tandis que ses yeux faisaient le tour de la pièce. Son torse puissant moulé dans un tee-shirt, ses larges cuisses emprisonnées sous un jean noir qui mettait son cul en valeur. Et d’un seul coup, notre conversation post-coïtale m’est revenue en mémoire.
Je me suis souvenu lui avoir proposé de venir dîner ce soir. De reprendre notre amitié là où je l’avais laissé, à l’abandon, en jachère, sans savoir exactement quand je serais prêt à lui octroyer de nouveau du temps. Je me suis souvenu m’être excusé encore et encore pour lui avoir accordé si peu de considération ces derniers temps. L’alcool a beaucoup joué dans mon discours ce soir-là, mais je pensais chaque mot que j’ai dit. Qu’il me manquait. Que je voulais le retrouver. Nous retrouver. Que bien que ma vie soit un bordel sans nom et que j’essayais tant bien que mal d’avancer, pas à pas, chaque jour, je voulais qu’il en fasse de nouvelle partie. Parce que son amitié importait. Qu’elle était même primordiale. Qu’elle me permettait de garder l’équilibre. De ne pas m’enfoncer davantage dans cette noirceur. De m’aider à guérir.
— Putain, merde, je suis désolé, avais-je soufflé, sincèrement confus de mon oubli.
Il s’était de nouveau tourné vers moi et avait éclaté d’un rire sonore et si communicatif que je n’avais eu d’autre choix que de mêler mon rire au sien.
Ce soir-là, nous nous sommes véritablement retrouvés. Comme avant. Comme si rien n’était arrivé. Et de l’avoir la, près de moi, son amitié aussi intacte que par le passé, avait été le point culminant de ce week-end parfait.
***
Je me tiens sur un petit nuage pendant toute la journée de lundi. Un sourire flotte constamment sur mes lèvres. Les cours se déroulent pour le mieux, l’ambiance avec mes élèves est détendue. Malheureusement, j’aurais dû savoir que tout ça serait trop beau pour durer. À peine ai-je franchi les portes de la salle de classe des premières années que mon regard se porte directement sur Noah. C’est plus fort que moi. Je ne parviens pas à m’en empêcher. Il est tel un aimant qui m’attire inévitablement à lui dès lors que nous nous retrouvons dans la même pièce. Je ne peux l’ignorer. J’ai comme ce besoin de me rassurer. De savoir qu’il est là. Non loin. Peut-être est-ce la crainte de le voir disparaître de nouveau, définitivement cette fois. Parce que cette peur ne me quitte jamais. J’ignore ce qui se passe, j’ignore ce qu’il vit. Mais je sais que je ne serais pas satisfait tant que je n’aurais pas ôté cette couche de protection, quitte à devoir la gratter de mes ongles jusqu’à en saigner. Parce qu’il y a une chose que je constate, que je devine dès lors qu’il baisse sa garde et me laisse entrevoir ce regard hanté. Ce gosse a besoin d’être secouru. Il a besoin d’être sauvé. Et je veux, je veux vraiment, profondément, être celui qui le sortira des ténèbres qui l’enserrent.
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35 commentaires
Bones blacknight
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Il y a 7 ans
IsabellLamberetAdell
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