Nyh De maux en mots Chapitre 15 : Un pas (2/2)

Chapitre 15 : Un pas (2/2)

Un café dans chaque main, Yarah pilotait son fauteuil en utilisant seulement son index. Elle franchissait les barres de seuil avec douceur, et l’ascenseur était un obstacle qu’elle se sentait capable de passer sans en renverser la moindre goutte.


Il était tout juste treize heures, mais elle voulait surprendre Marc en lui montrant ses progrès.

Doucement, du bout du doigt, elle frappa à la porte. Lorsqu’il l’invita à entrer, elle l’ouvrit en peinant, son café toujours dans sa main. La chambre avait la même configuration que la sienne. La seule différence, et non des moindres, était que chez elle, la décoration avait donné vie à son espace. Elle y avait de la verdure en plastique, des photos parfois gênantes que Roxanne avait insisté pour accrocher et diverses décorations. Tandis qu’ici, tout était encore vide, sans artifices… triste. Elle s’avança dans la partie plus large pour le trouver assis dans son lit, bien installé sous un châle et une multitude de papiers étalés devant lui.


— Salut, j’espère que je ne te dérange pas.


— Non, c’est bon, j’étais sur des documents plutôt ennuyeux, expliqua-t-il.


— Il faut que je te montre quelque chose, déclara-t-elle.


Il la fixa en plissant les yeux d’intérêt, sa main passant dans ses cheveux pour les replacer en arrière.


Un sourire lumineux étira ses lèvres tandis qu’elle posait son propre gobelet de café sur la tablette à côté d’un dossier. Elle recula son fauteuil puis serra la rambarde avec sa main. Tandis qu’elle se levait, il tendit instinctivement la main vers elle dans un geste protecteur tout en repoussant précipitamment le plaid.


— Attention !


— T’inquiète pas ! Regarde !


Elle fit un pas en avant, le visage baissé vers le sol, son esprit concentré sur ses pieds. Puis elle se rassit maladroitement dans son fauteuil en soupirant.


— C’est… J’ai pas les mots…, souffla Marc sous le choc.


Elle lui sourit, le cœur débordant de joie. Parce qu’il était dans le même cas, elle savait qu’il comprenait ce que signifiait pour elle ce simple pas.


— C’est seulement le début, mais je suis assez fière.


— Tu peux. Tu peux l’être. C’est… félicitation.


Elle sentit ses joues s’empourprer et but une gorgée avant de s’affaisser contre le dossier. Elle était heureuse. Vraiment. Comme elle ne l’avait pas été depuis longtemps. Ils s’étaient promis d’aller mieux ; c’est ce qu’elle allait faire. L’idée qu’il soit fier d’elle la motivait encore davantage. Parce qu’elle s’imaginait qu’en allant mieux, elle pourrait mieux le soutenir.

Il remit un peu d’ordre dans les documents qu’il avait fait glisser dans sa précipitation à repousser son plaid. Elle l’observa trier les papiers. Sa main remettait sans cesse ses cheveux en arrière.


— Tu les laisses pousser ?


Il se redressa.


— De quoi ?


— Tes cheveux, précisa-t-elle.


— Pas vraiment, je…, hésita-t-il. En fait, je n’y ai pas spécialement prêté attention.


Il rit, gêné, et posa sa liasse de papiers sur la tablette. Elle ne voulait pas être trop curieuse mais le titre en haut indiquait “Liste de documents à fournir pour un divorce” à côté de l’icône notariale.


Elle posa son café à côté de la pile et tourna sa tête vers l’homme.


— Tu veux que je te les coupe ? proposa-t-elle.


— Tu sais faire ? s’étonna-t-il.


— Je sais débrouille si c’est juste une coupe basique avec des ciseaux. Je le faisais souvent pour mon père quand j’habitais encore chez mes parents.


Il sembla hésiter un instant. Avec des yeux implorants, elle le fixa jusqu’à ce qu’il s’avoue vaincu avant même d’avoir essayé de lutter.


