Fyctia
Chapitre 15 : Un pas (1/2)
“Rendez-vous posé au dernier moment, Savidan veut me torturer le samedi ! Je l’aime bien mais là, je vais plutôt être insultante ! Donc pas là demain matin. Je passerais peut-être te voir si tu es dans ta chambre l’aprem. Souhaite-moi du courage !”
Une fois le message envoyé, Yarah soupira et laissa sa tête retomber sur son oreiller. La nuit était tombée, et elle évitait soigneusement de tourner la tête vers la vitre. Le fil permettant de tirer le rideau était trop loin de son lit et elle n’avait pas la moindre envie de se déplacer pour le fermer. La télévision occupait le fond sonore tandis qu’elle jouait à un jeu sur son téléphone. Elle voulait se coucher tôt ; Roxanne ayant promis de l’appeler le samedi matin tôt avant son travail. Mais le sommeil se refusait désespérément à elle.
Une fenêtre pop-up passa devant son jeu et elle ouvrit le message.
“OK. Courage. Ne l’insulte pas. Bonne nuit.”
Un sourire amusé étira ses lèvres et elle répondit immédiatement.
“Je vais essayer ! Bonne nuit”
Elle reprit son activité, continuant d’explorer un donjon sur son jeu. Ce ne fut que lorsque son mobile indiqua le changement de jour que la jeune femme se résigna à tout éteindre et fermer l’œil.
Frottant le creux de son orbite vide, elle se laissa emporter dans le domaine des rêves.
Il n’y avait pratiquement personne au dernier étage. Samedi. Logique.
Les rendez-vous du week-end étaient rares. Plus souvent pour les urgences que pour un simple contrôle. Elle somnolait sur son fauteuil ; Roxanne l’ayant appelé à six heures pile, réglée comme une pendule. Un simple appel pour s’enquérir de son état et s’excuser de ne pouvoir être présente pour les jours à venir. Promettant de se rattraper, elle laissa ainsi Yarah, qui préféra sauter le petit déjeuner au réfectoire et prolonger encore un peu sa nuit. C’était sans compter la visite de Martha ; cette fois, elle se souvenait de son prénom. Tension, rythme cardiaque, température, taux d’oxygénation, tout était inscrit dans le dossier médical et l’infirmière disparut comme elle était venue.
Ainsi, lorsque le docteur Savidan l’appela, elle était de retour aux portes d’un sommeil léger.
Elle entra dans le bureau, tel un zombi motorisé et bailla largement.
— Petite nuit ? lui demanda le kiné avec un ton un peu taquin.
— Oui, un peu, mais ça va aller, répondit-elle d’une petite voix mal réveillée.
— Aujourd’hui, on va étirer les muscles et tu vas marcher.
Yarah retira sa veste avant de marquer une pause, les paroles du kiné faisant leur chemin jusqu’à sa conscience.
— Marcher ? Comme… marcher ? Avec les deux pieds ? balbutia-t-elle.
— Oui, Yarah, répondit le médecin avec un rictus amusé. Alors si tu veux essayer aujourd’hui, tu viens ici et tu t’étires.
Ils avaient trouvé ensemble leur façon de travailler. Depuis ses progrès fulgurants, la jeune femme faisait montre d’une volonté et d’une motivation nouvelle dans ses exercices.
Elle s’étira donc comme il le lui avait demandé. Travaillant d’abord ses bras : son droit bien haut au-dessus de sa tête, tandis que le gauche peinait encore à dépasser la hauteur de son épaule. Les muscles fondus prenaient le temps de se reconstruire, mais sous la supervision du kinésithérapeute, elle avait vraiment l’impression d’avancer. Certes, elle était encore loin des exercices sur les appareils de musculation, mais elle pouvait enfin l’envisager dans les mois à venir.
Elle se redressa sur son fauteuil et tourna son buste à droite, puis à gauche et répéta une dizaine de fois le mouvement.
