Maria Karera Des routes et des chemins pour réussir Chapitre 14 : 40 ans – 2

Chapitre 14 : 40 ans – 2

Victoire file. Appelle sa mère pour Noa. Arrive à l’accueil et demande Émile. La secrétaire lui réponds «  à la morgue ». Elle tombe par terre, plus que chamboulée. Un interne passe et la relève, prend sa tension et demande ce qui se passe à l’accueil. " Son mari est décédé. Je ne savais pas qu’elle savait pas." Bienveillance hospitalière, bonjour.

Il reprend une conversation avec Vic’ et explique qu’elle doit se reposer avant de le voir. Mais elle le veut, à tout prix. " Que s’est-il passé ? On me demande de venir le voir à l’hôpital, il est mort ? Je ne comprends pas. Le SAMU l’a amené ici."

Elle s’allonge, s’écroule et hurle comme une louve qui vient de perdre son loup. Il lui donne un calmant, elle dormira deux heures.


Au réveil, non, non, c’est impossible. Elle se dirige vers la morgue. Comprend que c’est son Émile qui va se tenir sur cette plaque froide. Elle à l’habitude avec les personnes âgée mais pas là, pas maintenant, pas lui. Impossible. Le choc la traverse. Elle pense appeler sa mère, s’en sent incapable jusqu’au moment où le drap est levé. Elle touche son bras gelé. Il est pâle. Il est beau mais n’est plus. Tout s’emmêle dans sa tête, lui, elle ce matin. Les derniers mots échangés ? Le dernier baiser.

— Que s’est-il passé ? Demande-t-elle au médecin.

— Crise cardiaque. Malgré le massage et le DAE, pas possible de faire quoique ce soit, je suis désolé.

— DAE, c’est quoi ? Vous pouvez l’être, que vais-je faire sans lui ? Je peux rester ?

— Oui, durant 20 minutes. C'est défibrillateur. Il sera transféré aux pompes funèbres lorsque vous aurez fait les papiers.

— …


Je vois le cercueil d’Émile. Je revois celui de mon père. Comment on met 300 balles dans un truc en bois qui finira par brûler ? Et encore payer la crémation ? C’est dingue. Je dois me raccrocher à ces inepties pour ne pas sombrer, là, tout de suite. Le choc est encore vif. Je ressens un étau permanent dans ma poitrine. Une impression de coton m’empare toute la journée. J’ai appelé des gens après. Je ne sais même plus qui, ni ce que je leur ai dit, ni les mots, ni la voix, ni les informations. Je vais devoir les rappeler, certainement.

Donner l’heure, le lieu, quoi et avec qui. Ne pas oublier, ne pas oublier.

J’ai du appeler du monde à l’aide pour m’aider à « organiser » ça. La sœur d’Émile est pragmatique malgré son chagrin. Elle est dans l’événementiel, c’est son travail et elle saura faire ça comme il faut. Les femmes sont, dans ces cas-là, des battantes, des guerrières. J’entends par « femmes » un sens large de sensibilité et de mise en action en cas d’urgence, cela peut se prêter à différents profils de personnes, sans distinction de genre ni de sexe.

Après, on verra comment on s’écroule. Je me souviens de ma grand-mère après la mort de papy, qui est restée des jours et des mois à le pleurer. Mamy, dis-moi comment tu as tenu sans lui ? Maman, je crois que je comprends ta souffrance quand papa est parti et que, j’avais presque le même âge que Noa. Je sais désormais, j’espère qu’on en parlera, quand je sortirai de mon anesthésie générale.

Tu as aimé ce chapitre ?

5

5 commentaires

Le Mas de Gaïa

-

Il y a 9 mois

C'est très émouvant, on sent la détresse et la distance qu'elle s'impose pour pouvoir "gérer"

Jessica Goudy

-

Il y a 9 mois

Soutien 🥰✒️
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.