Fyctia
Chap. 30
36 JOURS
Je les observe, cachée derrière le mur. Banks fait un bref tour du salon, prenant le temps d'analyser les cadres. Le policier va directement se poster à l'autre bout, croisant les bras sur son uniforme. L'un affiche une suffisance incomparable, l'autre est stoïque. Et puis, soudainement, un troisième homme débarque avec une mallette. Il va s'asseoir sur l'un des canapés, croisant les jambes, et posant la mallette à ses pieds. Il paraît jeune, très jeune. Peut-être est-il dans le début de la vingtaine.
Papa demande, bouillonnant :
— Comment puis-je vous aider, messieurs ?
Banks continue sa route et s'approche peu à peu de moi. Je me plaque aussitôt contre le mur. Il ne faut pas qu'ils me voient, même si je sens que ce sera inévitable.
— Nous cherchons votre fille.
— Laquelle ?
Avec un peu de chance, Banks voudra simplement voir Cassandre avec qui il travaille.
— Phoebe.
Je jure presque silencieusement. Bien sûr qu'il ne pouvait pas simplement discuter du projet Jouvence avec l'aînée !
— Pour quel motif ? reprend mon père.
— Cela ne vous regarde en rien, intervient le policier.
Le troisième individu ne bronche pas. Son regard navigue sur chaque bibelot de la pièce. Lorsque Banks touche un vase qui appartenait à ma mère, mon père décide de réagir. Mais ne voulant pas qu'ils fassent de dégâts ici, je sors de ma cachette, les mains levées en signe de paix. Mieux vaut aller dans leur sens.
— Qu'est-ce que vous me voulez ?
Le policier darde un sourire malsain en se léchant les lèvres, d'une manière qui me dégoûte au plus haut point. L'inconnu ne se retourne même pas, comme si je n'étais jamais intervenue. Quant à Banks, il paraît à la fois ennuyé d'être ici et énervé. Il passe une main dans ses cheveux pleins de gel, et fait un signe au policier.
— Couche-la sur la table.
J'écarquille les yeux alors que le policer m'attrape déjà les mains et me fait avancer jusqu'à la table de la salle à manger. J'essaye de me débattre et Papa veut s'interposer, mais il se heurte à Banks.
— Ne bougez pas.
Le policer me plaque violemment contre la table, la tête aplatie sur le côté pour que je puisse voir mon père désarmé. Le policier m'écrase le dos et je gémis de douleur. Banks avance d'un pas léger, faisant toujours des aller-retours.
— Phoebe, je dois admettre que vous m'avez énormément déçu. Je pensais que nous avions pu nous mettre d'accord, mais visiblement ce ne fut pas le cas. Le marché ne comprenait pas d'installer un mouchard sur mon téléphone.
Je ferme les yeux. Et le pire arriva. Bien sûr qu'il allait s'en rendre compte ! Ce n'était qu'une question de temps. Si j'avais su que l'organisation me mettrait dans un pétrin pareil, je ne suis pas sûre que je m'y serais engagée. Il ne semble toutefois pas s'être aperçu que ce n'était pas le téléphone original. C'est un avantage.
— Et si je me souviens bien, j'avais énoncé que si jamais il y avait un problème, vous en pâtiriez. Vous et votre famille.
Je n'ose pas relever la tête pour affronter le regard de mon père. Il nous a toujours élevé dans l'optique de vivre sans s'attirer d'ennuis. On peut dire qu'il a échoué sur ce point-là ; Cassandre fait parti d'un projet qui pourrait nous tuer et je combats Cassandre et son projet. S'il savait tout ce qu'il se passe dans cette famille...
— Qu'allez-vous donc nous faire ?
— Votre père n'a plus qu'un petit mois à vivre. Je ne suis pas suffisamment cruel pour le tuer alors qu'il va bientôt rendre l'âme.
Je pose les yeux sur Papa qui ne me regarde même plus.
