clara15 DEADLINE Chap. 22

Chap. 22

40 JOURS

Nathan n'a pas appelé, pourtant, j'estime que deux jours sont suffisant pour réfléchir à élaborer un plan. Ce qui n'est, vraisemblablement, pas son cas. J'occupe donc mes journées en attendant qu'il se décide à me contacter.


Ce soir, je dois rejoindre monsieur Dane pour faire l'échange. J'ai l'argent et j'aimerais m'en débarrasser rapidement pour ne plus avoir ce poids sur la poitrine qui me rappelle que si une personne tombe sur le sac, je serais fichue. Et puis, plus vite ça sera fini, plus vite je pourrais annoncer à Papa qu'il a encore du temps. J'ai hâte de voir son visage tout souriant en apprenant qu’il a encore du temps devant lui. On oublie facilement la mort, sauf quand on a un rappel à l'ordre. Comme celui de la dernière année.


D'un côté, je me sens coupable. Je dénonce avec ferveur le projet Jouvence quand je m'apprête à faire de même avec mon père. Certes, je ne vole pas le temps à autrui, mais ce n'est pas pour autant que je ne bouleverse pas l'égalité du système. Même si mon père est quelqu'un de bien et qu'il n'a presque jamais nui à la société, qu'a-t-il de plus que les autres pour mériter plus de temps ? En dépit de ce sentiment de culpabilité, je vais mener cette transaction à bien. Je lui dois pour tout ce qu'il a fait pour moi.


Et c'est pour cette raison que je suis dans le jardin, une pelle à la main, devant la rangée de fleurs sous laquelle se trouve un sac avec plus de soixante-dix milles dollars. Il est presque vingt heures et personne n'est à la maison. Cassandre travaille tard et mon père dîne avec un ami de longue date. J'ai de la chance que la clôture soit suffisamment haute pour que les voisins ne voient rien. Ce serait étrange d'être surprise à déterrer un sac suspect.


L'été est rude cette année et creuser n'arrange pas la situation. Je me retrouve donc à être pleine de terre et en sueur. Je me mets à genoux et déplace les fleurs pour pouvoir extirper le sac. Il est couvert de terre et quand je l'ouvre, j'observe avec soulagement que les billets sont intacts. Je replace alors les magnolias à leur place. Ni vu ni connu. On ne fera pas la différence entre avant et après.


— Serais-tu tentée de m'expliquer pourquoi tu as un sac avec autant d'argent enterré dans le jardin ?


Je sursaute violemment et manque de tomber. Mon coeur s'affole quand je reconnais la voix de Cassandre. Elle était supposée travailler ! Et me voilà dans de beaux draps...


— J'économise pour aller à la fac.


J'ai envie de me frapper pour ce mensonge tout sauf crédible. Depuis que je suis sortie du lycée, j'ai toujours refusé de me rendre à l'université. Je ne suis pas quelqu'un faite pour les études et je ne voulais pas être enfermée quatre années supplémentaires dans une classe. Tout le monde le sait et cette excuse ne passera pas.


— Et si tu me disais la vérité ? reprend-elle avec une voix glaciale.


— Parce que c'est toi qui parle de vérité, maintenant, marmonné-je.


— Qu'as-tu dis ?


Je n'aurais jamais dû dire ça, mais ça m'a échappé. Ce n'est peut-être pas une bonne idée de répéter ce que je viens de lui dire, alors je vais m'en abstenir.


— Cet argent m'appartient. Ça ne te regarde pas.


— Je vis ici et...


— Tu vis ici depuis deux jours ! m'écrié-je. Arrête de croire que cette maison t'appartient.


— Elle m'appartiendra, bientôt.


J'écarquille les yeux. Vient-elle réellement de die ça ? Je prends une grande inspiration, prête à l'affronter. Ce n'est pas normal qu'elle parle déjà d'héritage alors que notre père n'est pas encore mort. Qu'est-ce qui lui prend, ces derniers temps ? Le projet Jouvence en dit long sur elle mais je ne l'ai jamais vu réagir comme ça.


— On partagera si Papa meurt.


— Si ? répète-t-elle. Tu veux dire quand, non ?


Je détourne les yeux. Je suis incapable de garder des informations secrètes et la dernière chose que je souhaite, c'est que Cassandre mette son nez dans mes affaires, surtout quand je suis à une heure de résoudre le dernier problème de ma vie personnelle. Sauf qu'on peut voir que ce n'est pas ce que ma soeur a décidé.


