Fyctia
Chap. 24
38 JOURS
Éviter Cassandre s'est avéré plus simple que je ne l'aurais cru. Elle passe son temps à travailler sur ses affaires, mais je me doute qu'elle passe beaucoup de temps sur le projet Jouvence. J'aimerais agir, faire le moindre geste qui pourrait la sortir du pétrin dans lequel elle se fourre. Je le pourrais, si Nathan m'avait recontacté. Mais il ne l'a pas fait. Je ne vais pas attendre indéfiniment. Il va falloir que je le vois, d'ici peu.
Il est environ vingt-et-une heure trente et Max a contacté tout son personnel, une demi heure avant l'ouverture du club, pour nous parler de quelque chose d'important. Il était si sérieux au téléphone que ça m'a aussitôt inquiété. Je ne sais pas ce qu'il va nous dire, mais ce ne sera rien de bon. Je travaille au club depuis presque un an et nous n'avons jamais eu de réunion de dernière minute. En réalité, nous n'avons jamais eu de réunion.
En arrivant après m'être déguisée en Baby, puisque j'assure le premier show, j'observe un attroupement près de la scène. Je m'approche mais Max ne s'y trouve pas encore. Il y a toutefois chaque employés du club ; personne ne lui a fait faux-bond, pas même Martha qui devait commencer à travailler dans un peu plus de cinq heures. Je me dirige vers elle. Mis à part Max, la femme de ménage est la seule personne que je connaisse ici. Martha m'offre un large sourire et me prend dans ses bras, ce qui me surprend sur le coup.
— C'est donc à toi qu'on doit les éloges pour avoir trouver le but du projet Jouvence, me souffle-t-elle à l'oreille.
Quand elle me relâche, j'ouvre la bouche pour répondre mais l'arrivée de Max m'en empêche. Son visage est sérieux, presque solennel. Sur scène, il nous surplombe tous.
— Je vous remercie d'être venus.
Un silence lui répond. Nous sommes tous impatients qu'il nous révèle la raison de son comportement grave. Il n'esquisse pas un seul instant un mouvement qui pourrait soulager la tension. Bien au contraire, il espace chacune de ses phrases par de longs silences qui pèsent encore plus sur l'atmosphère.
— Comme vous le savez, depuis quelques semaines, les autorités mènent des inspections soutenues dans nos rues.
Il laisse encore l'un de ces silences horribles s'accaparer de la pièce. Nous sommes accrochés à ses lèvres, parce que nous sentons que quelque chose va nous tomber sur le coin du nez.
— Nous pensions tous qu'elles avaient été stoppées, toutes, depuis une bonne semaine. Mais ceci est la version officielle. Ils continuent, de nuit. Je veux juste vous prévenir de faire attention quand vous rentrez chez vous.
Cela expliquerait pourquoi le policier qui m'a agressé était dans la rue, ce jour-là.
— Mais je ne vous ai pas seulement fait venir à cette heure pour vous prévenir. Il faut que nous prenions des mesures pour ce qui pourrait possiblement arriver.
Je retiens mon souffle, comme beaucoup dans cette pièce. Martha affiche un visage accablé. Nous sommes tous concernés, même elle.
— Premièrement, vous viendrez tous avant le début du couvre feu, ordonne-t-il en étant face à des exclamations. Je sais, je sais... ça ne vous plaît pas. Moi non plus je n'aime pas cette alternative, mais je ne veux pas risquer mon club. Si vous avez un problème avec ça, c'est le moment de partir.
Max prend des décisions drastiques mais plus personne ne bronche.
— Deuxièmement, vous ne pourrez plus quitter cet établissement seuls. Vous devrez être au moins à deux pour une raison simple : dehors, les policiers sont seuls pour mener les inspections. Si vous tombez sur l'un d'eux, vous pouvez le semer en prenant deux directions différentes. Un homme ne peut se couper en deux. Ce sera plus simple pour vous protéger.
Il va falloir que je me trouve un binôme, on dirait. Il n'a pas tort sur sa manière d'agir.
— Et dernièrement... vous aurez une mission en cas de force majeure. Imaginons que je sois arrêté, le gouvernement remontera jusqu'au club et ensuite jusqu'à vous. Si jamais il devait y avoir un problème, vous devrez mettre le feu au club et plus particulièrement à mon bureau. Détruisez chaque preuve. C'est compris ?
Une boule se forme dans ma gorge face à la situation que Max nous expose. Je n'aime pas imaginer ce qu'il pourrait se passer si jamais les autorités trouvaient cet endroit ; Max serait tué, sans possibilité d'avoir le moindre pardon. Il a toujours su les risques de son métier ; il était déjà né quand les clubs de strip-tease ont été interdits dans le pays. Mais ça ne l'a pas empêché de reprendre le flambeau de son père, même s'il savait que ça le tuerait un jour.
Il n'a pas tort. Si jamais il venait à être démasqué, nous devons brûler cet endroit. Je ne doute pas que le patron ait codifié, d'une certaine façon, ses registres, mais nous ne serons jamais à l'abris. Personne.
— Ça sera tout. Vous pouvez aller vous préparer.
Max quitte la scène sans se retourner, les épaules voûtées comme s'il portait le poids du monde. Rien ne pourrait le réconforter et c'est sûrement ça le pire : savoir qu'il n'y a aucun espoir.
Avec un peu de chance, les inspections ne le trouveront jamais. Je l'espère mais nous savons tous que le gouvernement essaye d'étouffer tous les business illégaux du pays sans se poser deux fois la question. Et j'en viens à avoir peur pour moi. Était-ce une bonne idée de me mêler à ces histoires ? Je le devais, si j'avais besoin de récolter suffisamment d'argent pour sauver Papa, mais de là à tomber en même temps que Max et ses employés ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'il va falloir que je sois extrêmement vigilante si je ne veux pas tous nous faire couler. Avec la chance que j'ai dernièrement, je ne serais pas étonnée que je nous mène tous à l'implosion de notre puce.
Martha se retourne vers moi et me fait un sourire attendrissant. J'imagine qu'il est facile de lire sur mon visage à quel point je suis préoccupée. Elle me frictionne les épaules, d'un geste affectif.
— Tout va bien se passer, ne t'inquiète pas.
Au timbre de sa voix, je comprends qu'elle n'est pas convaincue de ce qu'elle avance.
— Tu viens ce soir ? reprend-elle.
— Où ça ?
— Au QG de l'organisation. Nate ne t'en a pas parlé ?
Un sourire sarcastique vient s'insérer sur mon visage. Non, il ne m'en a pas parlé. On dirait qu'il tient vraiment à me mettre à l'écart, ce que je n'apprécie pas. Toutes les informations qu'il détient, c'est grâce à moi. Le raid qu'il prévoit, il me le doit. Mais non, Nathan préfère me mettre hors jeu parce que ce serait "trop dangereux pour moi".
— Si bien sûr ! Où avais-je la tête...
— Nous pourrions y aller ensemble ? propose Martha. De toute façon, nous devons quitter le bâtiment à deux.
J'acquiesce avec un large sourire et nous commençons à avancer vers l'arrière de la scène, c'est-à-dire vers les loges. J'ai hâte de voir la tête de Nathan quand il me verra débarquer avec Martha à sa réunion secrète.
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Gabriele VICTOIRE
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