Nyh De maux en mots Chapitre 13 : Promesse (2/2)

Chapitre 13 : Promesse (2/2)

Elle attendait en regardant des photos sur son téléphone, ignorant les gens alentour qui patientaient également. Les réseaux sociaux étaient une vraie mine d’or pour les amateurs d’artistes indépendants.


Elle cherchait vainement à occuper ses pensées. Marc et elle s’étaient fait une promesse. Ils devaient être honnêtes. Plus que l’un envers l’autre, c’était envers eux-mêmes qu’ils devaient l’être.


C’est pour cette raison que Yarah se trouvait dans cette salle d’attente. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, angoissé à l’idée d’accepter d’être aidée. Vraiment.


Elle ne voulait pas faire face à ses problèmes. Il était plus facile de paraître forte et courageuse. Cela était suffisant pour que les gens soient admiratifs et heureux mais si elle cessait de l’être… Que resterait-il ?


La porte du cabinet s’ouvrit sur un homme d’une cinquantaine d’années. Il portait une blouse blanche jetée par-dessus une chemise de coton épaisse rentrée dans un pantalon de velours à l’allure démodée.


— Madame Carding, c’est à nous.


Elle tira un peu sur sa capuche et fit rouler le fauteuil électrique qu’elle manœuvrait facilement. Elle s’arrêta à la place vide devant le bureau portant la plaque métallique sur laquelle était notée “Pr. Dukorm” et, à côté, se trouvait une petite boule à neige avec un drapeau du Canada.


— Bonjour Yarah, comment allez-vous aujourd’hui.


Elle se mordit la joue en jouant avec ses doigts. Tout son courage, toute sa résolution, étaient en train de s’effriter ; elle n’arrivait plus à garder le contrôle de ses pensées, de ses émotions. Des frissons partirent de son dos et se propagèrent sur ses bras ; elle serra les dents.


— Bonjour, je… je… en fait, je…


Il était patient, parfois un peu sec, mais il était patient.


— Je…


Elle sentit les larmes monter à ses yeux. Elle se reprocha sa faiblesse, sa peur.


— Vous n’avez pas à craindre de parler ici. Rien ne sortira de ce cabinet.


Elle sentit son menton trembler dès qu’elle relâcha la tension de sa mâchoire.


— Je… ça va pas, en fait…


— Est-ce que vous voulez m’en parler ?


— Je sais pas. Je… Si. Je suis bien obligée si je veux guérir, non ?


Elle renifla et se frotta le nez, refusant toujours de croiser le regard du professionnel face à elle.


— Vous n’êtes pas obligé de tout me raconter maintenant, Yarah. La guérison est un processus lent et chacun le fait à son rythme. À nous de découvrir le vôtre, expliqua-t-il posément. Vous voulez me parler de quelque chose en particulier ?


Elle ferma les yeux, ne sachant que répondre. Il y avait tant de pensées qui s’entremêlaient, tant de sujets qu’elle voulait aborder et tant d’angoisses qu’elle voulait déballer… Devait-elle parler de son besoin de faire bonne figure ? De sa solitude ? De son dégoût profond d’elle-même ?


Elle voulait une petite victoire. Juste une. Une qu’elle choisissait vraiment d’avoir. Une dont elle serait fière.


— J’ai fait une promesse. Et.. Je veux la tenir.


— D’accord, on peut travailler sur ça, aujourd’hui, si vous voulez.


— Je… je pense que j’ai déjà réussi, dit-elle en souriant tristement, son visage se redressant vers le psychiatre. J’ai promis de dire que je n’allais pas bien.


— Et c’est un grand pas, Yarah. Vraiment. L’accepter, c’est se mettre sur le chemin de la guérison. De votre guérison.


Voir cet homme à qui elle avait menti le mois dernier lui déchirait le cœur. Il était là pour l’aider et elle n’avait eu de cesse de repousser ses conseils. Mais aujourd’hui, elle devait être honnête.


Pour elle.



