Fyctia
Chap. 8
59 JOURS
Martha habite vraiment dans le pire quartier de la ville. Je marche en sentant les regards curieux mais aussi vorace des gens autour de moi. Ici, le taux de délinquance est supérieur au reste de la ville, si ce n'est de l'Etat. C'est ici qu'on est destiné à mourir jeune par le retrait d'année, si ce n'est pas en se prenant une balle par mégarde.
Papa nous a toujours déconseillé de venir par ici pour notre sécurité. Il connaît le quartier, puisque lui et notre mère venaient d'ici. Quand ma mère attendait Cassandre, ils ont pris la décision de déménager dans une maison dans un quartier plus convenable, même si ce n'est pas le meilleur qui existe en ville. Cependant, il y a beaucoup moins de violence.
Et c'est en marchant dans les rues, à ce moment précis, que je me rends compte que Papa avait raison de nous interdire de nous diriger de ce côté de la ville. Surtout quand, en arrivant en bas de l'immeuble de Martha, un groupe se forme autour de moi.
L'un d'eux se démarque en s'approchant de moi. Il a un bonnet sur son crâne que je devine chauve. Il est grand et svelte, avec un visage fin et des vêtements trop grands. Ses chaussures blanches luisent sous le soleil.
— Joli coquard, lance-t-il d'un air espiègle.
— Je viens voir Martha. Est-ce qu'elle est là ? demandé-je sans m'attarder sur son commentaire.
Il me jauge du regard pendant quelques secondes, prenant bien le temps de me répondre. Il se frotte le menton mal rasé, puis se décide enfin à me répondre.
— Et je peux savoir qui tu es ?
Je serre les dents ; il ne va pas m'aider. Et puis, je ne compte pas lui donner mon identité, puisque c'est encore une question de prudence. Moins il y a de gens qui peuvent faire le lien entre Phoebe et Baby, plus je garde les deux aspects de ma vie saufs.
— Laisse-la, Jett ! crie une voix à la fenêtre du second étage, je la connais, elle peut monter.
Le dénommé Jett n'hésite pas longtemps et me laisse l'accès à la porte. Les autres autour de nous s'éparpillent dans la rue comme si le court échange que nous avons eu, Jett et moi, n'avait pas eu lieu. Cette situation me prouve qu'ils savent que je ne viens pas d'ici et que ça ne leur plaît pas que je m'y trouve.
La porte s'ouvre et je monte les escaliers en piteux états. Entre le premier et le second pallier, il manque même la moitié d'une marche. Les murs sont délabrés et il y a une odeur de tabac qui plane au-dessus de moi. Papa n'aimerait pas que je me sois là, mais nous n'avons pas le choix. Je dois absolument récupérer ce stupide objet. C'est précisément une question de vie ou de mort.
Lorsque j'arrive au second étage, la porte s'ouvre sur Martha qui est habillée d'une belle robe fleurie. Ses cheveux sont toujours aussi bien bouclés et elle est légèrement maquillée. On pourrait presque croire qu'elle habite de l'autre côté de la ville, chez les riches.
— Phoebe ! Je ne t'attendais pas. Tu excuseras Jett. Mon fils est un peu réticent avec les inconnus.
Je lui souris pour toute réponse. Je ne savais pas qu'elle avait un fils mais après tout, je ne sais pas grand chose d'elle. Maintenant que j'y pense, ils ont les mêmes yeux bleus avec la même lueur déterminée. Je comprends maintenant pourquoi il ne voulait pas me laisser passer sans connaître mon identité.
— Au fait, comment as-tu eu mon adresse ?
Elle me fait signe d'entrer. Je découvre un appartement simpliste, joliment décoré. Martha m'invite à me diriger vers la cuisine où elle commence à préparer du thé.
— J'ai demandé à Max. J'avais besoin de te voir pour parler du téléphone.
— Oh, répond-elle simplement.
Je m'aperçois qu'elle ne compte pas aller plus loin, alors je m'explique :
— J'ai besoin de le récupérer. Je dois le rendre à son propriétaire.
— Je suis désolée, Phoebe, mais ça ne va pas être possible.
J'écarquille les yeux. Vient-elle vraiment de signer mon arrêt de mort et celui de mes proches ? Je ne doute pas des pouvoirs de l'homme à qui j'ai volé ce téléphone, et je sais que ce genre de menace ne doit pas être prise à la légère. Alors je commence à m'inquiéter beaucoup plus que je ne l'étais déjà. Si elle ne peut pas me le rendre, je suis complètement fichue.
— Tu te rappelles, j'ai parlé d'une organisation ? Eh bien, c'est elle qui l'a, actuellement.
— Et où puis-je la trouver ? Je veux le récupérer. Je peux même payer pour ça !
Oui, je suis complètement désespérée, et ça fait rire Martha. Je peux emprunter de l'argent du sac réservé à monsieur Dane. Je trouverais un autre moyen pour payer. Un problème à la fois.
— Ce n'est pas aussi simple. L'argent n'a pas d'importance pour nous, déclare-t-elle en servant du thé dans ma tasse.
— L'argent a toujours de l'importance.
C'est vrai. Quand on se penche plus près sur la question, tout le monde est en quête d'argent. Monsieur Dane veut de l'argent pour exaucer un voeu et l'homme qui m'a menacé m'a proposé de l'argent en échange de son téléphone. On pourrait même penser que parfois, l'argent est le moteur des relations humaines.
Martha coule un regard compatissant alors que je me prends la tête entre les mains. Et dire que tout ceci ne serait jamais arrivé si je n'avais pas ramasser le téléphone. Je savais que c'était une mauvaise idée, mais ça ne m'a pas empêché de le prendre. Regardons où j'en suis arrivée, maintenant.
— L'homme qui possédait ce téléphone a menacé mes proches et moi. Je dois le lui rendre. C'est primordiale.
Ma voix suppliante fait froncer les sourcils de la quinquagénaire. Elle prend place en face de moi, et pose une main affectueuse sur la mienne.
— Je vois que tu t'es attirée des ennuis. Ça me rappelle quelqu'un...
Son regard se perd momentanément dans le vide, puis elle revient à moi :
— Ils en ont besoin encore pour deux bons jours.
— Mais je n'ai pas deux jours ! Je n'ai que quelques heures.
Elle se lève et quitte quelques secondes la pièce, me laissant avec mon désespoir. J'observe la surface du thé que j'ai entre les mains, en me demandant comment je vais faire pour nous protéger. On ne peut pas quitter la ville, surtout que je devrais m'expliquer. Je ne me vois pas dire à mon père et à ma soeur que je nous ai collé un cible dans le dos.
Quand Martha revient, elle me glisse un objet entre les mains. Il s'agit d'un téléphone du même modèle, mais ce n'est pas celui qui contient les dossiers qui semblent si importants pour les deux partis.
— Je sais que ça ne remplacera jamais le bon téléphone. Mais si tu me donnes trois heures, je peux me débrouiller pour qu'il n'y voit que du feu. Ça pourrait t'arranger et nous donner un coup de pouce.
— Comment je pourrais vous aider en lui rendant un téléphone ?
— Ne t'inquiète pas pour ça, on gère cette partie. Alors, qu'en dis-tu ?
Je regarde l'horloge. Celle-ci m'indique que j'ai peut-être encore quatre heures, grand max, pour le lui apporter. Et même si je risque d'arriver en retard, c'est ma seule option. Martha attend ma réponse, et je ne fais que hocher la tête pour approuver.
En espérant que ça fonctionne.
8 commentaires
EmilyChain
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Il y a 6 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
Gabriele VICTOIRE
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans