Nyh De maux en mots Chapitre 17 : Doute (1/2)

Chapitre 17 : Doute (1/2)

Rapidement, elle quitta le couloir où se trouvait la chambre de Marc. Malgré elle, les éclats de voix de cette femme l’avait atteinte. À peine la porte fermée et la clenche relevée, que les mots étaient parvenus à ses oreilles, limpides, puissants, dévastateurs. Yarah se doutait des intentions de la femme pour qu’elle parle si fort. Elle voulait la blesser. Figée derrière la porte par la stupeur, les mots lui étaient parvenus jusqu’à ce qu’elle décide de fuir.


Son cœur lourd battait à tout rompre.


C’était dur. C’était injuste.


Et pourtant, c’était vrai.


Elle prit l’ascenseur et fila dans les couloirs, la gorge nouée. Elle croisa Sandrine et lui adressa un sourire poli et timide. Puis elle pénétra dans sa chambre et s’isola. Elle fit avancer son fauteuil vers le lit et se releva sur sa jambe saine. D’un pas hésitant, elle posa son pied gauche et s’y appuya, mais elle perdit l’équilibre, son pied se tordant et chuta. Ralentie par l’accablement, elle se rattrapa au matelas avec difficultés.


Tel un élément déclencheur que son cœur semblait attendre, elle fondit en larmes. Elle avait vu des regards de pitié, de dégoût, de curiosité. Elle avait entendu les paroles dures des gens qui n’avaient pas de compassion. Avec une force d’âme dont elle était fière, elle parvenait à les ignorer.


Mais voir le dédain et la supériorité dans les yeux de cette femme… Elle était belle. Tout en finesse, en élégance, le visage harmonieux et parfaitement maquillé. Elle était tout l’inverse de Yarah.


Affalée à moitié sur le lit, à moitié au sol, la jeune femme n’avait plus la force de se relever. Tout ce qu’elle avait construit, ces fragiles fondations de sa confiance venaient de s’effondrer. Qu’était-elle ? Qu’espérait-elle ? De la reconnaissance ? De la compassion sans jugement ? Qui était-elle pour oser demander un peu de gentillesse et d’attention ?


Elle n’était plus qu’un spectre.


L’après-midi s’étira et elle restait assise à terre, ses jambes allongées devant elle, incapable de se lever. Elle refusait de s’accorder le confort de son lit alors que son esprit divaguait, son regard rivé sur ses mains. Sa droite, toujours belle, lisse, avec ses ongles parfaitement manucurés par Roxanne, couverts d’un vernis corail. Sa gauche… faibles, couturées de cicatrices disgracieuses, sans ongles à décorer. Elle fixa cette peau affreuse, cruel rappel à ce qu’elle avait perdu, les larmes ruisselant sur ses joues.


Des heures. Elle n’avait plus de larmes à verser et seules continuaient de résonner dans son esprit meurtri les paroles blessantes.


“Te taper une petite jeune.”


“Un complexe du sauveur ?”


“Elle n’aura jamais plus personne dans sa vie.”


“Elle n’aura jamais plus personne dans sa vie.”


“Elle n’aura jamais plus…”


On frappa et la porte s’ouvrit sans attendre.


— Yarah ? Qu’est-ce qui ne va pas ?


Elle leva la tête vers l’infirmière et son menton trembla. La femme se précipita à ses côtés et l’aida à la relever et l’installer dans le lit, ses bras étonnement forts pour soulever. Elle l’allongea et replaça la couverture sur la jeune femme tandis que Yarah restait muette.


— Tu as mal quelque part ? Tu es tombée ?


La jeune femme secoua la tête, la gorge encore trop serrée pour laisser passer le moindre son, le moindre mot.


— Quelque chose qui s’est mal passé ? Une dispute ? questionna Sandrine.


Elle leva la tête vers le plafond, refoulant tant bien que mal des larmes qui, finalement, ne semblaient toujours pas taries. Elle en était presque venue à considérer l’infirmière comme une confidente. D’une voix enrouée, menaçant de se briser, elle chuchota.


