Fyctia
Chap. 7
59 JOURS
Il reste à présent moins de deux mois avant l'exécution de Papa. Et j'ai tellement de chose à gérer.
Par exemple, il faut que je retrouve le téléphone que je suis supposée rendre dans la journée. Max a fermé le club pour une semaine de plus. Il me reste donc un peu plus d'une semaine pour payer monsieur Dane. Mais tout de suite, l'argent n'est pas le problème le plus urgent. Je dirais que c'est le fait que je vais nous faire tuer parce que c'est impossible de joindre Martha. J'ai été tentée de demander à mon père des renseignements sur la femme, mais il aurait pu faire un rapprochement avec mon boulot.
Je sais que Max se rend fréquemment à son club pour faire les comptes. J'espère l'y trouver aujourd'hui, surtout parce que je suis déjà devant la porte dans la ruelle qui mène au club. L'avantage de cacher son identité c'est d'avoir accès à une clef qui permet d'entrer comme bon me semble dans le club. Mise à part quelques privilégiés, je suis la seule à l'avoir.
Après avoir dévalé les escaliers, je longe le long couloir qui mène à une unique porte. Après avoir tapé un code, je déverrouille la porte pour arriver dans la salle principale. Sur ma droite, on peut trouver le bar parfaitement rangé. Au centre, il y a de nombreuses tables qui sont habituellement toutes occupées. C'est étrange de voir la salle vide. Au fond, il y a la scène où je fais vivre Baby. Les spots et la musique sont éteints entre les murs insonorisés.
Sans perdre de temps, je me dirige directement sur ma gauche où se trouve les loges et le bureau de Max. La lumière sous le seuil de la porte m'indique qu'il est là, alors sans prendre la peine de toquer, j'entre dans la pièce. Surpris, Maxwell sursaute et lâche le stylo qu'il avait dans la main. Son regard se fait sévère, et j'imagine qu'il a cru avoir une mauvaise visite.
— Phoebe, gronde-t-il.
— J'ai besoin que tu me donnes l'adresse de Martha, déclaré-je sans préambule.
Max retire les lunettes qu'il a sur le bout de son nez, et me regarde comme si je venais d'une autre planète. Je patiente pendant presque trente secondes, le temps qu'il se décide à me répondre.
— Tu sais que ce genre d'information est confidentiel ?
— C'est à propos du téléphone.
Je le vois lever les yeux au ciel. Il se met toutefois debout alors que je pensais me heurter à un nouveau refus et se retourne pour fouiller dans les tiroirs derrière lui. Je jette un coup d'oeil au-dessus de son épaule pour voir des dossiers ranger avec précaution.
— Je savais que ce téléphone allait me mener à ma perte. C'est pour ça que mon père a instauré la règle de ne jamais apporter un téléphone ici. Tu sais que je pourrais avoir des ennuis pour te donner une information aussi personnelle ?
— Plus que diriger un club clandestin ?
— Peut-être pas, non, m'accorde-t-il.
Il en sort une feuille qu'il me tend, avec regret. Je vois que ça ne lui plaît pas et qu'il vit ça un peu comme du chantage. Ce téléphone va tous nous tuer si je ne parviens pas à le rendre à son propriétaire. Un coup d'oeil au dossier m'indique que Martha vit dans le pire quartier de la ville. Ceci ne me rassure pas du tout. Je n'aime pas l'idée de devoir m'y rendre, mais c'est une question de vie ou de mort.
— Je te remercie, Max.
— Ne m'attire pas d'ennuis. J'en ai déjà assez en ce moment.
Je l'observe se rassoir, les épaules voûtées comme s'il portait le poids du monde sur son dos. Un tas de feuille repose sur le côté droit de son bureau. Il a de l'encre sur les mains, comme s'il écrivait depuis plusieurs heures déjà.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je m'occupe des taxes. Avec les inspections, les loyers se font plus chers pour les business illégaux si on veut être protégés. Je vais devoir me débarrasser de deux filles et d'un barman.
J'ouvre la bouche, interloquée. Le business de Max m'a toujours paru fleurissant et aujourd'hui, il m'apprend qu'il va devoir virer du personnel pour subvenir aux besoins du club. Ce qui me choque le plus, c'est de voir un homme comme Max se tuer à la tâche pour que son personnel soit à l'aise, pour que les clients soient contentés, tout en assurant de bons revenus et tout cela, pour rien au final. Juste parce que les clubs de strip-tease ont été interdits. Il n'y a rien de mal à ça, pourtant !
— Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te virer. Tu es ma danseuse préférée mais ne le dis à personne ! sourit-il.
Mais son sourire n'atteint pas ses yeux. Lui, qui est si jovial, semble complètement éteint.
— Comment tu gères tout ça ?
— Mal. Toute ma vie tourne autour de ce club, et je ne suis même plus capable de m'en occuper dignement.
Il passe une main sur son crâne rasé, affligé.
— Pour être honnête, continue-t-il, je me demande si je ne vais pas mettre la clef sous la porte dans quelques semaines. Le gouvernement n'a jamais autant espionné ses habitants. On ne peut même plus sortir sans être épié.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Nous en avons parlé vaguement avec Cassandre, juste avant de me faire amocher le visage par un des colosses. Elle m'a avoué avoir vérifié dans les registres, mais dans l'histoire, les rues n'ont jamais été aussi surveillées qu'elles le sont aujourd'hui. On peut voir un policier à chaque coins de rue et j'ai dû faire extrêmement attention pour rentrer ici. Cassandre a même soulevé l'hypothèse que quelque chose se trame du côté du gouvernement.
Et ça ne s'annonce pas bon pour nous.
— Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ? s'exclame mon patron.
Je reviens à la réalité quand je le vois me dévisager. J'avais presque oublié mon coquard qui a viré au bleu depuis hier. Cacher cette blessure à mon père a été compliquée, surtout que la couleur noire n'a pas voulu disparaître avant hier matin.
— Ceci est la raison pour laquelle je cherche Martha et ce fichu téléphone. Disons que si je ne rends pas ce téléphone au propriétaire d'ici ce soir, mes proches et moi allons vraiment en pâtir. Ce n'est qu'un avant-goût de ce qui m'attend, apparemment.
— De ce que je peux voir, je ne suis pas le seul à avoir de lourds problèmes sur le dos. Dépêche-toi de retrouver Martha.
J'acquiesce vivement et quitte son bureau.
Je me demande si une vie sans restriction d'âge pourrait être meilleure. J'ai déjà entendu parlé de l'Ancien Temps, même si ce pays n'aime pas trop en discuter. C'était une période où il y avait tellement d'habitants sur Terre qu'on ne pouvait plus les satisfaire en eau, en nourriture... c'était devenu une vraie déchéance humaine.
Je crois que c'est la Chine qui a instauré en premier cette loi sur la limite de l'âge. Tous les pays l'ont adopté et ça a aidé l'humanité, de ce qu'on dit. Aujourd'hui, je me demande si à l'échelle d'un individu c'est bon ; on ne vit plus que dans l'attente de la mort, en connaissant notre jour de décès. Au moindre faux pas, on peut mourir. Je suis chanceuse de pouvoir vivre jusqu'à mes quarante-neuf ans. Ce n'est pas le cas de tout le monde.
Après tout, pour certaine personne, il ne reste que cinquante-neuf jours à vivre.
6 commentaires
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans
Gabriele VICTOIRE
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Il y a 6 ans
clara15
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Il y a 6 ans