clara15 DEADLINE Chap. 21

Chap. 21

42 JOURS

Je toque deux coups à la porte. J'ai décidé de venir vers dix-neuf heures pour être sûre de le voir. Attendre sept heures m'a paru atrocement long en ayant connaissance de ce genre d'informations. Mais je ne pouvais pas venir ici et attendre qu'il revienne du boulot. Je ne pouvais encore moins me rendre sur son lieu de travail. Rapidement, Nathan vient m'ouvrir la porte. Il fronce les sourcils en croisant les bras sur son torse.


— Je te manque déjà ? Je pensais que tu ne voulais plus être mêlée à l'organisation ?


Je lève les yeux au ciel face à sa remarque. Sans attendre sa permission, je m'introduis chez lui et me dirige directement vers la cuisine.


— Fais comme chez toi, je t'en prie ! ironise-t-il.


— Tais-toi et viens.


Je l'entends refermer la porte au même moment où j'étale les photocopies que j'ai imprimées cette après-midi. Je n'avais pas mieux à faire. Le blond vient se poster derrière moi et regarde les feuilles. Sa proximité me gêne alors je me décale.


— Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il.


— J'ai découvert ce qu'était le projet Jouvence, déclaré-je.


Il me jette un coup d'oeil incrédule et reporte rapidement son attention sur les éléments devant lui. Il analyse chaque feuilles en silence et je vois son expression changer plusieurs fois. La première fois, il est tout d'abord confronté à l'incompréhension, puis à l'étonnement. Ensuite, son visage prend les plis de la fureur. Quand Nathan relève ses yeux normalement bleus mais qui ont pris une tournure beaucoup plus sombre, il explose :


— Non mais je rêve ! C'est possible de faire ça ?


— Je sais, ça m'a fait un choc au départ.


Il se passe une main dans les cheveux et souffle bruyamment.


— J'ai trouvé ses informations dans les dossiers professionnels de ma soeur, avoué-je, et j'en ai fais des photocopies pour te les amener.


Je ne sais pas pourquoi je me sens obligée de le préciser. Il hoche la tête.


— Alors, que va-t-on faire ?


— "On" ?


Je hoche la tête. Après avoir découvert ce genre d'informations, je ne compte pas rester assise dans mon coin. Et de ce que je vois, ma soeur est suffisamment concernée pour tomber si ça se sait, sans être approuvé par le gouvernement. Si je veux prétendre à l'aider, il va falloir que je le fasse de l'intérieur. De l'organisation, donc.


— Non, non, non. Toi, tu restes en dehors de ça.


— Quoi ? Même pas en rêve !


— Écoute-moi bien, Phoebe. On vient de découvrir quelque chose qui pourrait nous tuer. Je ne vais pas risquer ta vie. Tu te rends compte ? Ils veulent faire un transfert d'années ! C'est...


Les mots lui manquent et je dois admettre que je suis dans la même situation.


Je n'ai jamais été partisante de la règle des soixante ans et encore moins du retrait d'année. Alors découvrir que le projet Jouvence revient à transférer les années perdus par les citoyens à d'autres personnes me sidère. Je comprends maintenant le rapport avec la fontaine de Jouvence ; ça va donner des années en plus et faire reculer la mort à des personnes, comme un rajeunissement.


Le pire n'est pas que certaines personnes privilégiées pourront se voir offrir du temps au-delà des soixante années accordées aux dépends d'autres personnes, non, loin de là. Ceci n'est que la première partie sur laquelle Cassandre travaille, pour la rendre "légale". La seconde partie est beaucoup plus sombre.


Ils veulent expérimenter ça sur les personnes des quartiers défavorisés. Après tout, si on suit leur logique, personne du gouvernement ne s'en préoccupera. Au contraire, ça "nettoiera" les rues, comme ça l'est décrit dans le rapport. Ils prévoient même de continuer après la phase expérimentale sur ces mêmes personnes pour gratifier aux riches et aux hauts-placés au gouvernement plus de temps.


Comme cela est énoncé dans le rapport, l'action de transfert ne sera pas compliquée ; ils ont simplement besoin d'attribuer les données à une autre personne. C'est aussi simple qu'un échange monétaire pour s'acheter une nouvelle paire de chaussures. Je crois que c'est ça qui donne une dimension effrayante ; la facilité d'accomplir l'horreur.


Cassandre sert dans ce projet à rendre le projet juste et que ça ne soulève pas une révolution.Je vois maintenant pourquoi elle défendait autant la loi de retrait. Elle veut se convaincre, si ce n'est pas déjà fait, que tout ceci est légitime. Mais il n'y a rien d'égal ! Cela reviendrait par exemple à transférer les dix ans retirés à Papa à une autre personne.


— Je veux en faire partie.


— Non, refuse-t-il catégoriquement.


Je pince mes lèvres entre elles, agacée par ce rejet.


— Je t'ai suffisamment impliqué...