— Votre soeur m'est trop indispensable pour que je n'ose lui faire du mal. Bonjour, Cassandre.
J'entends dans mon dos le claquement de ses talons se rapprocher et ma soeur entre dans mon champ de vision. Son expression faciale me crie une phrase qu'elle n'a cessé de me répéter : "ne te mets pas dans des ennuis dont tu ne pourras t'échapper". Son visage me rappelle la vraie Cassandre que je connais ; pas la femme dénuée de sentiments qui veut anéantir les plus pauvres.
— Quant à vous, vous n'êtes qu'un élément nuisible à ma vie !
Je sens la sentence s'abattre sur moi.
— Néanmoins, vous détenez de précieuses informations qui pourraient m'être utiles. D'après votre soeur, vous ne seriez pas douée en informatique. Cela signifie que vous avez eu recours à des membres très qualifiés.
Je ferme les yeux. Voilà qu'il va me forcer à dénoncer l'organisation et Nathan. Cela voudrait dire que je n'ai plus aucune carte en ma possession. Nathan m'a quand même aidé avec l'argent pour sauver Papa, je ne peux pas le balancer. De plus, le projet Jouvence est suffisamment dangereux pour que je protège l'organisation, même au prix de ma vie. Comme Maman qui était prête à se sacrifier, je ne lui faciliterais pas la tâche.
— Écoutez... par amitié envers votre soeur, je suis prêt à faire table rase du passé si vous me donnez des noms. En revanche, si vous ne le faîtes pas, je vais vous faire mal. Très mal.
— Accepte, Phoebe.
La voix tremblante de Cassandre m'interpelle. C'est la première fois depuis plusieurs semaines que je la vois aussi faible. Papa ne bronche pas ; soit il est choqué, soit il ne veut plus rien avoir à faire avec moi.
— Aller vous faire voir.
Le temps se suspend, durant lequel personne ne réagit. Banks semble légèrement décontenancé, mais il sourit :
— Je vous donne une nouvelle opportunité de choisir la bonne issue. Phoebe, voulez-vous...
— Allez vous faire voir, répété-je en détachant les syllabes.
Cassandre laisse échapper un sanglot alors que Papa se laisse tomber sur le canapé, totalement abattu. Le policier resserre sa prise et Banks éclate de rire.
— Je dois admettre que j'admire votre détermination. De nos jours, les gens sont plus... corruptible.
Il s'agenouille pour que nos regards soient à la même distance. J'ai un haut de coeur.
— J'ai cru comprendre que vous ne m'aideriez jamais. Alors je vais vous tuer. Du moins, d'ici trente-sept jours.
Ma respiration se bloque.
— Votre père n'a plus que trente-six jours à vivre. Je souhaite que vous assistiez à sa mort. Mais dès le lendemain, vous serez morte. Phoebe, je vous annonce solennellement que vous n'avez plus que trente-sept jours à vivre.
J'écarquille les yeux. Je n'ai pas le temps d'assimiler l'information que le troisième individu se lève et ouvre la mallette. J'y découvre un ordinateur. Il tape sur le clavier et propose ensuite l'écran à Banks. Ce dernier le retourne vers moi et je remarque avec effroi qu'il s'agit de la base de donnée nationale. Ici, on peut vérifier combien de temps il nous reste. Et ceux qui y ont accès peuvent raccourcir le temps, comme monsieur Dane ou comme les policiers, suite aux délits.
Banks plante son regard dans le mien et il tape sur la touche "enter". Je vois mon profil se mettre à jour et le décompte annonçant le temps qu'il me reste. Mes yeux y restent scotchés.
— Profitez bien, Phoebe.
Trente-sept jours, cinq heures, vingt minutes et quarante-huit secondes.
Je sens mon monde s'effondrer.
7 commentaires
Opi-Pro
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Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans
Clair d'eau
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Helen Mary Sands
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans