clara15 DEADLINE Chap. 31

Chap. 31

36 JOURS

C'est la première fois depuis le début de l'été qu'il pleut. Les gouttes de pluie qui se déversent à torrent sur Détroit ont masqué mes larmes. Maintenant, on ne peut plus savoir si je pleure ou si c'est simplement la pluie qui a trempé mon visage. Mes cheveux dégoulinent et mes vêtements me collent à la peau. Lorsque j'entre dans le hall, je laisse une longue traînée de boue sur mon passage, mais cela m'importe peu.


Le concierge me regarde, horrifié, comme si j'étais un fantôme venu le hanter. Aujourd'hui, ce n'est pas lui la proie. Alors je passe à côté de lui et il ne réagit pas. Il ne me retient pas lorsque j'entre dans l'ascenseur et que les portes se referment lentement. Et je ferme les yeux.


Depuis que les trois hommes ont quitté ma maison, j'ai l'impression de vivre au ralenti. Pourtant, il ne s'est écoulé que deux heures. Deux heures durant lesquelles j'ai vu mon père s'effondrer puis s'enfermer dans son atelier pour digérer la nouvelle. Deux heures durant lesquelles ma soeur les a suivi et a disparu, sans revenir s'assurer du bien-être de sa famille. Deux heures durant lesquelles j'ai marché vers le centre-ville pour me présenter à cet appartement.


Je n'ai pas encore assimilé entièrement la nouvelle. Savoir que j'ai gâché toute ma vie en l'espace de quelques semaines m'a anéanti. Banks a été suffisamment sympa pour m'octroyer le droit de voir mon père mourir. Je n'aurais qu'une seule journée pour sentir cette douleur, au lieu de toute une vie. Je ne pourrais jamais amasser soixante-quinze mille dollars supplémentaire pour m'acheter une vie. Monsieur Dane ne me le permettra pas. Ironique, n'est-ce pas, de voir que j'ai passé tout mon temps pour sauver la vie d'une personne qui m'est chère, oubliant de vivre la mienne.


Et c'est avec la pensée que j'ai tout gâché, mais surtout que c'est une autre personne qui a détruit ma vie, que je toque avec virulence à la porte. Au départ, personne ne vient m'ouvrir alors je réitère mon action, avec plus de force. J'abats mes poings sur la porte jusque'à ce que ma peau devienne rouge. Je ne me préoccupe pas de la douleur. J'attends simplement, impatiemment, qu'on vienne m'ouvrir.


Finalement, Nathan ouvre. Son regard est partagé entre l'appréhension et la détermination. Je remarque rapidement qu'il tient dans dos une arme. Je le vois la ranger entre sa peau et son pantalon. Et au lieu que cela m'effraie, je le fusille du regard et serre la mâchoire. Tout ça, c'est de sa faute.


— Oh, Phoebe ! J'ai cru que...


Sa phrase est coupée par la gifle que je viens de lui asséner. Sa joue vire progressivement au rouge et je le vois froncer les sourcils. Je me mords la lèvre, sentant mes larmes remonter lorsque je repense que si je n'avais jamais côtoyer l'organisation, je n'en serais pas là aujourd'hui.


— Je peux savoir ce qu'il te prend ? grogne-t-il en se massant la joue.


— Ce qu'il me prend ? répété-je, ahurie. Toi et l'organisation vous avez gâché ma vie et...


Il me coupe en mettant une main sur ma bouche. Il jette un coup d'oeil à droite et à gauche, puis m'attrape par les hanches pour m'attirer à l'intérieur de son appartement. Surprise, je me laisse faire. Quand Nathan me relâche pour claquer la porte derrière lui, je reprends mes esprits. Je suis là pour le confronter, pas pour me laisser faire.


— C'est quoi ce délire ? dit-il en s'approchant de moi.


Je fais deux pas en arrière et il écarquille les yeux. Alors que je le vois déjà recommencer à parler, je prends les devants :


— Ce délire ? Tu as détruit ma vie ! Je pourrais aussi en faire de même avec la tienne, qu'en dirais-tu ?


— Je ne comprends rien, tu ne veux pas m'expliquer ?


— T'expliquer quoi ? Que j'aurais mieux fait de ne jamais te rencontrer ? Ou peut-être que faire parti de votre organisation et la loyauté que j'ai envers elle va me coûter la vie ?


Je me prends la tête entre les mains et je soupire. Sur le chemin, j'avais beaucoup plus à lui dire. J'avais envie de lui faire comprendre que si je n'avais jamais croiser sa route, peut-être que je vivrais heureuse avec encore quelques années. Mais maintenant que je suis face à lui, je n'en suis plus si certaine.


— Comment ça l'organisation va te coûter la vie ?


— Ton collègue, Banks, est passé chez moi aujourd'hui.


Nathan ferme brièvement les yeux, sentant la catastrophe arriver. Indéniablement, elle tombe lourdement.


— Lui, et deux autres personnes se sont introduits dans mon salon. Il y avait aussi mon père et ma soeur qui y ont assistés.


Je fais une pause pour mesurer mes mots, mais il n'y a pas trente façons d'annoncer cela, alors je lâche :


— Il voulait que je vous dénonce après avoir appris que vous aviez posé un mouchard sur son téléphone. Mais je ne l'ai pas fait.


Une part de moi crie que j'aurais peut-être dû. L'autre sait que je n'aurais jamais pu.


— Alors il a voulu me faire souffrir. Il me laisse la chance, si c'en est une, de pouvoir voir mon père mourir. Mais le jour suivant, ce sera mon tour.


— Phoebe...


— Il me reste trente-sept jours à vivre et...


Admettre cela à voix haute a un autre rendu. Mon coeur se serre et une boule se forme dans ma gorge au même moment où mes yeux me picotent. Mes lèvres tremblent alors que j'essaye de continuer de parler, mais je n'y parviens pas.


Nathan semble lui aussi dépourvu de mots à dire. Hésitant, il s'approche de moi et je ne recule pas. Je détourne toutefois le regard, honteuse d'avoir agis de cette façon et de pleurer comme une enfant. Sans que je ne m'y attende, Nathan m'entoure de ses bras pour me réconforter. Mon corps se tend, dans un premier temps, mais son corps chaud et réconfortant me laisse me détendre. J'enroule mes bras autour de son dos et pose ma tête contre son torse.


Mes larmes coulent silencieusement alors qu'il me serre encore plus fort contre lui. C'est la première fois que je me retrouve aussi proche de Nathan mais ce contact est naturel. Je suis venue ici dans l'optique de lui dire tout un tas de choses injustes alors que tout ce dont j'avais besoin, c'était que l'on me réconforte. J'aurais pourtant pu aller voir Daisy, mais j'ai été attirée ici. Peut-être parce que je savais qu'il comprendrait la situation, puisque tout ce qui me tombe dessus arrive à cause des événements auxquels il participe, d'une certaine manière.


Nous restons là, l'un contre l'autre pendant un temps indéterminé. Les muscles de mon corps se relâchent et mes yeux s'alourdissent. Mes bras autour de lui se font plus mous et la dernière chose dont je me souviens avant de m'endormir, c'est Nathan qui me porte dans ses bras.

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6 commentaires

Clair d'eau

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Il y a 6 ans

Coup de pouce :)

Helen Mary Sands

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Il y a 6 ans

on imagine que le répit ne durera pas ? les pièges sont partout...

Lauredupuis

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Il y a 6 ans

Coup de pouce de la part de cyril L

Mich591

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Il y a 6 ans

+2 de la part de cyril L
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