— Je n’ai pas de ciseaux…


— Je vais demander à une infirmière ! Je reviens ! s’empressa-t-elle d’ajouter avant de s’éloigner, le moteur électrique de son fauteuil ronronnant doucement.


Elle n’eut pas à chercher longtemps. Les trois femmes parlaient et riaient dans leur salle de pause, des mugs dans leurs mains. Aucune d’elle ne lui était familière, mais cela ne la détourna pas de sa quête.


— Bonjour, je suis désolée de vous déranger, commença Yarah.


— Bonjour, vous avez besoin de quelque chose ? lui demanda la première, une jeune femme presque maigre.


— Vous auriez des ciseaux à me prêter, s’il vous plaît ? Pour couper des cheveux, ajouta-t-elle en voyant les visages perplexes.


L’infirmière assise au fond s’éloigna. Elle revint quelques instants plus tard avec l’objet de la demande. Elle avait pris soin de sélectionner une paire dont les bouts arrondis assuraient, normalement, de ne pas se blesser.


— Merci beaucoup ! À plus tard !


Yarah tourna son fauteuil et retourna vers la chambre de Marc. À mesure qu’elle s’éloignait, elle pouvait tout de même entendre le début de leur conversation.


— C’était Yarah ? La brûlée ?


— Ça doit être tellement difficile…


Elle ne put entendre la suite, trop éloignée. Elle mordit sa joue, le cœur un peu serré. Elle entra dans la chambre sans s’annoncer. La chambre était vide mais la porte menant à la salle de bain était grande ouverte. Elle y trouva l’homme assis sur un tabouret tandis qu’il retirait son pull. Elle retint un sourire en voyant qu’il avait pris soin de laisser de la place autour de lui pour que Yarah puisse manœuvrer avec son fauteuil. Ses béquilles étaient posées au sol plus loin.

Elle se prépara et baissa sa capuche, sans pour autant déplacer ses cheveux en arrière. Non. Son visage était toujours bien camouflé derrière ses mèches noires. Mais elle se sentait bien en sa présence. En confiance.


— J’espère que tu sais ce que tu fais, hein ? demanda-t-il avec une légère inquiétude.


— Pas de soucis ! Je vais seulement couper un peu la longueur.


Elle attrapa un peigne sur le bord du lavabo et s’avança vers l’homme. Avec précision et douceur, elle commença son travail. Mèche après mèche, dans un silence seulement entrecoupé du son des ciseaux, elle s’affairait consciencieusement.


Finalement, après une vingtaine de minutes de lutte, elle observa son résultat. Ce n’était pas le résultat parfait qu’elle attendait mais c’était plus que satisfaisant pour un amateur en fauteuil roulant.


— Alors ? demanda-t-il comme s’il avait peur du résultat.


— Franchement ? Je suis pas déçue de moi ! Va te regarder !


Il se leva et clopina vers ses béquilles avant de se diriger vers le miroir. En silence, elle l’observa se regarder. Il allait mieux. Ce n’était encore qu’un début, mais ses joues n’étaient plus si creuses et ses yeux bleus retrouvaient un éclat de vie.


— Hum… Je suis étonné, je m’attendais à pire !


Elle rit à sa remarque. Quelqu’un frappa à la porte avant d’entrer. Marc reprit ses béquilles et se dirigea vers la chambre. La jeune femme le vit s’immobiliser dans le chambranle.


— Bonjour.


La femme baissa les yeux vers Yarah et fronça les sourcils.


— Je vois que tu n’es pas seul, lança-t-elle sèchement.


Yarah sentit son estomac se nouer et rabattit sa capuche sur son visage. Elle n’avait eu que de maigres informations mais la reconnut immédiatement.


Sa femme.


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7 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 2 mois

Espérons que sa femme ne fasse pas une scène...

Nyh

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Il y a 2 mois

Ah ça... !

Juliette Delh

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Il y a 2 mois

Ok, ça y est tu me fais peur 😂

Nyh

-

Il y a 2 mois

C'est pour ça que je suis très content d'avoir eu le déblocage avec la roue de l'écriture. Pour qu'il n'y ait pas d'attente 🤣
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