clara15 DEADLINE Chap. 4

Chap. 4

66 JOURS

Max a renvoyé le seul client, il y a un peu plus de dix minutes. Je ne me souviens pas l'avoir vu aussi dépité depuis que je travaille ici. Habituellement, il y a foule parce que l'Homme aime voir ce genre de show et depuis que la loi interdisant ce genre de pratique est passée, il y a plus de quarante ans, on peut voir qu'il y a plus de client. On peut dire que mon patron est fortuné mais cet argent n'est que de passage. À cette allure, s'il y a de moins en moins de clients qui se présentent, Max pourrait fermé définitivement le club. Et ce sont ces inspections un peu trop récurrentes à mon goût qui poussent les gens à se cacher.


Je commence alors à me changer, puisque le club est fermé pour la soirée. Max a même appelé Martha pour qu'elle vienne plus tôt. De toute façon, il ne pouvait pas y avoir de show étant donné que nous n'étions que deux pour l'assurer. Je suis toutefois heureuse de pouvoir retirer l'énorme perruque qui me tient chaud et le maquillage qui commence à couler à cause de la chaleur estivale. Je n'ai jamais véritablement aimé le maquillage mais il fallait que je me crée un personnage pour travailler.


Alors que je m'apprête à jeter un coton à la poubelle, mon regard tombe sur le téléphone que j'ai récupéré plus tôt dans la journée. Je sais que je n'aurais jamais dû le ramener ici mais j'ai limité les risques en l'éteignant. Le cercle fendu en deux à l'arrière de l'objet m'a tellement intrigué que je l'ai gardé. Ce n'est peut-être pas la meilleure idée que j'aie eu, quand j'y pense.


— Qu'est-ce que c'est ? me lance une voix.


Je bondis violemment de ma chaise, surprise. Max se penche par-dessus mon épaule pour observer l'objet que j'ai entre les mains et que je m'empresse de glisser dans la poche de mon kimono.


— Tu voulais quelque chose ? dis-je pour détourner l'attention du téléphone.


— Au début, je voulais simplement te dire que je ne pourrais pas te payer.


— Oh, je comprends.


Ça contrecarre encore une fois mes plans. Monsieur Dane s'impatiente, comme on peut le voir sur le relevé téléphonique où il n'y a presque que son numéro qui apparait. J'ai jusqu'à la fin du mois pour le payer ou alors il se rétractera. Et je ne peux pas le permettre.


— Mais après, j'ai vu que tu avais un téléphone dans la main. Tu peux m'expliquer ?


Je déglutis difficilement ; la politique ici est assez laxiste mais s'il y a bien une règle à ne pas déroger, c'est celle qui consiste à laisser son téléphone chez soi, par précaution. Il n'est pas rare que certaines personnes soient écoutées ou géolocalisées surtout si elles sont soupçonnées d'un délit. Max ne veut tout simplement pas qu'on lui apporte nos problèmes.


— Ouais... euh... je suis désolée, mais...


— Tu connais les règles. Je vais devoir te mettre un avertissement.


Je pince les lèvres mais hoche la tête, compréhensive. Je nous mets tous en danger et lui en particulier. J'ai été bête et son regard furieux décuple ce sentiment de culpabilité. Je le mérite, mais savoir que Max n'est jamais en colère sauf maintenant, me rend vraiment mal.


— Je suis déçu.


— Et tu devrais avoir peur, aussi ! ajoute une nouvelle personne.


Nous sursautons tous les deux. Martha entre en poussant un chariot rempli d'eau propre et savonneuse. J'écarquille les yeux en me tournant rapidement pour ne pas qu'elle me voit. Surtout que j'ai la moitié du visage démaquillé et que mes cheveux sont à l'air libre. Il ne faut pas qu'elle me voit en tant que Phoebe. Qui sait... elle peut connaître quelqu'un du quartier.


— Chérie, ça ne sert à rien de se cacher. Il y a un miroir en face de toi et je connais déjà ton nom. Comment crois-tu avoir retrouvé ta carte de bus parfaitement posée sur la table l'autre jour ?


Je m'empourpre alors. Et moi qui pensait que j'étais vraiment discrète...


— Comment ça je devrais avoir peur ? demande Max, loin des futilités sur mon identité.


Martha avance et commence à nettoyer le sol.


— Ce téléphone ne t'appartient pas, n'est-ce pas ? devine-t-elle, puis elle continue sans me laisser répondre : le logo est celui d'une grande firme dans le centre ville. Personne n'a jamais vraiment su ce qu'ils y faisaient là-bas, mais moi, je peux te dire que ce n'est pas très net ! Ce sont les personnes qui doivent organiser secrètement des projets contre les gens les plus défavorisés. Eh oui, les riches sont encore plus plongés dans les délits que les pauvres. On ne le croirait pas, pas vrai ?


