Fyctia
Chapitre 8
Je m’échappe tant bien que mal de ces souvenirs douloureux pour revenir au présent. Ma gorge est irritée, mon corps tremble, mon front est couvert de sueur et je dois m’y reprendre à deux fois pour parvenir à me relever. Les jambes flageolantes, je me dirige vers le lavabo, passe de l’eau sur mon visage et me rince la bouche.
Je relève la tête pour m’observer dans le miroir. Mes yeux bouffis, mes cheveux blonds tout ébouriffés et mon teint cadavérique.
Bon sang, je suis ridicule.
Je baisse le regard pour ne plus avoir faire face à mon reflet et tente de me relaxer. Mes mains sont si fermement agrippées au rebord du lavabo que je crains qu’il ne tombe ne miette.
Respire. Respire. Tu peux affronter ça. Tu peux aller de l’avant. Tu peux guérir.
Je ne suis pas sûr que l’auto persuasion fonctionne vraiment, mais qui ne tente rien n’a rien.
Après avoir pris une profonde inspiration, je me décide à rejoindre mes collègues.
Lorsque je reviens dans la pièce, je les trouve en train de discuter entre eux. Je surprends quelques regards en coin, mais tous sont assez polis pour faire comme si de rien n’était.
Je me rassois près de Noémie qui pose délicatement sa main sur mon bras.
— Tout va bien ?
J’acquiesce et tente de lui offrir un petit sourire qui hélas, ne s’avère pas vraiment convaincant. Elle n’insiste pas pourtant. Je pense que sa première tentative lui a servi de leçon.
Le reste de la réunion se déroule pour le mieux. J’essaye de me concentrer sur les paroles prononcées par notre directeur, participe aux différentes conversations avec plus ou moins d’entrain. Finalement, le temps passe et nous sortons tous déjeuner.
Les premières années commencent cet après-midi. Les autres n’arriveront que dans deux jours, histoire de leur permettre de s’adapter au nouvel établissement sans se laisser déstabiliser par leurs aînés.
C’est ainsi qu’une heure plus tard, c’est le ventre plein et d’un peu meilleure humeur que je me dirige vers ma salle de classe.
Quelques voix me parviennent lorsque j’arrive devant la porte, mais elles restent feutrées. C’est là toute la différence avec ce à quoi je vais avoir le droit dans deux jours. Les deuxièmes et troisièmes années se connaissent, et prennent plaisir à se retrouver après les vacances. Eux sont tous des inconnus les uns pour les autres, il va leur falloir un peu de temps pour trouver leurs marques, développer des amitiés.
Toutes les conversations se taisent lorsque je fais mon entrée. Je sens les regards converger dans ma direction et le stress monte en moi. Il est toujours difficile de se confronter à des élèves. Un seul faux pas et vous risquez de foutre en l’air toutes vos chances de faire une bonne impression. Néanmoins, je ne me laisse pas démonter, et un sourire plaqué sur les lèvres, je me dirige vers le bureau pour y poser mon sac.
— Bonjour à tous. Je m’appelle James West, et je serai votre professeur d’anglais.
Bon, je suis sûr qu’avec mon accent à couper au couteau, ils l’avaient déjà deviné tout seuls.
Ils me dévisagent tous, certains murmurant un « bonjour » en retour, d’autres se contentant d’acquiescer. Ils n’ont vraiment pas l’air très à l’aise, mais j’espère que ça ne va pas durer.
— Pour commencer, j’aimerais vous connaître un peu plus, et je suppose que vos camarades aussi. Je sais que ce n’est pas un exercice très marrant, mais c’est un passage obligé. Ensuite, nous discuterons entre nous, en anglais, afin que je puisse déterminer votre niveau. Est-ce que c’est OK pour tout le monde ?
Hochement de tête plus ou moins enthousiastes, mains qui se crispent, stylos qui cliquent, rires étouffés. Mon sourire s’agrandit. Je me détends tout à fait.
C’est dans ces moments-là que je me rends compte que ce boulot est fait pour moi. Je me sens comme un poisson dans l’eau. Je retrouve ce que je sais faire, ce que j’aime faire, et j’en éprouve un immense soulagement. Toutes mes pensées parasites s’effacent et je me concentre sur la vingtaine d’élèves, tout à fait éclectique, que j’ai en face de moi.
— Je commence, et ensuite ce sera à votre tour.
Ils ont l’air d’accord avec ça. Alors je m’assois sur un coin de table et parle de moi. Je leur raconte d’où je viens, mes études à Oxford. J’évoque mon parcours, mes hobbies. J’échange sur mon activité de traducteur, et tandis que je déroule mon histoire, je peux deviner qu’ils sont de plus en plus intéressés, qu’ils portent attention à tout ce que je leur raconte.
Au fur et à mesure, les visages se décrispent, s’éclairent, et quand arrive leur tour de parler, c’est un peu plus assurés que les premiers se lancent. Je les écoute avec intérêt, essayant au mieux de retenir leur nom, en hochant la tête pour leur garantir mon attention.
Mais alors que le trois quart de la classe a passé le test avec plus ou moins de succès, mes yeux se posent sur un élève que je n’avais pas remarqué avant. Et qui me fixe intensément. Pendant un court instant, nous ne nous lâchons pas du regard. Je sens un frisson traverser ma colonne vertébrale et je tressaille. Il ne baisse pas la tête, me capturant de ses yeux d’un vert sombre. Je finis par me détourner, à contrecœur, et me racle la gorge quand je réalise que je n’ai rien écouté de ce que sa voisine vient de raconter.
Merde.
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Brookwin Aurélie
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Il y a 8 ans
WhiteAir
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Il y a 8 ans
Aline Combes
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Sara Devan
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chacha2780
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Lili CL MARGUERITE
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Il y a 8 ans