Maria Karera Des routes et des chemins pour réussir Chapitre 8 : 36 ans - 45 ans

Chapitre 8 : 36 ans - 45 ans

36 ans

Je suis officiellement infirmière, quelle joie, je n’y croyais pas ! Mon travail a payé, malgré mes difficultés. J’ai cru que je n’y arriverais jamais. Penser, réviser, calculer, réaliser des techniques… Tout cela demande de la concentration. Heureusement que j’ai une expérience du soin.

Je prends mes fonctions. Cette fois, la nouvelle interne me pose une question sur le traitement d’une nouvelle résidente. Je me sens pousser des ailes, déjà, on me parle et, en plus, on me demande quelque chose ! Je ne les connais pas encore très bien ces nouvelles têtes grises et bancales. Je vais apprendre à les découvrir, jour après jour.


Mon couple vacille, de mon point de vue. Émile ne voit pas la catastrophe arriver. J’ai l’impression d’être seule dans le bateau, avec mon fils. Pour ne pas se noyer, je prévois des sorties avec mon homme, quand il peut, ou avec des amis.

J’ai gardé contact avec quelques collègues aides-soignant(e)s. Je suis passée « de l’autre côté », ils m’acceptent et seraient presque fiers de moi.

Une seule n’a pas souhaité garder la contact. Déçue se dit elle, a perdu confiance en moi. Je crois qu’elle a perdu confiance en tout au final. Je n’ai pas compris du tout. Je n’ai jamais eu à réparer une amitié. J’y tenais, mais là, je crois que ses douleurs sont plus fortes que notre relation. Distancée, j’ai tenté une approche. Refoulée, je me suis sentie triste. Décontenancée, j’ai compris que la balle n’était plus dans mon camp. J’aime mes ami(e)s quoiqu’ils sont, qu’ils fassent ou qu’ils disent. Nous avons tous nos défauts et parfois, on se l’entend dire ; on accepte, ou pas. Je trouve que cela dépend de la manière dont c’est formulé. Parfois, je me dit que mon amie ne me ferait pas ça, oh non. Puis, je vis la situation comme un choc, une rupture. Mes larmes ne comprennent plus, ne savent pas distinguer ce mal d’avec d’autre choses plus profondes. Je ferai avec. Ou pas.

Cela fait partie de la vie. Mon grand-père me disait souvent que les amis vont et viennent. Qu’être là pour eux est important, autant dans les bons moments que dans ceux qui sont extrêmement difficiles. Mais tout cela doit être équilibré. Dès que le déséquilibre s’installe, il va y avoir un problème. Oui, je le vis, merci papy.


Dans notre quotidien morne, Krokmou aime se faufiler le soir dans notre chambre. Il pétrit délicatement la couette de Noa, pour s’avachir tendrement à ses pieds.

Parfois, mon petit se tourne la tête côté pieds dans le lit pour être encore plus près de cette boule de poil, ronronnante.

Les voir tous les deux m’émeut. Pleine de larmes, de joie, je peux ainsi m’endormir paisiblement.


Noa a 4 ans. 

Maman est belle. Elle ensoleille tout sur son passage, même mes nuits.

Ce que je préfère c’est quand je lui tend un dessin. Elle l’observe. Me dit tout bas :

« Je vois du bleu, du rouge ; qu’as-tu voulu dessiné exactement ? » Il y a des formes de toutes sortes, je trouve ça joyeux, et toi, tu en penses quoi ?

J’en pense que c’est venu comme ça. Je suis assez fier de ce dessin.

Elle va l’encadrer ou le mettre dans sa pochette avec noté dessus « Les dessins de Noa », comme si c’était un trésor… En tous cas, pour elle, ça l’est, j’ai cette tendre impression.

____

45 ans

Quel cap je passe ! Des années d’échec, de déceptions, de consolations pour les autres, puis pour moi, seule désormais. Je ne sais que faire de cette solitude, que j’ai choisie. Ou pas.

J’avais envie de fuir. Est-ce qu’une fuite est un retour vers soi ? Je le saurai bien assez tôt.

J’aime à croire que oui. Me retrouver seule me permettra d’aller au plus près de moi. J’aimerai savoir quelle saveur a mon essence. Quelles sont les nuances de moi qui s’expriment tour à tour ? Que ce soit en tant que mère , que femme, que professionnelle. Juste moi. Je vais aller les chercher, après des années de thérapie accompagnée. Je vais apprendre à être autonome sur ce point là.

Perdre mon père a été dur, lors de mes 8 ans. Cette fois-là, je ne pense pas que je comprenais ce que je vivais exactement. J’attendais durant des semaines, devant la porte. Ma mère avait beau me répéter «  Il ne passera plus jamais la porte, Vic’ », je patientais sagement. Je lisais des histoires qu’à l’accoutumée nous lisions ensemble. Ça c’est passé vite, rupture d’anévrisme, plus rien à faire ; on me l’a expliqué beaucoup plus tardivement. Je suis passée de « il est là », à « il n’est plus là et ne reviendra pas, jamais ». On le veille désormais devant un marbre gris avec des fleurs deux fois l’année. Je ne peux plus sentir l’odeur des lys tellement c’est entêtant comme odeur et les souvenirs que ça évoque pour moi.


Je tente d’être une mère au mieux de mes capacités actuellement. Mon fils passe le brevet. Grande étape pour un parcours ensuite que je n’imagine pas sans mon aide. Il est grand mais reste mon enfant chéri qui a eu aussi sont lot de souffrances. Aujourd’hui, il les dessine comme un auteur panse ses plaies en écrivant, en mettant des mots sur ses maux. Il met des couleurs sur sa tristesse, lorsqu’il arrive à les exprimer. Petit à petit, le rouge, le jaune et le bleu prennent la place du gris, trop souvent utilisé ces dernières années. Je l’aime comme il est.

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6 commentaires

Dixy

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Il y a 10 mois

C'est très beau et louable ses objectifs ! Très beau chapitre en tout cas ! Et merci pour l'aide que tu m'a apporté ♥️

Samantha Beltrami

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Il y a 10 mois

Je suis à jour chez toi bonne soirée ;D

Sarah Pegurie

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Il y a 10 mois

je t'envoie une pluie de likes pour te soutenir :)
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