Fyctia
Chap. 1
74 JOURS
Si Papa savait ce que je fais ici, il me tuerait.
Il n’a jamais songé au fait que sa fille pourrait se trémousser devant des hommes, en petite tenue. Son salaire de menuisier ne nous rapporte pas suffisamment d’argent pour maintenir notre confort à la maison, donc j’ai décidé de participer. Officiellement, je suis serveuse dans un grand restaurant au centre ville. D’ailleurs, il en est si fier qu’il en parle à tout le monde. Je devais bien trouver une excuse pour tout l’argent que je ramène à la maison. Officieusement, je suis strip-teaseuse dans un club sous-terrain, à l’abris des regards indiscrets et trop formels. Pourtant, nombreux sont les clients. Mais personne n’oserait parler de cet endroit aux fédéraux, par peur de se voir raccourcir la vie.
Au départ, j’ai eu du mal à me faire à l’idée que j’allais devoir être vraiment peu habillée, d’autant plus devant des hommes et parfois des femmes. Mais avec le temps et les gains d’argent considérables, j’ai appris à ne plus penser que je ne portais plus que mes sous-vêtements ou bien juste une culotte. Et puis, la musique et la danse font un peu barrage aux pensées dégradantes que je pourrais avoir de moi-même. Et l’argent, aussi. Je peux paraître vénale, mais cet argent, mon père et moi en avons atrocement besoin.
— Baby ! C’est à ton tour ! hurle Max à l’autre bout du couloir.
Je tapote mes lèvres pour vérifier si le rouge à lèvre rose criard est bien sec. Chaque jours, quand je me regarde dans le miroir, je vois une inconnue. Une fille qui a confiance en elle, qui est magnifique et qui n’a peur de rien. Ma perruque violette tombe dans le bas de mon dos ; mes yeux ont été couverts par des lentilles grises et maquillés à l’extrême par du rose, du bleu et du violet. Je brille affreusement à cause de l’high-lighter, mais ça fait parti du personnage. Tout comme la mini-jupe rose et le top blanc qui en dévoilent beaucoup trop.
Beaucoup de filles ici restent au maximum naturel et fidèle à elle-même, avec leur propre cheveux, leur propre couleur des yeux, leur propre visage. Mais je sais que je pourrais rencontrer quelqu’un de mon quartier, et je ne veux pas décevoir mon père. Alors je me suis inventée un personnage du nom de Baby, qui n’est pas mon réel prénom, et qui plaît beaucoup.
— Baby ! crie de nouveau mon patron.
Je me lève et cours tant bien que mal avec les hauts talons aiguilles de plus de quinze centimètres qui vont un jour mener mes chevilles à leur perte.
— Je suis là, je suis là…
— C’est pas trop tôt, ils attendent !
Maxwell n’est pas méchant, mais il tient à son business. Il reste jusqu’ici le meilleur patron que j’ai eu et qui ne prend pas ses employés pour des objets mais pour des humains. J’ai déjà travaillé comme serveuse, et je peux affirmer qu’en étant strip-teaseuse je suis plus considérée comme une humaine que si j’étais restée à servir les autres.
— Bon, je t’explique le programme.
Mon patron commence à m’expliquer mes placements, la musique et ce que je dois faire pour faire durer au maximum la danse mais aussi ramasser le plus possible de billet. Plus l’attente est longue, plus ils sont impatients, plus ils payent.
— Aller, en scène !
Il me fait un large sourire auquel je réponds automatiquement. Il est le seul ici à connaître ma véritable identité. Je me débrouille toujours pour arriver en avance pour me préparer et il me laisse une loge où mettre la perruque et les lentilles, loin des regards indiscrets des autres filles. Il fait vraiment tout pour qu’on soit à l’aise ici, et c’est peut-être pour ça que je reste.
Je me place derrière le rideau pile au moment où celui-ci se lève. La lumière blanche projetée sur moi m’aveugle durant deux secondes, mais je me reprends et avance d’une démarche langoureuse. La salle est pleine ce soir, de ce que je vois. Je m’approche de la barre de pole dance au centre de la scène et commence à me déhancher autour de celle-ci, sans entrer dans le vulgaire. Et les billets commencent à pleuvoir autour de moi.
` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` ` `
Il est un peu plus de deux heures du matin quand je peux enfin souffler, après avoir fais plusieurs shows. Pour une fois, je ne termine pas si tard que ça et je vais pouvoir profiter d’une bonne nuit de sommeil. Je reste cependant assise sur un fauteuil pour me reposer cinq minutes. Je plains les autres filles qui n’auront pas terminer avant une ou deux heures, à cause du nombre de clients faramineux.
Ce sont les talons hauts d’une fille qui court qui me réveillent. Un petit coup d’oeil à l’horloge m’apprend que j’ai dormis une quinzaine de minutes. Je me lève donc et me dirige vers ma loge à l’écart des autres filles. Mes coéquipières pensent que j’ai le droit à ce genre de traitement de faveur parce que j’entretiens une relation avec Max. Mais il a presque le double de mon âge, et je ne vise pas les hommes aussi vieux. Et même s’il est charmant, il n’en reste pas moins mon patron. Si j’ai le droit à une telle faveur, c’est peut-être parce que je le mérite.
J’entreprends d’enlever la lourde perruque qui me tient affreusement chaud. Je la laisse reposer à ma droite et attrape plusieurs cotons et le démaquillant. Enlever le tas de fond de teint est une chose, mais l’eye-liner et le rouge à lèvre en est une autre. Je ne compte plus les cotons qui se retrouvent à la poubelle. Quand je retrouve enfin mon teint plus blafard, mon visage dont les os sont très saillants et mes lèvres plus rose pâle, je peux enfin enlever les lentilles que je repose automatiquement dans une boite avec un produit spécifique pour les conserver. Je soupire en scrutant mes yeux marrons, moins artificiels. Je retire l’élastique qui maintenait mes longs cheveux bruns bouclés sous la perruque, et peux enfin observer la vraie moi. Celle sans artifice mais qui a l’air beaucoup plus fatiguée, timide et enfantine.
Quelqu’un toque à la porte et rentre rapidement. Je n’ai pas à m’inquiéter puisque seul Max est autorisé à entrer. Les autres filles ont trop peur de se faire virer et de ne plus avoir cet argent facile pour risquer de s’attirer la colère du patron. Surtout qu’il a été clair à ce propos : personne n’entre.
— J’ai ton argent pour ce soir.
Il me tend une liasse de billet et je suis étonnée de voir autant d’argent. C’est peut-être la troisième fois que je rapporte autant d’argent depuis mon arrivée. Mais bon, dans le fond, ce n’est pas très surprenant ; plus c’est interdit, plus ça attire. Les gens aiment le danger. Et les clubs de strip-tease étant interdit, ils s’y rendent limite en courant.
— J’en ai tellement besoin de cet argent…
La dernière phrase s’évanouie dans ma bouche et Max pose une main affective sur mon épaule. Il connaît ma situation, je lui ai toujours parlé à coeur ouvert même s'il pense que mon projet est stupide. Mais il ne me juge pas, et c'est l'une des raisons pour laquelle je lui fais autant confiance.
Il quitte la loge et je me hâte à me préparer ; je dois rentrer, et en vitesse.
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JustLuxily
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clara15
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Il y a 6 ans
Oliver Terwri
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clara15
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EmilyChain
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Sand Canavaggia
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clara15
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Lana.M
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Gabriele VICTOIRE
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Camille Jobert
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Il y a 6 ans