Lorsqu’elle eut suffisamment échauffé son corps, elle dirigea son fauteuil vers l’homme.
— Je suis prête ! dit-elle avec une excitation teintée de nervosité dans sa voix.
— Avance-toi jusqu’aux barres et tu attends, d’accord ?
Elle hocha la tête et s’approcha des barres parallèles. Solidement fixées au sol, elles servaient à supporter son poids pour faciliter la marche. Mais avec sa moitié de corps affaiblie, elle avait tout de même peur de l’échec.
Une pensée insidieuse s’entortilla dans son esprit : et si elle ratait ? Si elle tombait ? Si, en réalité, elle ne pouvait plus jamais marcher ? Elle sentit son cœur s’affoler légèrement et sa respiration s’accélérer.
Un homme qu’elle ne connaissait pas entra avec le docteur Savidan.
— Si jamais tu en as besoin, il te soutiendra, d’accord ? expliqua le kiné.
Elle sentit ses mains trembler et les cacha aussitôt dans les manches de son pull. Le kiné dut voir son hésitation et s’accroupit à côté du fauteuil de la jeune femme, sa main sur l’accoudoir.
— Si tu ne te sens pas prête, il n’y a pas de problèmes. On peut continuer le renforcement, chuchota-t-il pour elle.
— Je… Je veux essayer mais… Et si je tombe ?
— Enzo te soutiendra, d’accord ?
Elle tourna la tête vers l’infirmière et acquiesça.
— D’accord.
Avec tout le courage qu’elle put trouver en elle, elle leva ses bras et les posa sur les barres d’appui. Elle tira avec son bras droit et posa tout son poids sur la jambe droite. Dans un équilibre précaire, elle était debout. C’était quelque chose qu’elle faisait désormais tous les jours, mais aujourd’hui, elle avait l’impression que c’était différent.
Et c’était différent.
Les doigts crispés autour de la barre droite, elle posa sa main gauche sur l’autre. Les mains de l’infirmier étaient autour d’elle dans une attitude protectrice, prête à la rattraper au moindre signe de faiblesse. Elle prit une grande respiration, puisant en elle la force dont elle avait besoin.
Elle expira et posa son pied gauche juste un peu plus en avant. Ses mains tremblantes serraient les barres et son cœur s’emballait dans sa poitrine. Soudain, elle aurait souhaité une présence amie à ses côtés. Ne pas être seule. Elle n’avait pas grand monde. Timéo était loin, Roxanne travaillait et Marc… elle ne voulait pas le déranger.
De toute façon, ce combat était le sien.
Elle inspira à nouveau. C’était le moment ou jamais.
Elle appuya sur sa jambe gauche et ses bras. Puis leva le pied droit qu’elle posa plus loin dans un mouvement rapide.
Un pas.
Elle venait de faire un pas.
Elle leva le pied gauche, le posa plus loin. Et leva le droit. Un autre pas.
— C’est très bien, Yarah ! Parfait ! l’encouragea le kiné.
Elle sourit et refit un nouveau pas. Sa jambe gauche trembla un peu.
— Je… J’ai besoin de m’asseoir, soupira-t-elle.
— Oui, bien sûr.
Les deux hommes l’aidèrent à reculer et s’asseoir. La marche vers avant était à sa portée, mais reculer était encore trop difficile. Affalée et exténuée dans son fauteuil, elle était pourtant heureuse. Elle ne mesurait pas encore réellement l’ampleur de ce qu’elle venait d’accomplir, mais une étincelle de fierté s’éclaira en elle.
Dès qu’elle quitta le bureau du kiné, un sourire étira ses lèvres à l’idée de partager sa grande victoire. Elle sortit immédiatement son téléphone et consulta ses conversations. Roxanne, sa mère, Timéo… Sans hésiter, elle envoya d'abord un message à Marc.
3 commentaires
Stormy__a
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Il y a 2 mois
Juliette Delh
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Il y a 2 mois