Fyctia
Chap. 11
49 JOURS
J'ai réussi à obtenir un nouveau délais, de la part de monsieur Dane. Il s'est montré vraiment réticent à cette idée, mais il sait que s'il se montre un tant soit peu souple, il pourra avoir soixante-quinze milles dollars, facilement. Alors il peut bien attendre encore quelques jours. En réalité, je n'en ai que treize à compter d'aujourd'hui, mais je m'en contenterais largement. Surtout que Max a réouvert depuis avant-hier. J'obtiendrais cet argent, d'une manière ou d'un autre.
C'est en me débarrassant de Baby pour ce soir que je me rends compte qu'elle m'est indispensable dorénavant. Avant, quand j'ai postulé ici alors que je n'avais que dix-huit ans, j'étais la petite fille timide qui se cachait derrière des vêtements trois fois trop grands et qui n'osait pas se montrer au reste du monde. Aujourd'hui, Phoebe est peut-être toujours comme ça mais elle a appris de Baby que la confiance en soi est accessible. Et même si je devrais abandonner Baby d'ici quelques semaines, je n'oublierais jamais à quel point elle m'a aidé dans ma vraie vie. Peut-être qu'elle me manquera.
Max est passé il y a quelques minutes pour me laisser mes bénéfices du jour. Il y a une légère amélioration, comparé à hier. Les gens commencent à doucement revenir ; les inspections sont de moins en moins régulières et même si on sait tous qu'ils rôdent autour de nous, les policiers ne sont pas décidés à attaquer. Donc on peut reprendre lentement notre business illégal, tout en restant sur nos réserves. Il ne faut pas oublier ce qu'on encourt.
Alors que je finis d'enfiler le dernier vêtement propre à Phoebe, c'est-à-dire un large sweat kangourou, une personne fait irruption dans la loge, sans frapper. Il s'agit de Martha, ce qui n'est pas étonnant quand on y pense ; les filles n'ont pas le droit d'entrer et Max toque toujours en attendant l'autorisation pour rentrer. Ce n'est pas le cas de la femme de ménage.
— Il a dû n'y voir que du feu si tu es toujours en vie, lance-t-elle, espiègle.
Je lui fais un sourire sarcastique, tout en continuant de rassembler mes affaires, m'apprêtant à partir. Je suis exténuée et la bonne nuit de sommeil qui s'annonce est trop tentante pour que je m'attarde ici.
— Je ne vais pas te retenir longtemps, continue-t-elle, mais la personne qui dirige l'organisation dont je t'ai parlé veut te voir pour discuter de tout ça. Ça te tente ?
Si ça me tente ? J'essaye d'oublier ce qu'il s'est passé. Mais j'imagine que le chef de l'organisation veut davantage de renseignements que je serais prête à lui fournir, qu'importe soient-ils, pour faire tomber l'homme au téléphone. Sa personne m'a vraiment fait froid dans le dos. Je veux simplement ne pas m'exposer à des risques inutiles, alors est-ce judicieux d'organiser une rencontre ?
— Pourquoi pas.
— Génial. Voici les informations dont tu auras besoin, me dit-elle en glissant un morceau de papier dans ma paume.
Et aussi rapidement qu'elle est entrée, elle quitte la loge. Je jette un rapide coup d'oeil aux coordonnées ; après-demain, dans un parc, l'après-midi. Rien de plus basique pour ne pas attirer l'attention.
Je plonge ce morceau de papier et ma paye de ce soir dans ma poche, et entreprends de quitter le club. Le couloir qui me mène vers la surface me semble plus long que d'habitude mais je mets ça sur le compte de la fatigue. J'ai besoin de dormir. Les rues sont vraiment calmes et le soleil commence doucement son ascension. Le couvre-feu sera levé d'ici une heure et demi.
Mes pieds me guident mais mon esprit dort toujours. C'est sûrement pour cette raison que je ne fais pas attention aux rues que je prends, et que je me retrouve sur une artère principale de Détroit. C'est toujours le chemin qui mène à chez moi, mais je favorise toujours les détours où je suis susceptible de ne pas être prise en flagrant délit. Je continue quand même, parce que si je ne me dépêche pas, je serais capable de m'effondrer en pleine rue.
— Que fais une jolie fille, seule dans les rues, à une heure pareille ? coule un voix mielleuse dans mon dos.
Ceci est la raison pour laquelle je prends les ruelles. Je me retourne brièvement pour apercevoir un officier de police. Généralement, nos contraventions sont attribuées lorsque les gens visionnent les caméras de surveillance. Il est facile de retrouver un visage. J'en ai eu au moins dix amendes comme celles-ci de toute ma vie mais je n'ai jamais dû confronter un policier.
Je le sens avancer dans mon dos, d'une démarche trop assurée. J'ai deux options qui s'offrent à moi : la première, rester ici et attendre que ce policier louche me retire du temps sans savoir ce qui peut advenir de plus ; la seconde, courir aussi vite que possible dans l'espoir que ma condition physique soit supérieure à lui et que réussisse à le semer avant qu'il ne s'imprègne de mon visage, pour faire une recherche et m'attribuer un retrait. Le choix est vite fait. Je me mets à courir aussi vite que possible, en m'enfonçant dans les rues les plus étroites.
— Eh, arrête-toi !
Mais je ne l'écoute pas ; si je m'arrêtais maintenant, ça serait pire. Alors je continue, encore et encore. Mes jambes font preuve d'une force insoupçonnée et mon envie de dormir a disparu aussitôt. Je ne sens même plus les effets de la course et je mets ceci sur le compte de l'adrénaline. Quand on est sous son effet, on est capable de tout. Enfin presque. J'avais oublié le facteur selon lequel malgré mon envie la plus profonde, il est peut-être plus athlétique que moi.
Au détour d'une ruelle, il me plaque contre le mur. Ma tête claque violemment contre le béton. Ma vision se brouille momentanément et mes oreilles sifflent.
— Tu pensais vraiment pouvoir t'échapper ? Eh bien... je vais te retirer quelques mois pour délit de fuite.
Son visage est proche du mien. Il analyse chaque trait qui le compose pour ne pas l'oublier et me retrouver dans la base de donnée. Ce n'est pas comme si mon casier était vierge alors ce sera rapide. Je ferme les yeux, autant pour qu'il cherche plus longtemps qu'à cause de son visage et de son haleine révulsante, un mélange de café et de tabac froid. Sa main s'enroule lentement autour de ma gorge, comme un serpent qui veut tuer sa proie.
Ensuite, il commence à exercer une douce pression en approchant un peu plus son visage du mien. Je ne me laisse cependant pas dominer par la crainte qui m'assaille de ce qu'il va me faire plus de dix secondes, le temps que je réagisse. Je lui donne un coup de genoux dans le ventre, comme Papa me l'a appris, et le pousse au sol. Après, je lui donne un coup de pied dans les parties intimes alors qu'il gémit de douleur. Je ne perds pas plus de temps, je m'enfuie à toute vitesse, sachant qu'il ne pourra pas me rattraper tout de suite.
Je me planque derrière une poubelle, dans une ruelle à un ou deux kilomètres d'où je l'ai laissé. Les larmes dévalent à toute vitesse mes joues alors que je regarde le soleil monter et les gens commencer à sortir de chez eux.
6 commentaires
Gabriele VICTOIRE
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Il y a 6 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
Camille Jobert
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 6 ans