Fyctia
Chap. 12
47 JOURS
J'essaye d'oublier les évènements d'il y a deux jours. Quand j'y pense, ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'une altercation pareille a lieu. Il y a quelques personnes qui enfreignent le couvre-feu et qui se font avoir, moi la première. Parfois, on peut tomber sur un policier qui nous fait le retrait d'année sur l'instant. De temps en temps, le coupable s'enfuie en courant et ce n'est pas rare qu'en le rattrapant, il y ait des complications. Non, ce qui m'est arrivé est commun à beaucoup de personne.
Mais le regard du policier me hante. Je me rappelle encore de son expression lubrique, je sens encore sa main autour de ma gorge et sa puissance. Quelquefois, une personne peut faire preuve d'abus de pouvoir, c'est même commun en réalité. Beaucoup de personnes use d'une certaine force sur d'autre, sous prétexte qu'elles ont un travail qui leur assure une certaine sécurité. Et quand j'y réfléchis en détail, il ne s'est rien passé. Mais ça aurait pu.
— Phoebe ! s'époumone mon père depuis le salon.
Je sais déjà de quoi il s'agit ; me retrouver dans la base de donnée n'a pas dû être compliqué et faire accepter à son chef une sanction a dû être rapide, surtout avec un ego blessé. Je l'ai quand même mis au tapis, ce dont je suis fière.
— Phoebe ! réitère-t-il.
Prenant sur moi, je me force à sortir du lit. Hier, j'ai appelé Max pour lui dire que j'étais dans la totale incapacité de me rendre au club pour faire un show alors j'ai passé tout mon temps dans mon lit. J'avais trop peur qu'en sortant, le policier me retrouve. Lui aussi peut détruire ma vie. J'ai vraiment l'impression qu'au moindre faux pas, un homme peut anéantir quelqu'un d'autre. Qu'il soit riche comme l'homme au téléphone ou bien puissant comme un policier, en fin de compte, je ne peux pas rivaliser.
En arrivant dans le salon, Papa tient un enveloppe dans ses mains avec le cachet de l'Etat. Elle est épaisse, cette fois-ci, et ouverte. Il a lu le contenu. À son regard furieux, je devine que je vais en prendre pour mon grade. Alors j'attends qu'il parle.
— Manquement au couvre-feu. Délit de fuite. Non-obéissance à l'autorité. Agression sur l'autorité.
Il ponctue parfaitement mes chefs-d'accusation pour que je me sente d'autant plus mal. Je ne pensais pas que le policier aurait pu faire accepter tout cela et je suis sûre qu'il a dû essayer d'en faire passer d'autre. Quand j'y pense, ça va faire mal pour trente prochaines années qu'il devait me rester.
— Un mois. Sept mois. Deux ans. Sept ans.
Je déglutis difficilement. J'ai presque perdu dix ans en une nuit. Je ne dépasserais jamais les quarante ans. Heureusement pour moi, ils ne font pas le récapitulatif lorsqu'ils nous envoient nos peines, sinon Papa serait beaucoup plus en colère. Il pensait déjà que j'allais vivre jusqu'à mes cinquante-sept ans.
— Je peux savoir ce qui t'a pris ?
— Ces papiers me sont destinés. Tu n'as pas à les ouvrir.
— C'est tout ce que tu as à répondre ? Neuf ans et huit mois, Phoebe ! Tu te rends compte de ce que c'est ?
Je baisse la tête, honteuse. Ce temps peut paraître futile, sauf pour une personne qui n'a plus que quarante-sept jours à vivre. Le temps est précieux et je ne l'ai pas usé à bon escient. J'ai été stupide de rattraper inconsciemment la voie principale mais ces années ajoutées ne sont qu'une histoire de vengeance personnelle. Peut-être qu'en visionnant les caméras, ses collègues se sont moqués de lui et ça n'a pas plu à l'officier de police. Que sais-je...
— Tu ne peux pas savoir à quel point je suis déçu, Phoebe. Nous avions déjà eu cette conversation. Tu m'avais promis !
Il continue de me rabâcher des paroles similaires à celles précédentes, mais je dois avouer avoir arrêter d'écouter. D'ici quelques secondes, il va me faire la morale comme il me l'a fait chaque jours, comme quoi la vie mérite d'être vécue, qu'il faut se soumettre à l'autorité, et cetera.
— Je dois y aller. J'ai du travail.
Son regard vire de la sidération à la fureur. Il me hurle de revenir parce qu'il n'a pas fini, mais là tout de suite, je ne veux pas écouter son grand discours. J'ai besoin de digérer tout ça, seule, sans qu'on me reproche d'être irresponsable. Et puis, je devais me rendre un jour ou l'autre au travail. Je dois sauver mon père, malgré mon irresponsabilité.
` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` `
La climatisation a cessé de fonctionner, au club, et la chaleur est insupportable. Max a offert à chacun des clients un verre gratuit et quand je sors de la scène pour la seconde et dernière fois de la soirée, j'ai le corps en sueur. Une des filles me tend mon kimono quand je sors, que j'enroule autour de mon corps dénudé. Il n'y a que sur scène que je ne suis pas pudique, mais une fois sortie, j'ai besoin d'être couverte.
Max croise ma route. Il me sourit, occupé par ses papiers, et continue sa route. Malgré les verres gratuits à cause de la chaleur, ce qui va lui faire perdre une petite somme, Max est aux anges. Il y a eu une annonce qui stipule que les inspections sont arrêtées. Pour le moment. Pour ma part, je pense qu'elles vont bientôt reprendre, mais dans l'ombre. Ce gouvernement est trop vil pour jouer les gentils.
Je m'arrête près de la table qui met à disposition pour les danseuses des rafraichissements et de la nourriture. Je me serre un verre d'eau en regardant autour de moi. Une fille entre sur scène pour prendre ma relève. Deux autres se maquillent dans le fond, près de la sortie. Une autre enfile sa tenue assez... spéciale. Et je me rends compte que, mis à part leurs noms, je ne connais rien d'elles. Je ne me suis jamais mélangée à mes collègues, non pas par condescendance, mais parce que j'ai toujours pensé que ce serait provisoire. Le strip-tease était au départ une solution d'entre-deux, le temps que je trouve un bon métier qui paierait. Et me voilà, presque onze mois plus tard, complètement austère à me mêler aux autres. Je devrais peut-être. Elles ont l'air sympa.
Mais ça ne sera pas pour aujourd'hui. L'expérience de la traversée de la ville il y a deux jours m'a suffisamment traumatisée pour que je m'attarde ici. Je vais me changer, enlever cette perruque violette et cette couche de maquillage, enfiler mais vrais vêtements et rentrer pour avoir une bonne nuit de sommeil, en espérant ne pas croiser mon père.
J'entre dans ma loge en soupirant. Max passera bientôt pour me remettre ma paye. Autant que je me dépêche pour intercepter l'argent quand je serais prête, pour partir aussitôt. Je ne veux pas perdre de temps. Il est déjà trois heures et je pense qu'il y a des patrouilles qui surveillent pour le couvre-feu. Selon moi, ce n'est qu'un prétexte pour surveiller les petits business illégaux.
J'entreprends de retirer mon kimono, après m'être assurée que la porte était close.
— Je n'apprécie vraiment pas qu'on me fasse faux-bond, déclare une voix dans mon dos.
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Gabriele VICTOIRE
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Camille Jobert
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