— Justement, le coupé-je avant qu'il n'aille plus loin, tu ne peux plus faire machine arrière.


Il sait que j'ai vu juste, et ça ne lui plaît pas. Je hausse un sourcil pour qu'il se décide à accepter, même si je sais que c'est déjà dans la poche. Par dépit, il acquiesce du menton.


— Il faut qu'on élabore un plan.


— J'admire ton enthousiasme, Phoebe, mais on ne fera rien ce soir.


Je fronce les sourcils. Pourquoi veut-il attendre alors que c'est le moment parfait pour attaquer ? Ils ne savent pas que nous avons leur plan. Il faut attaquer quand ils sont encore faibles, pour les prendre par surprise. Ça fera plus d'effet et on aura plus de facilité.


— Nous venons d'apprendre la nouvelle, nous ne réfléchissons pas avec lucidité mais avec précipitation. Si on décide de créer un plan maintenant, on n'aura pas considéré toutes les options et on sera uniquement focalisés sur l'objectif. Mais il y a des choses à prendre en compte avant d'agir, pour faire le moins de dégâts.


— Comme quoi ?


— Ta soeur. C'est une bonne raison de patienter, tu ne crois pas ?


Il n'attend pas ma réponse et regroupe les feuilles pour les remettre dans l'ordre. Je le regarde faire, sans un mot. Alors, c'est tout ? On vient d'apprendre le plus grand coup de toute notre vie et on va juste... attendre ? C'est totalement ridicule.


— Rentre chez toi et penses-y. Je t'appellerais quand ça sera le moment.


Le moment. Comme s'il y avait un moment adéquat pour faire ça. Mais il est le chef et si je veux participer à cette organisation comme je le prétends, je vais devoir me soumettre à ses ordres.


— Et je vais garder ceci avec moi si ça ne te dérange pas.


J'opine. Il aura plus besoin que moi de tous les éléments du projet, j'imagine. Je me dirige vers la porte et l'ouvre. Nathan m'accompagne et reste sur le pas de la porte, tandis que je me retourne pour lui faire face.


— Ces informations vont nous êtres très utiles. Tu ne sais pas à quel point tu nous as aidé.


— Je veux une seule chose en contrepartie. Si ça tourne mal, je veux que tu protèges ma soeur. Je ne doute pas qu'elle ait fait de mauvaises choses pour ce projet, mais je sais qu'elle ne veut pas de mal aux gens. Elle n'est pas comme ça.


— Je le ferais.


Je m'avance vers les ascenseurs avec une question en tête : comment Cassandre a-t-elle pu se fourrer dans un tel projet qui, j'en suis sûre, va beaucoup lui coûter ?

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5 commentaires

Gabriele VICTOIRE

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Il y a 6 ans

ce Nathan l'aime bien quand même... et le projet Jouvence qui vient appuyer l'inégalité riches/pauvres, tellement intemporel comme problème, donc quelque part, LE problème sociétal depuis toujours ! dans ce chapitre, je trouve le dialogue un peu expédié, comme si elle était tout le temps pressée d'en finir, que cache cette facette de sa personnalité ? elle qui ne discute jamais vraiment avec les gens ?

clara15

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Il y a 6 ans

Phoebe vit sa vie comme une course contre la montre, ce qui est d'une certaine manière, le cas (autant dans la réalité que dans cette fiction). Elle passe son temps à courir dans tous les sens, entre le club, l'organisation, sa vie familiale... elle veut pouvoir tout faire avant que le temps ne soit écoulé, même si elle doit se précipiter.

Camille Jobert

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Il y a 6 ans

Peut être que Cassandre joue un double jeu où sinon c'est vraiment une garde pour le coup parce que donner du temps perdus aux personnes qui le mérite pas c'est sacrement gonfler de sa part surtout avec son père qui lui reste peu de temps !

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

OH ! J'adore, j'avais peur d'un mystère qui tourne en longueur pour cette histoire et finalement NON! le voile se lève ce qui en paradoxe ouvre encore plus de portes d'une suite… et cette idée géniale même si logique de "on enlève aux populaires pour les plus aisés", c'est un cliché super bien exploré et surtout dans le conscient de tous on s'identifie tellement bien… Tu vas toucher beaucoup de personne et on sera tous, avec moi incluse, dans la peau rebelle qui lutte contre le système. BRAVO très bon chapitre, d'une grande simplicité, une bombe "Jouvence" qui nous éclate mais nous place encore dans l'incertitude du quel chemin va prendre ton histoire ? Je suis ravie de cet plume à contrevent qui nous éclaire pour mieux nous embrumer ;)

clara15

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Il y a 6 ans

Merci ! Je dois avouer que j'avais peur, au départ, que la révélation du projet Jouvence ne soit trop tardive mais je suis rassurée que tu penses que ce soit bien. C'est vrai que mon histoire tombe dans le cliché avec la bataille des classes sociales, mais je crois que c'est le combat mené à n'importe quelle époque. Encore merci pour ce commentaire :)
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