F.V. Estyer Désirs défendus Chapitre 13

Chapitre 13

Durant plusieurs jours, je ne cesse de songer à Noah et à sa blessure qu’il a tenté de camoufler. Je l’observe davantage pendant les cours, guettant ses réactions, essayant de deviner ce qu’il peut cacher. Mais fidèle à lui même, il ne montre rien, ne change pas d’attitude. Il continue de prétendre que rien ne s’est passé, de faire comme si nous n’avions jamais eu cette conversation. Comme si je n’avais rien découvert.

J’ai hésité à aller en parler à la direction, avant de me rétracter. Ce n’est peut-être pas grand-chose, je me fais sûrement des idées. Peut-être une soirée qui a dérapé pour se finir en rixe. C’est un mec, ça nous arrive à tous de vivre ça.

Malgré tout, je ne relâche pas ma vigilance, au contraire.

Mais il est difficile d’essayer de sonder quelqu’un, d’essayer de déchiffrer ses expressions, quand son visage n’est qu’un masque d’impassibilité.

Décidément, il ne compte pas me faciliter la tâche.

Une part de moi aimerait laisser tomber. On ne peut pas aider quelqu’un qui ne veut pas l’être. D’ailleurs, j’ignore même s’il en a réellement besoin. Mais l’autre part me dit que c’est le cas, et que je ne dois pas abandonner. Peut-être qu’il ne s’en rend pas compte encore, qu’il se méfie de moi ou de mes motivations, mais chaque chose en son temps. Prendra le temps que ça prendra, mais il finira par me faire confiance. Du moins, je l’espère.


***


Je viens de terminer mon dernier cours et attends que tous les élèves aient quitté ma classe pour me diriger vers la salle d’étude et récupérer quelques bouquins dont j’ai besoin pour préparer certaines de mes interventions.

Il est dix-huit heures, fin de la journée pour tous les étudiants qui se ruent à travers les portes d’entrée, pressés de rentrer chez eux ou d’aller boire un verre ensemble pour se relaxer.

En passant devant la salle des profs, j’avise Noémie, en train d’enfiler sa veste. Elle m’offre un petit signe et je lui souhaite une bonne soirée avant de continuer mon chemin.

Les rires et les voix se tarissent au fur et à mesure, et je me retrouve bientôt envahi par un silence serein tandis que tout le monde ou presque a quitté l’établissement.


Je pousse la porte entrouverte et pénètre dans la salle brillamment éclairée. Qui semble par ailleurs déserte. Des tables sont disposées çà et là, et les murs d’un blanc cassé sont dissimulés derrière des étagères pleines à craquer de livres et manuels scolaires.

C’est alors que j’entends un son feutré un peu plus loin sur ma gauche. Je m’avance et découvre avec surprise Noah, avachi sur sa chaise, la tête posée sur un bouquin, ses lunettes de travers, qui ronfle doucement. Je m’approche et réalise que le bruit était en fait la musique provenant de ses écouteurs qui sont tombés de ses oreilles et pendent à présent dans le vide.

Que fait-il encore ici ? Ses cours sont terminés depuis au moins trois heures.

Malgré moi, je ne peux m’empêcher de l’observer. Il semble paisible, serein. Ses traits sont détendus, et un léger sourire ourle ses lèvres pleines. Je dois réprimer mon envie subite de tendre le bras pour caresser son visage. Bordel, mais je déraille ou quoi ? C’est un putain d’élève, il serait bon que je ne l’oublie pas.

Je pousse un petit soupir frustré et contrit, et m’approche pour poser délicatement ma main sur son bras et le secouer légèrement.

— Noah ?

Pas de réponse. Je le secoue un peu plus fort.

— Noah ?

Il grommelle un son inarticulé. Et ouvre les yeux d’un coup.

Ils sont si grands, si verts, si brillants que je ne peux réprimer un petit sursaut. Qui n’est rien comparé au sien. Il saute pratiquement de sa chaise, qui racle bruyamment le sol et me fait grincer des dents.


Nous nous dévisageons le temps de quelques secondes et je constate à sa respiration que son cœur s’est emballé.

— Désolé. Je ne voulais pas te faire peur.

— Vous m’avez surtout surpris, rétorque-t-il, et je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire en entendant cette réplique.

Est-ce normal que je trouve son air bravache si mignon ? Je ne crois pas.