— Bee. Je sais que tu te trouves dans une situation qui pourrait te coûter gros.


C'est l'hôpital qui se fout de la charité !


— Je ne sais pas quelle est cette situation, même si l'argent que tu as là m'indique une certaine voie. Je veux simplement t'aider mais tu ne veux pas me laisser faire. Je ne veux que ton bien, petite soeur.


Je me retiens, de toutes mes forces mais je dois admettre qu'elle ne me facilite pas la tâche. Pourquoi utilise-t-elle une voix doucereuse, comme si elle se préoccupait vraiment de moi ? Et puis... depuis quand dit-elle "petite soeur" ? Quelque chose cloche chez elle. Pendant un instant, j'ai peur qu'elle ait découvert que j'ai fouillé dans ses affaires. Je préfère croire que ce n'est pas le cas.


— Moi, je ne sais pas quel est ton problème ! éclaté-je un peu trop fort. Ça fait longtemps qu'on n'a pas eu une vraie conversation alors ne viens pas jouer la grande soeur qui s'inquiète pour la pauvre petite fille de dix-neuf ans, d'accord ? Continue de vivre ta vie, et arrête de te préoccuper de moi !


Sous l'impact de mes mots, elle recule d'un pas, les yeux écarquillés. J'inspire profondément pour reprendre un semblant de calme. Il ne faudrait pas que je laisse échapper une phrase que je pourrais regretter à l'avenir.


— Écoute, c'est inutile de se disputer. Je suis attendue ailleurs, alors j'apprécierais que tu me laisses partir. Qu'en dis-tu ? On pourra reprendre cette conversation plus tard.


Je n'attends pas sa réponse. Je passe près d'elle pour me diriger vers l'intérieur de ma chambre où m'attendent les trois milles dollars que j'ai reçu de Nathan. Un coup d'oeil jeter à ma montre m'indique que je vais être en retard si je m'attarde trop longtemps avec Cassandre.


— Bee, m'arrête-t-elle d'une voix tremblante, je tiens vraiment à toi. Plus que tu ne sembles le penser. Tu dois vraiment rester en dehors des problèmes. S'il te plaît, ne te mêle pas de choses compliquées pour toi.


— Pour moi ? Ne m'infantilise pas. Je suis une adulte et je sais m'occuper de moi-même. À une époque j'avais besoin de toi mais... peu importe. On en parlera plus tard.


Alors que je reprends ma route, je l'entends soupirer. Et je me demande qu'est-ce qui peut bien se passer pour qu'elle semble aussi contradictoire ; d'un côté, elle se montre tranchante et dédaigneuse mais d'un autre côté, elle semble vraiment préoccupé par la tournure des évènements, de mes agissements. Je serais tentée de croire que la façade froide n'est qu'un masque. Cassandre n'est pas quelqu'un qui anticiperait la mort de son père. Ce qui veut dire qu'elle est réellement inquiète.


Et ça n'annonce rien de bon.


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6 commentaires

Gabriele VICTOIRE

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Il y a 6 ans

bizarre, bizarre...est-ce bien sa soeur ? lol ! toujours tranchante Bee, directe.

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

Là c'est top, j'aime beaucoup. Donc si je partais du principe que Cassandre était glauque, j'aurais sur ce chapitre un doute. La petite sœur qui déplie une énergie folle pour sauver son père mais qui égale à sa jeunesse part dans des coups de speed, Cassandre plus froide peut se révéler dans les mêmes objectifs mais plus stratégiques et du coup sa voix mielleuse aurait tout son sens et oui, elle serait donc soucieuse et parerait à l'anarchie du comportement de sa cadette. Je garde cela dans un sac à idée en attendant la suite. NB : Que j'aime ton écriture, douce, un brin jeune de son regard et d'une infini sensibilité (ex: l'amour de son père) dans ta façon de gérer les émotions des personnages. Merci.

clara15

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Il y a 6 ans

Merci à toi pour tes commentaires aussi encourageants !

Camille Jobert

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Il y a 6 ans

Vraiment bizarre la sœur j'ai du mal a la cerner !

praline2

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Il y a 6 ans

J'enjoleille ta journée !

clara15

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Il y a 6 ans

Merci !
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