Fyctia
Chap. 27
37 JOURS
Papa est parti en ville, juste après notre discussion. Il m'a dit avoir compris ce que je voulais dire et qu'à l'avenir, nous passerons plus de temps ensemble. Je pense qu'il voulait aussi pouvoir être en tête à tête avec lui-même. J'ai évoqué ma mère et même si cela fait presque vingt ans qu'elle est morte, il en souffre toujours. Il en souffrira à jamais.
Affalée sur le canapé du salon avec un bol de céréales dans les mains, je regarde la télévision. C'est le journal national qui passe. La présentatrice parle d'un cambriolage qui a mal tourné, avec deux otages tués et l'un des assaillants gravement blessé. Elle explique qu'ils n'emmèneront pas le blessé à l'hôpital car ce serait faire des dépenses inutiles. Pour le meurtre, ils vont déclencher sa puce. À quoi bon le rétablir pour le tuer juste après ?
Ils passent presque à chaque fois les faits divers pour accentuer les bien-faits de notre système. J'éteins alors la télévision au même moment où quelqu'un toque à la porte d'entrée. C'est une Daisy bouillonnante qui se tient sur le pas de ma porte.
— Oh, une revenante !
J'esquisse un faible sourire alors qu'elle s'introduit dans mon salon en prenant soin de me bousculer l'épaule. Je dois admettre ne pas avoir été la meilleure des amies. Ces trois dernières semaines, je n'ai pas eu l'occasion de la voir avec tout ce qui s'est passé dans ma vie. Si je me souviens bien, la dernière fois que j'ai vu Daisy remonte au jour où Banks m'a menacé. Ce jour-là, je me rappelle qu'elle est partie comme une furie.
— Je sais, je suis désolée.
— Moi non plus, je n'ai pas pris de nouvelles de toi, concède-t-elle.
Nous nous installons sur le sofa, l'une en face de l'autre. Je remarque que Daisy s'est faite des tresses collées sur le crâne.
— Alors, que s'est-il passé d'exaltant dans ta vie ?
— Si tu savais...
Nous passons l'heure suivante à nous raconter nos trois dernières semaines. Ordinairement, nous ne passons pas plus de cinq jours sans se voir. C'est un record. Ma meilleure amie m'explique que son frère, Karl, s'est encore attiré des problèmes et qu'il risque gros cette fois-ci. Je vois à son air peiné qu'elle ne sait pas quoi faire pour le sauver, malgré toutes ses tentatives. Karl est comme un électron-libre ; peu importe les conséquences, il fera toujours ce qu'il veut, même si ça doit nuire à sa famille.
Quant à moi, je lui annonce comment l'histoire de monsieur Dane et celle du téléphone a évolué ; entre les menaces, la restitution d'un faux téléphone, la rencontre avec Nathan et mon engagement dans son organisation, sans oublier les trente-cinq milles dollars cachés son mon lit. À la fin de mon récit, Daisy se retrouve bouchée bée et les yeux écarquillés. C'est vrai, je dois l'admettre, ma vie est très mouvementée ces derniers temps.
— Tu fais partie d'une organisation ? répète-t-elle, outrée.
J'acquiesce. Je ne sais pas si j'étais supposée lui en parler, mais je ne cacherais jamais rien à Daisy. Il s'agit de la personne en qui j'ai le plus confiance ; elle ne me trahira jamais. Mais pour une raison que j'ignore, j'ai omis de lui préciser que Cassandre est mêlée au projet Jouvence.
— Et donc... vous allez essayer de déjouer leur plan ?
Une nouvelle fois, j'opine.
— Tu es comme une justicière masquée, déduit-elle.
— Je ne dirais pas ça, non.
Déjà, je n'ai pas de masque. Et puis, je ne pense pas que je sois la Robin des bois moderne ; techniquement, il n'y a pas d'argent en jeu et je ne distribue rien aux plus pauvres. En réalité, j'essaye juste avec d'autres personnes de rendre ce monde atroce aussi équitable que possible. Si nous devons subir la loi de retrait, autant que tout le monde soit logé à la même enseigne.
— C'est excitant ?
Je n'ai pas le temps de répondre que quelqu'un toque à la porte d'entrée. Papa est toujours dans son atelier, Cassandre a ses clefs et Daisy est déjà là. Je ne vois pas qui cela pourrait être, puisqu'il n'y a pas grand monde qui connaisse mon adresse. Daisy et moi nous dévisageons, mais je me lève cependant.
En découvrant Nathan sur le pas de la porte, je suis assez troublée. Je ne pensais pas qu'il avait mon adresse et encore moins qu'il se présenterait devant chez moi.
— Salut, lance-t-il, je sais que je débarque sans prévenir mais...
Il s'interrompt quand la tête de Daisy émerge dans mon dos. Ses yeux balancent entre elle et moi, puis il reprend d'une voix gênée que je ne sois pas seule :
— Je dérange, peut-être ?
— Non, répond Daisy à ma place.
— Ce n'est pas grave. Je repasserais.
Il s'apprête à partir et descend déjà les petites marches qui mènent à l'allée qui donne elle-même sur la rue. Je me retourne vers Daisy.
— Tu peux retourner dans le salon, s'il te plaît ?
Elle ne se fait pas prier et tourne les talons pour nous laisser une peu d'intimité. Je ne connais pas le sujet pour lequel il est venu, mais j'aimerais le savoir sans que Daisy ne sache de quoi il s'agit. Même si je lui dis tout, il y a certaines choses qui méritent d'être tenues au secret, comme le fait que Cassandre soit mêlée à un projet qui pourrait tous nous anéantir.
Alors qu'il s'apprête à traverser la rue, je cours jusqu'à lui et je pose une main sur son épaule pour le retenir. Son corps se tend, mais il fait toutefois volte-face. Son regard bleu est profond et déstabilisant ; il n'en demeure pas moins magnifique.
— De quoi voulais-tu me parler ?
— Rien de très important. Je voulais te donner quelques détails à propos de notre mission d'espionnage.
— Tu as mon numéro de téléphone. Tu n'avais pas à venir jusqu'ici.
Nathan fronce les sourcils et détourne le regard, perplexe. Je me rends alors compte que ma phrase n'était pas très sympa alors que ce n'était pas mon intention.
— Non pas que ça me dérange que tu sois là ! Je suis contente de te voir mais tu n'avais pas à t'embarrasser de venir chez moi.
— J'en avais envie.
C'est à mon tour d'être troublée. Nous avons un échange visuel qui me met mal à l'aise, alors je suis la première à rompre le contact.
— Je t'enverrais les détails par message, conclut-il.
Sans un mot de plus, il s'en va et je ne le retiens pas. Au contraire, je retourne dans le salon où Daisy m'attend sagement. Quand elle me voit débarquer, elle me saute presque dessus.
— Qui était-ce ?
— Le chef de l'organisation, Nathan.
Elle hausse les sourcils, sourit d'une manière sombre et darde un regard puissant sur moi. Cette fille me gêne et je sens que je ne vais pas apprécier la suite de la conversation. Pourtant, à mon plus grand étonnement, elle ne dit qu'une seule chose :
— J'en viendrais presque à vouloir m'intégrer à l'organisation...
Nous ne parlerons plus de l'organisation de toute l'après-midi.
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Cyril L
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clara15
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Gabriele VICTOIRE
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Camille Jobert
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Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans