Maria Karera Des routes et des chemins pour réussir Chapitre 15 : 40 ans – 3

Chapitre 15 : 40 ans – 3

Prendre soin de ses larmes


Chez le psychologue, je lui vomis toutes mes émotions. Je suis comme ça, pudique, mais là, je ne peux pas faire autrement. La colère, la tristesse, la culpabilité : voilà tout ce que je lui envoie en pleine séance. Impassible, il est très carré et pose des questions justes auxquelles je n’aurai même pas pensé.

— En quoi auriez-pu aider votre mari lors de sa crise cardiaque qu’il a eu au travail ?

— En rien (du con).

— Alors, c’était peut être son heure, ne pensez-vous pas ?

— Oui, mais pas la mienne, je n’étais pas prête.

— Est-on prêt à perdre son conjoint ?

— Jamais.

— Nous sommes d’accord. La culpabilité ne vous permettra pas de le faire revenir.

— Bien sûr. Sherlock.

— En quoi la tristesse et la colère vous aident à passer le cap ?

— Ce n’est pas un cap, Monsieur, sauf votre respect. C’est une falaise morte.

— Falaise ou malaise, comment définiriez-vous cette période ?

— Je n’ai pas envie de la définir. Je ne voulais pas qu’elle arrive. La tristesse va emmener les eaux qui vont raboter la falaise, jusqu’à ce qu’elle s’écroule.

— Vous pensez vous écroulez ?

— Je parle de la falaise.

— Bien, et la colère ?

— Elle construit une falaise de plus en plus haute je pense. Ça ne l’empêchera pas de s’écrouler à un moment.

— La perte perdure en profondeur Madame, non ?

Ses « P » me font mal aux oreilles, je lui en foutrais des P bien placés !

— Bien, nous avons fini pour aujourd’hui. Notez vos rêves jusqu’à la semaine prochaine dans votre carnet. Faites des choses qui vous font plaisir et faites moi part lorsque vous serez prête à reprendre le travail, mais ce n’est pas pour tout de suite d’après moi.


Oui, je ne travaille pas, je me morfonds. Je pleure. Comment je vais m’en sortir ? Je dors mal ou beaucoup, je mange peu, je n’ai pas faim.

Je rentre me coucher. Parce que je sais que ça n’ira pas mieux demain.


Pourquoi ai-je besoin que les autres valident ma souffrance ? De prouver que j’ai mal ?

Le psy m’a répété : accueillir, affronter, accepter, guérir. Pas pour tout de suite.


Je suis livrée à ce qui reste de moi-même. Seule. Un abandon de plus. Il réveille les autres. Celui de Papy Victorien, puis celui mon père. Pourquoi ces hommes fuient ma vie ? Je ne suis pas le centre du monde, mais dans le mien, les hommes déguerpissent trop vite. Je les aime tous. Ils me quittent, définitivement. Cet attachement me vaut des perles incessantes sur mes joues. Elle me brûlent, chaque jour de cette putain de vie. Simone de Beauvoir a dit « Dans toutes les larmes s’attarde un espoir ». J’ai beau chercher, pas d’espoir à l’horizon.

Dieu m’a oublié, il ne m’a pas donné la foi et j’écoute pourtant Ophélie Winter en boucle… (ne me jugez pas, ça me fait penser au moment de notre rencontre avec Émile).


Le deuil est un écueil que j’ai envie de comparer avec un écureuil au printemps, mon œil !


Une légende japonaise dit :

« Si vous avez l’impression de tout perdre, rappelez-vous que les arbres perdent leurs feuilles chaque année, mais qu’ils restent debout et attendent des jours meilleurs ».


Je ne veux pas des jours meilleurs. Ce que je vis, c’est un trou béant. Je veux qu’il reste intact, en sa mémoire. Je vis le manque. J’ai peur de l’oubli.

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4 commentaires

Jessica Goudy

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Il y a 9 mois

Like de soutien 🥰✒️ Passe aussi sur ma story si le coeur t'en dit 🙏😘

Jehan Calu de Autegaure

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Il y a 9 mois

… et si nous échangions nos likes pour débloquer nos chapitres ? Ce serait cool… Il ne m’en manque que quelques uns. Merci d’avance.
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