Fyctia

44 JOURS

J'attends au moins dix minutes avant d'oser décoller mes pieds profondément ancrés dans le sol par peur qu'ils ne reviennent. Mais je dois me rendre à l'évidence ; ils ont cette "réunion secrète" en tête et ne vont pas s'embarrasser à revenir ici. Cette fameuse réunion effleure ma curiosité. Toute cette histoire de recherche d'information a fait accroître mon côté aventureux, malgré les risques. Cependant, on m'a attribué une seule mission : trouver une quelconque donnée affectée au projet Jouvence. Et je vais m'y tenir.

Mon investigation débute par le meuble avec les cadres. Tout ce que je trouve, c'est du matériel tel que du ruban adhésif, des post-it, des stylos... rien de très alléchant, si ce n'est la trousse du parfait petit employé. Ce meuble ne m'apportera rien.

Ni la table ni le bureau n'ont de quoi ranger. Il ne me reste donc que six casiers près de la fenêtre. En ouvrant le premier, je m'aperçois qu'il y a toute une rangée de dossiers. Rapidement, je remarque qu'ils sont tous trier par ordre alphabétique, de quoi me faciliter la tâche. Sérieusement... la pièce n'est pas fermée à clef, ni les casiers et en plus de cela, tous les dossiers sont triés par ordre alphabétique. On dirait qu'ils veulent me donner l'information !

Je fouille d'abord la rangée "J" mais je ne trouve rien d'autre que des noms, certains assez connus au niveau municipal comme le maire adjoint. Sauf que je n'ai pas le temps de m'attarder alors je continue avec la lettre "P". Cette fois-ci, un nombre astronomique de projets abonde et l'étiquette "Projet Jouvence" se démarque des autres. Je l'extirpe et vais m'asseoir derrière le bureau. J'ouvre le dossier et tombe sur un faible nombre de feuilles. Il doit être récent, j'imagine.

Mais je ne comprends rien aux informations données. Ce que je lis n'a aucun sens. On dirait qu'il raconte l'histoire de la fontaine de Jouvence qui rajeuni quiconque voudrait la boire ou s'y baigner. Ce n'est pas le genre de dossier auquel on s'attend. Surtout que la façon dont l'histoire est décrite me fait penser à une publicité pour une crème anti-âge. Je ne vois pas en quoi ça pourrait intéresser Nathan et son organisation. Alors je continue de feuilleter le dossier.

J'arrive à une loi citée qui m'interpelle, puisqu'il s'agit de celle qui régit notre société aujourd'hui : "Toute personne, dès sa naissance, se soumet à recevoir la puce 278, en vertu la loi n°3945, qui stipule que chaque citoyen américain accepte une durée de vie limitée à soixante années, hors retrait d'années si un délit a lieu, au nom de la loi n°3946".

Cette loi, tout le monde la connaît. Lorsqu'on naît, on nous infiltre une puce au niveau de la nuque qui se déploie à l'ensemble de notre corps et qui s'enroule autour de chacune de nos cellules nerveuses. Cette puce, nous la gardons toute notre vie ; c'est elle qui se déclenche et qui nous tue à l'issue de notre âge limite. Celle de Papa se dégoupillera donc dans quarante-quatre jours si je ne parviens pas à l'arrêter. Monsieur Dane intervient en ajoutant du temps, pour retarder l'échéance. C'est une sorte de compte à rebours que nous avons en nous, qui retient une grenade qui tue l'intérieur de notre corps sans que l'extérieur en soit affecté. En d'autre terme, nous ne pouvons pas nous en débarrasser puisqu'elle s'enroule même autour de notre cerveau et nous vivons avec la peur constante qu'elle explose. Il y a une vingtaine d'années, il y a eu des bugs et des personnes sont mortes alors qu'elles avaient la vie devant elles. Mais toute innovation n'est pas parfaite, j'imagine.

Mis à part cette loi, rien n'est intéressant dans ce dossier. Sauf la dernière page. Il s'agit de la liste des personnes affiliées à ce projet qui, d'apparence, n'a pas l'air si suspect que ça, dans les grandes lignes. On y trouve le nom de Banks, et plus mes yeux descendent, plus j'approche d'un nom que je ne connais que trop bien. Celui de ma soeur.

Affolée, je cherche un autre renseignement, mais rien de plus ne m'informe sur l'étendue de ce projet. Si je n'avais pas vu le nom de ma soeur, je serais partie sans chercher plus loin. Qu'est-ce qu'elle a à voir avec tout ceci ?

Je range le dossier, sachant qu’excepté la liste que j'ai prise en photo, la citation de la loi ainsi que la jolie petite histoire de la fontaine de Jouvence, il n'y a rien d'intéressant. Cependant, le nom de ma soeur me contrarie. Par conséquent, je cherche son nom dans les casiers, et je ne mets pas longtemps à trouver ce que je cherche. Sauf que dedans, je ne trouve que son C.V ainsi que tout ce à quoi elle est reliée. Rien d'intéressant.

Je n'arrive pas à croire que ma soeur soit enrôlée dans une affaire aussi sombre. Banks ne voulait pas que je trouve son téléphone pour une raison évidente : il cachait quelque chose. Nathan souhaitait que je cherche des informations car son organisation agit contre le gouvernement. En outre, on peut conclure que Cassandre est dans quelque chose de louche ! Ça pourrait expliquer pourquoi son avis sur la loi de retrait est autant favorable...

Je repense soudainement à la réunion qui a lieu quelques étages au-dessus de ma tête. Je ne devrais pas y aller, mais pourquoi des gens se réuniraient-ils aussi tard si ce n'est pour un projet secret ? S'il faut, Cassandre s'y trouve. Et je prends la pire décision : aller espionner cette réunion qui doit être étroitement protégée par les hommes qui sont venus quelques dizaines de minutes plus tôt.

Chaque étage est vérifié avec précaution et attention. Au dessus du quinzième, il n'y en a que six autres. Je trouver rapidement la bonne salle, au vingtième étage. J'espère que l'entrevue n'est pas terminée, même si je devine qu'ils ne peuvent pas quitter le bâtiment avant cinq heures, sauf si cette règle leur passe au-dessus au vu de leur statut. Je n'en serais pas étonnée.

La salle est surveillée par deux gorilles assis mais armés. Je déglutis difficilement ; je n'avancerais pas plus loin. Mais je n'en ai pas besoin ; la salle est vitrée et je peux voir chaque personne. Mes yeux cherchent ma soeur mais elle n'y est pas. Je souffle, soulagée. Je vais pour m'en aller quand je vois deux personnes que je connais. La première, fidèle à elle-même, sourit et passe une main dans ses cheveux plein de gel. Banks.

La seconde m'étonne fortement. Dans un beau costume qui doit valoir cher, ses cheveux bien coiffés et son visage aussi charmant, Nathan écoute attentivement un vieil homme. Pourquoi le chef de l'organisation de Martha se trouve à cette table. Et s'il la dupait, depuis tout ce temps ?

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Les portes s'ouvrent à cinq heures trente précisément. Deux personnes y entrent. À six heures, il y a beaucoup plus de monde qui se présente. C'est le moment que je choisis pour sortir, le téléphone plein de photos prises du dossier et des interrogations qui ne veulent pas quitter mon esprit.

Je me fonds à la foule en me demandant une nouvelle fois : dans quoi me suis-je embarquée ?