Fyctia

Au commissariat.

— Madame Scott, vous êtes encore avec nous ? me questionne-t-il en me regardant droit dans les yeux.

J’acquiesce simplement d’un signe de la tête. Une boule d’angoisse est coincée dans ma gorge, m’empêchant de m’exprimer clairement. J’essaie avec difficulté d’avaler ma salive, avant de répondre de vive voix.

— Oui, croassé-je.

— Depuis quand votre mari vous bat-il ? Recommence le détective.

— La première gifle date d’il y a trois ans environ, déclaré-je par automatisme.

— Pourquoi ne pas avoir porté plainte pour violence conjugale à ce moment-là ? Ça aurait évité d’en arriver à ce stade…

Pourquoi ? Cette question, je me la pose depuis ce fameux jour. Or, je n’en ai pas la réponse. Inconsciemment, je pense que j’avais peur pour mon image. Celle de ma famille et celle de ma société. Comment une ancienne militaire de profession, fille de grands avocats de New York, peut-elle être battue par son mari. Cela fait mauvais genre. Déjà que j’ai mis les ressources de ma compagnie pour assurer la sécurité de mon frère et de sa femme. À ce moment-là la presse s’en est donné à cœur joie. J’ai voulu protéger Karen du tapage médiatique qu’aurait eu cette affaire. Aujourd’hui je me rends compte que ce choix est une erreur de jugement. Il a raison, si j’avais fait la demande à cette époque, je ne serais pas là maintenant.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé dans votre domicile hier ? répète-t-il encore une fois.

— Je ne me remémore de rien après être rentré chez moi, continué-je de répliquer cette phrase depuis mon arrivée dans cette pièce.

— Vous êtes marié depuis six ans, vous avez deux enfants de quatre et dix-sept ans. Vous allez réellement laisser ses filles sans réponse sur la mort de leur père ?

— Je ne vais pas vous inventer des faits juste pour vous faire plaisir. J’ai tué mon époux, c’est vrai… mais JE NE ME SOUVIENS DE RIEN, crié-je dans sa direction.

— Pour une militaire de formation, vous perdez vite votre sang froid…

Un soupir de fatigue s’échappe de mes lèvres, il a raison, je commence à en avoir marre de ce jeu du chat et de la souris avec lui. Je veux en finir avec cette histoire. Tous les éléments sont contre moi, je ne vais pas me dédouaner des faits.

Lasse, je laisse tomber mon visage sur mes bras, qui sont installés sur la table en bois. Je ne souhaite plus lui parler.

— Est-ce qu’il a commencé à vous battre avant ou après l’arrivée de Karen dans votre vie ? s’exprime-t-il en essayant encore une fois de changer d’approche.