Max et moi nous dévisageons sans un mot.


— Tu as pensé à désactiver le téléphone ?


— Je... eh bien, je l'ai éteint, mais...


Son soupir me coupe. Elle lève les yeux au ciel, s'essuie les mains savonneuses sur sa blouse de travail et s'approche de nous. La quinquagénaire me fait signe de bouger et n'attend presque pas que je sois debout pour prendre ma place. Sa main glisse dans mon kimono et elle en sort le téléphone. Sans comprendre ce qu'il se passe, nous l'observons enlever pièce par pièce les composants du téléphone. Elle sort de la poche avant de sa tenue un tourne-vis et commence à bidouiller. Nous sommes incrédules mais nous la laissons faire, intrigués. Quelques secondes plus tard, après une petite étincelle qui nous a fait sursauter, elle remonte le téléphone.


— Les jeunes de nos jours ne savent plus s'occuper de la technologie ! conclut-elle, nous laissant abasourdis.


Elle place le téléphone dans sa poche et retourne à la serpillère. En s'apercevant de mon regard qui reflète mon incompréhension, elle me fait un sourire.


— Ne t'inquiète pas, Phoebe. Je vais en avoir besoin, ça va pouvoir aider mon organisation pour déjouer au moins l'un de leurs plans ! C'est toujours exaltant de pouvoir botter les fesses du gouvernement !


Je suis bouche bée. Ce n'est pas la première fois que je croise Martha, mais je n'aurais jamais cru qu'elle serait du genre à faire partie d'une organisation secrète anti-gouvernementale. Je veux dire... elle a une cinquantaine d'années et ne doit pas avoir eu souvent des retraits. Je dirais même qu'elle n'en a sûrement jamais eu. Elle m'a toujours paru être la femme la plus calme et éloignée des problèmes de la dernière décennies. De ce que je vois, je me suis trompée. En réalité, Martha est, malgré ses cheveux toujours impeccablement bouclé et son visage adorablement maquillé, la Olivia Mansfield des temps modernes.


— Ne t'inquiète plus à propos de cet objet, Phoebe. J'en ai la responsabilité à présent.


Nous la regardons tirer son chariot en dehors de la loge, en sifflotant. Max est comme moi, ahuri. Mais avant de partir définitivement, Martha passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte et me demande :


— Au fait, ton père fait toujours du yoga ?


Je hoche frénétiquement la tête incapable de répondre. Après un clin d'oeil, elle ferme la porte. Oh mon dieu... elle connaît mon père ! J'ai mis tant de mois à cacher mon identité ici pour que Martha la connaisse ainsi que mon père ! Si jamais elle le lui dit, je suis morte.


— Qu'est-ce qu'il vient de se passer exactement ? dit Max.

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14 commentaires

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

On glisse dans l'intrigue avec une telle légèreté que je reste silence et surprise. Réussite pour traiter des éléments lourds en les faisant déglutir sans peine, et je m'y enfonce si bien ;) La gentille dame qui se transforme en Mc Gyver révolutionnaire, c'est bien plantée cette idée.

Lana.M

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Il y a 6 ans

Dans ce chapitre les téléphones n'ont plus rien d'attractifs ;D Ici je t'aurai conseiller d'expliquer pourquoi l'état à souhaiter fermer les club de striptease, leurs raisons, pour qu'on comprenne mieux ce nouveau monde très restrictif apparemment. Est-ce quil y a eu des débordements ? Des derives qui ont conduit le gouvernement à des choix aussi tranchés ?

clara15

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Il y a 6 ans

La raison pour laquelle l'état a pris des décisions aussi drastique, tu l'apprendras plus tard :)

Plume Jamais

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Il y a 6 ans

Un petit coup de pouce déblocage me dépannerait bien !

clara15

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Il y a 6 ans

Je l'ai déjà fais plus tôt dans la journée :)

Arielle Rock

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Il y a 6 ans

J'aime beaucoup ta plume continue ainsie 😋

clara15

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Il y a 6 ans

Merci beaucoup :))

Camille Jobert

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Il y a 6 ans

Cette Martha est vraiment surprenante !

Gabriele VICTOIRE

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Il y a 6 ans

tu te répètes souvent c'est dommage. Martha et son organisation, elle n'est pas très discrète, bizarre. cherche-t-elle à recruter ? l'histoire me plaît, je poursuis :)

clara15

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Il y a 6 ans

Merci pour tes commentaires, je suis contente que cette histoire te plaise :)) Martha n'est pas discrète en effet mais elle connaît son père donc peut-être qu'elle fait confiance à Phoebe, d'une certaine manière... Le but de l'organisation sera plus explicitée d'ici quelques chapitres donc pourquoi pas la recruter ?
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