— Je suis un monstre…, hoqueta-t-elle.


La main de l’infirmière, chaleureuse et réconfortante, se posa sur son bras et le serra doucement.


— Tu n’es pas un monstre. Tu sais que c’est faux.


Elle s’assit sur le rebord du lit et tendit un mouchoir à Yarah.


— Tu n’as rien d’un monstre. Quiconque te dit ça se trompe, déclara-t-elle.


— C’est moi qui le dit, murmura Yarah.


Elle regarda par la fenêtre la clarté déclinante du soleil se couchant derrière la masse de nuages lourds. Dans ce microclimat où seuls régnait la grisaille, le vent et la pluie, elle ne trouvait pas le réconfort dans les beaux paysages, malgré la vue magnifique sur l’immensité bleue teintée de reflets d’acier.


— Et pourquoi penses-tu ça ? lui demanda Sandrine.


— Je suis affreuse… Les gens qui me regardent sont dégoûtés.


— Ils sont bêtes alors. Moi je vois une femme courageuse et belle. N’écoute pas les autres.


Elle serra les dents et sentit ses yeux la brûler. Quand est-ce que les larmes s’arrêtaient de couler ? Elles ne pouvaient pas être infinies !


— J’aurais jamais personne dans ma vie…


La main posée sur son bras la serra un peu plus, transmettant au travers de ce contact de silencieuses paroles de soutien.


— Je ne dirais pas ça. Tu as des gens qui tiennent à toi. Ta famille, tes amis, le patient de la dernière fois, énuméra l’infirmière.


Elle lui adressa un clin d’œil et Yarah sourit en reniflant.


— Non, non, on s’entraide seulement, répondit-elle timidement, ses doigts s’agitant sur le bord de la couverture.


— Hum. Si tu le dis… En tout cas, j’ai entendu dire qu’il s’était inquiété quand tu étais à l’hôpital.


Yarah ne sut que répondre. Chaque jour, elle avait reçu ses messages : des banalités, des mots réconfortants qui la faisaient, pour un instant, oublier les tracas de sa vie. Pouvait-elle vraiment espérer qu’elle comptait pour lui ?


— Dès ton retour, il était ici. Ça ne me semble pas être l’attitude d’une personne qui est juste un soutien, la rassura-t-elle avec un sourire.


La jeune femme se sentit un peu plus soulagée.


— Merci.


— Pas de soucis. Mais ne pense plus que tu es un monstre, c’est faux. D’accord ?


Yarah pinça les lèvres et les étira dans un sourire où se mêlaient résignation et reconnaissance. Elle se sentait toujours le cœur blessé, mais au moins, elle avait l’espoir de pouvoir surmonter ces mots.


Une fois certaine que Yarah fut plus apaisée, Sandrine la laissa seule un instant avant de lui apporter un thé et un comprimé pour sa migraine. Sous les yeux de l’infirmière, elle fut contrainte de prendre le traitement pour obtenir un peu de répit et de solitude.


Elle se saisit ensuite de son téléphone et, découvrant l’heure avancée, envoya un message. Elle n’avait plus de courage pour descendre au réfectoire. Encore moins pour faire face à Marc avec son œil bouffi et ses joues rouges. La réponse lui parvint après un petit moment. Soupirante et démoralisée, elle reposa son appareil et s’enfonça dans ses draps.


Le sommeil ne semblait pas vouloir venir à elle, son esprit le repoussant avec des pensées intrusives. Elle s’imaginait des scénarios où Marc se moquait d’elle, se détournait, la repoussait ou l’ignorait, tout simplement. Depuis quand ce qu’il pensait la touchait à ce point ?


Finalement, elle s’endormit, ses songes remplis de rires et d’accusations, en son centre, une belle femme coiffée d’un chignon sévère aux yeux durs.

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1 commentaire

Juliette Delh

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Il y a 2 mois

J'ai mal pour elle :-(
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