Fyctia
Delirium 15, 16 & 17
15
TROISIÈME LETTRE
6h28. Luther Spiegel dort comme un bébé. Tout semble identique à d’habitude si ce n’est une petite chose : la veille avant de se coucher, il a placé un revolver sous son oreiller.
6h29. Il ouvre les yeux. Il sourit en marmonnant :
- Alors… T’es pas venu… Tu t’es dégonflé…
Luther s’assoit sur le bord de son lit, glisse ses pieds sans regarder dans ses pantoufles, place sa main à un centimètre au-dessus de son réveil et compte jusqu’à trois.
6h30. Le réveil ne sonne pas. Luther le regarde un long moment avec étonnement puis le prend. Après vérification, l’ancien militaire s’aperçoit que le réveil a été réglé pour sonner à 10h30. Avec un sourire crispé, il dit :
- T’es venu, salopard…
Luther va se raser, et au moment de se laver les dents, il s’aperçoit que son verre à dent n’est plus là… En grommelant, il va sous la douche et en ressort en poussant un hurlement. L’eau est brûlante. C’en est trop, Luther se met à crier comme si l’intrus était là :
-T’es venu pour me dérégler mon réveil, mon robinet de douche, et pour me voler mon verre à dents ! Et tu crois que ça me fait peur ? Repointe-toi cette nuit et tu verras comment je traite les petits guignols de ton espèce !
Rouge de colère, il enfile son survêtement et ses baskets. Il prend le revolver sous son oreiller, vérifie qu’il est bien chargé et le met dans sa poche. Il descend rapidement les marches, sort de chez lui en claquant la porte et court vers sa boîte aux lettres. Il l’ouvre et enfourne sa main à l’intérieur. Il la ressort rapidement en poussant un petit cri étouffé : un bout de verre est fiché dans son index.
- Enfoiré ! T’as cassé mon verre à dents et t’as foutu les morceaux dans la boîte aux lettres !
L’ancien militaire retire le morceau de verre de son doigt dégoulinant de sang et enlève avec précautions les autres morceaux restés dans sa boîte aux lettres. Enfin, il prend le courrier. Il jette par terre les publicités et découvre une nouvelle lettre à l’écriture malhabile. Il déchire l’enveloppe avec les dents, sort la lettre et lit : « Tu dormais comme un gros bébé… Je n’ai pas osé te réveiller… Ce que j’ai fait à ton verre ne te rappelle rien ? ».
- Quoi ? hurle Luther. Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Si tu as quelque chose à me dire, dis-le-moi en face et clairement !
Il retourne la lettre et, cette fois, il y a quelque chose écrit au verso : « Je vais venir te voir cette nuit pour te tirer les moustaches. Attention, il ne te reste plus que 2 nuits ».
Luther, furieux, crie :
- Deux nuits ? Et après ? Tu crois vraiment que tu me fais peur ?
Sur ce, il tourne les talons et va dans son garage en disant :
- Je vais te préparer un petit comité d’accueil, moi…
Il ressort de son garage une minute plus tard en tenant d’une main une machette de 60 cm de long et de l’autre un fusil de chasse à canon scié.
- Maintenant, on ne rigole plus…
Il entre dans sa cuisine, se prépare un grand sandwich, prend une bouteille d’eau et va s’asseoir dans son salon sur son rocking-chair. Il pose son fusil et sa machette sur ses cuisses et allume la télévision.
- Voilà, marmonne Luther avec un grand sourire. J’suis prêt… J’t’attends…
16
Liam marche rapidement dans les couloirs du centre de Thalassothérapie. Il est suivi par le directeur :
- Attendez ! Attendez ! Vous ne pouvez plus entrer dans la chambre de madame Powell… La police a mis les scellés et…
Liam n’écoute pas. Ils arrivent devant la chambre n°22. L’ex-lieutenant arrache les bandelettes jaune fluo qui barrent l’entrée de la chambre :
- J’ai un truc à voir ici.
- Mais ! s’indigne le directeur. Vous avez une autorisation ?
Liam avance sans hésiter vers la table de nuit, retire du cadre la photo de Madame Powell devant sa maison et la glisse dans sa poche. Le directeur le voit faire, outré :
- Mais, vous n’avez pas le droit ! C’est peut-être une pièce à conviction et…
Liam se retourne et fait face au directeur :
- Vous avez tout à fait raison : c’est une pièce à conviction. Et je suis le seul à l’avoir remarquée. Maintenant, si ça vous pose un problème que je la prenne, allez vous plaindre au capitaine Oldman et arrêtez de m’emmerder. Je ne suis pas d’humeur.
- Je… mais… restez calme… Je…
La photo dans la poche, Liam sort du Centre et remonte dans le taxi qui l’attendait.
Dans le véhicule, il sort de sa poche les deux photos, celle de madame Powell qu’il vient de prendre et celle de monsieur Williams. Il regarde cette dernière :
- Toi, je sais maintenant où je t’ai vu.
Il examine ensuite l’autre photo. Après quelques secondes d’attention, Liam s’exclame en désignant quelque chose sur la photo :
- J’en étais sûr !
17
Liam, assis dans le bureau du capitaine Oldman, l’écoute :
- Je viens d’avoir un coup de fil du directeur du Centre de thalassothérapie… Il dit que vous avez volé une preuve…
- C’est tout à fait exact. Et j’en ai volé une autre chez les Williams !
Il sort les photos.
- Les voici.
- Des photos ? s’étonne Oldman. Mais pour quoi faire ?
- Pour vous faire comprendre que le meurtrier me vise à travers ses crimes…
- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? demande le capitaine en modulant pour la première fois légèrement le son de sa voix.
- Je connaissais les deux victimes.
- Comment ça ?
- Monsieur Williams était le professeur de natation de ma fille et… regardez l’autre photo, madame Powell devant sa maison. Vous voyez derrière ? On distingue le toit d’une autre maison. Rappelez-vous, c’était là que j’habitais il y a un an… avant que ma fille…
- Madame Powell était donc votre voisine ?
- Une voisine à laquelle je n’avais jamais fait réellement attention.
Liam se lève avant de poursuivre :
- Donc, quelqu’un a tué deux personnes qui ont un rapport avec moi de la manière la plus tordue et la plus improbable qui soit. Tout le monde sait qu’il y a quelques temps j’étais doué pour résoudre ce genre d’affaire. C’est comme si le meurtrier voulait me dire : « Vas-y, Liam, reviens et essaie un peu de résoudre ça… »
Le capitaine se lève à son tour. À présent, sa voix ne cesse de moduler tant la démonstration de Liam le sidère :
- Vous pensez qu’il a tué ces deux personnes juste pour vous… défier ?
- Non. Je pense qu’il y a autre chose derrière. Quelque chose de bien plus important… de capital…
- Quoi ?
- Je n’en sais rien. Mais je suis certain que le meurtrier va continuer à tuer tant que je n’aurai pas compris…
- Et qui sera la prochaine victime ?
- Impossible à savoir… Quelqu’un de mon entourage… Mon concierge ? Le barman de mon bar préféré ? Mon coiffeur ? Un de mes anciens collègues à la police ? Vous ? Qui sait ?
2 commentaires
François Avisse
-
Il y a 6 ans
Arkhars
-
Il y a 6 ans