— Pourquoi n’es tu pas rentré chez toi ? je m’enquiers avec curiosité.

— Il fallait que je bosse.

— Ça a bien marché en tout cas, je ne peux m’empêcher de répliquer d’un ton léger.

Il ne répond rien, m’offre un regard noir et se frotte les joues comme pour tenter de se réveiller tout à fait. Puis il jette un poil à son portable et jure dans sa barbe en avisant l’heure.

— Merde. Il faut que je rentre chez moi !

Il se lève vivement, enfourne pêle-mêle ses affaires dans son sac à dos, attrape sa veste et se dirige prestement vers la sortie, se contentant d’un « bonne soirée » de pure politesse.

Il est sur le point de passer la porte lorsque je l’interpelle.

— Noah !

Ses pas s’arrêtent net et il tourne la tête vers moi, attendant de savoir pourquoi je le retarde.

— Si tu as des questions, ou des difficultés ou quoi que ce soit… N’hésite pas. Nous sommes là pour vous aider. Je suis là pour t’aider.

Il me fixe durant un court instant, et je sais qu’il va sûrement encore m’envoyer bouler. Pourtant, j’essaye d’y mettre le bon ton, afin qu’il soit conscient de ma sincérité.

Pourtant il n’en fait rien. Se contente de hocher la tête, et disparaît.

Je demeure quelques instants immobile, écoutant ses pas s’éloigner, une porte s’ouvrir et se refermer dans le lointain. Puis je secoue la tête, passe une main dans mes cheveux et tente de reprendre mes esprits.

En voulant remettre en place la chaise qu’il n’a pas pris la peine de ranger correctement, je remarque qu’il a oublié son paquet de clopes. Je me penche pour le récupérer, et découvre alors un petit papier plié en plusieurs morceaux.

Pendant de longues secondes, j’hésite sur la marche à suivre.

« Range-le dans ta poche, James. Ça ne te regarde pas. »

Mais mon bon sens perd vite la bataille face à ma curiosité. Je glisse le papier hors du film plastique et l’ouvre précautionneusement. Ma mâchoire se serre imperceptiblement en découvrant le prénom de Maud suivi de son numéro de téléphone.

Pris d’une impulsion, je suis à deux doigts de le déchirer rageusement et de le jeter. Mais ça ne changerait pas grand chose, j’en suis conscient. Tout comme je suis parfaitement et douloureusement conscient que ma réaction est complètement inappropriée.

Bordel, je ne peux pas avoir un faible pour un étudiant. C’est totalement hors de question. Franchement, il ne manquerait plus que ça.

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32 commentaires

IsabellLamberetAdell

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Il y a 8 ans

Et oui c'est un eleve et faut savoir si il est gay

WhiteAir

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Il y a 8 ans

Mais si, tu peux... oh que si ! D'un autre côté, manquerait plus qu'il soit hétéro, Noah. Là, ça changerait d'ambiance... ^^'

Sara Devan

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Il y a 8 ans

Aie aie aie ! James, le coeur est toujours plus fort que la raison !

Eva Auteur

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Il y a 8 ans

Nie autant que tu veux James, mais c'est déjà trop tard ^^ Noah t'attire beaucoup :)

Ikare

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Il y a 8 ans

Hahaha je sais pas qui il espère duper avec son faible pour Noah hein, on sait tous qu'il s'y intéresse un peu plus qu'il ne devrait x) J'aurais bien aimé voir son "air bravache" moi tiens ça avait l'air drôle ! En tout cas, on sent qu'il y a un bon bout de chemin à parcourir avant qu'ils abattent les barrières entre eux et tout, mais déjà James est irrésistiblement attiré c'est bien vu ! Foutue Maude haha en voilà une qui va se prendre un râteau...

chacha2780

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Il y a 8 ans

Ahhh problèmes à l'horizon...

Berenice 05

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Il y a 8 ans

James est à croquer...

Jee-G

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Il y a 8 ans

Mmmmm moi je dirais bien que le faible est réciproque non?? Allez dis-le moi je le répéterai pas promis ;-)

Melissa Sabourin

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Il y a 8 ans

J'adore vraiment cette histoire. James et son coeur en or m'intrigue Hâte de lire la suite merci

F.V. Estyer

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Il y a 8 ans

hé oui..il commence a craquer...
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