Le reste du rendez-vous se concentra sur sa rééducation. Elle n’avait pas encore trouvé le courage de parler de ses peurs plus profondes et le psychiatre ne l’y avait pas poussé, attendant qu’elle fasse le premier pas. Elle savait parfaitement qu’il contrôlait leur entretien mais l’illusion d’être celle qui dirigeait leur échange était rassurante.


En sortant du cabinet, elle regarda l’heure. Sans perdre de temps, elle se dirigea vers le dernier étage où se trouvait le docteur Savidan pour sa séance de rééducation. Elle soupira, plus désireuse de s’enfermer dans sa chambre pour se reposer de son entretien éreintant que de solliciter à nouveau ses muscles.


Elle sortit de l’ascenseur, salua les différents personnels qu’elle croisait et entra dans la salle d’attente où se trouvaient trois autres patients.


— Bonjour, leur dit-elle avec un sourire timide.


Deux lui répondirent, mais le troisième détourna le regard, visiblement gêné. Yarah se camoufla davantage sous sa capuche. Elle sortit son téléphone et écrivit un message.


“Sortie du psy, je l’ai fait ! Maintenant, je passe à la torture, Savidan va certainement me faire soulever des objets et me masser. Si seulement c’étaient des massages de thalasso, ce serait super agréable, mais non, il a des paluches rugueuses, c’est du papier ponce ! Bref, j’abuse encore dans mes messages, désolée ! Pavé César ! o7”


Un patient quitta la salle. Elle le regarda s’éloigner du coin de l'œil. Quelque temps plus tard, un deuxième puis enfin le dernier tandis qu’elle continuait de se perdre sur des images d’artistes en tout genre.


— Yarah, c’est à nous, fit l’homme en entrant dans la salle d’attente.


Elle poussa la petite manette et avança, suivant le kiné dans son bureau.


— Bonjour, docteur.


Par habitude, elle s’avança dans l’arrière pièce et se plaça dans au centre de la pièce. Il avait installé tout un tas d’objets et elle sourit en devinant juste. Depuis le début de leurs séances, c’était constamment les mêmes exercices.


Elle le vit désinfecter ses mains avec le gel hydroalcoolique, frottant énergiquement ses paumes et ses doigts.


— Alors, alors, ça fait un moment qu’on ne s’est pas vu, lui dit-il en s’installant sur un tabouret à roulettes.


Il glissa vers elle et prit la jambe de la jeune femme encore comprimée sous des bandages. Ses mains palpèrent la peau au travers des pansements.


— Pas de douleurs ?


— Non, rien, répondit-elle.


— J’ai entendu dire que tu avais eu des soucis à l'hôpital. Ça va mieux ? s’enquit-il en continuant les palpations.


— Oui, c’est mieux. Mais j’ai toujours un traitement.


— D’accord. On va continuer les exercices sur le reste du corps et seulement faire des étirements et massages sur la jambe alors, expliqua-t-il.


Il se tourna vers une desserte et attrapa une petite balle en mousse. Cette balle. Le premier vrai échec de Yarah.


La jeune femme sentit ses mains moites trembler légèrement. Depuis ce jour, le docteur Savidan s’était focalisé sur des étirements et mouvements simples. Mais cet exercice… Non.


Elle tourna sa main gauche affaiblie et leva la paume vers le ciel. Il déposa la balle.


— Serre-la doucement.


Elle déglutit, s’accordant un temps pour rassembler son courage. Elle bougea ses doigts, la pulpe touchant la balle. Légère et souple, il ne devait pas être complexe de la serrer. Elle appuya de toutes ses forces, la balle se déforma un peu puis elle relâcha enfin la pression.


Ce n’était pas grand-chose, mais elle avait réussi.


Elle pleura.


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10 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 2 mois

Bravo à Yarah, il lui reste du chemin à parcourir mais elle a fait déçà de très grands pas !

Mad May

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Il y a 3 mois

Un vrai chapitre d'accomplissement pour Yarah! Même si ses difficultés fendent le coeur, sa promesse à Marc la pousse et c'est une joie de la voir triompher.

Nyh

-

Il y a 3 mois

Il lui faut bien des petites (ou grandes!) victoires pour tenir dans tout son malheur :3

Alyssa Well

-

Il y a 3 mois

<3
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