Fyctia
Chapitre 11 : Greffe (2/2)
Elle se réveilla, une dernière fois, l’espérait-elle, dans la salle de réveil. Les dalles blanches du plafond semblaient grises sous la lumière tamisée. Le bip régulier des machines surveillant ses fonctions vitales n’étaient plus aussi angoissant, et son esprit flou naviguait dans les eaux calmes du réveil.
Elle tourna la tête et observa, en silence, le ballet de l’infirmier passant d’un brancard à l’autre, notant le suivi des constantes dans les dossiers.
Yarah ne chercha pas à regarder sa jambe, son corps encore trop faible pour réussir à soulever cette épaisse couverture, gardant contre elle la chaleur dans cette pièce froide.
— Madame Carding, comment vous sentez-vous ?
Elle tourna lentement la tête en clignant des yeux. Elle n’avait pas remarqué le soignant qui s’était approché, et elle déglutit avant de parler d’une voix basse et enrouée.
— J’ai soif.
— Je vous apporte un verre d’eau.
Il s’éloigna et elle ferma les yeux. Elle aurait voulu se relever mais son corps ne répondait pas encore à ses désirs ; le monde semblait tourner au ralenti autour d’elle. L’homme revint et lui tendit un gobelet. Portant le verre à ses lèvres, elle but avec difficultés. Un peu d’eau coula sur son menton qu'elle essuya maladroitement.
— Ça va mieux ? lui demanda-t-il plus machinalement que par réel intérêt.
— Oui, merci, marmonna-t-elle en réponse.
Il s’éloigna et elle attendit simplement qu’on l’emmène hors d’ici. Durant le temps d’attente, on vint la voir deux autres fois, relevant les informations sur l’écran : son rythme cardiaque, sa tension, sa saturation en oxygène. Chaque donnée notée avec précision sur son dossier et, lorsque toutes les vérifications furent faites et validées, elle quitta la salle de réveil. Encore un peu abattue par l’anesthésie générale et gênée par sa gorge douloureuse, elle ne parlait presque plus, ne répondant que par monosyllabes ou hochements de tête.
Elle arriva dans sa chambre et ferma un instant les yeux. Elle était de retour dans une pièce blanche, vide, impersonnelle, froide. Elle se jura intérieurement de ne plus jamais avoir de murs blancs chez elle.
Elle salua d’un signe de tête l’homme qui l’avait poussé dans sa chambre, le remerciant silencieusement, puis chercha ses affaires du regard, ne les trouvant pas au premier coup d'œil.
Une infirmière entra dans la salle d’un pas rapide, ses chaussures en plastique crissant sur le sol.
— Bonjour, madame Carding, vous allez bien ?
La femme s’approcha, décrocha la perfusion et la remplaça par une autre poche de liquide, ajoutant les antidouleurs via une autre voie.
— Ça va. Où sont mes affaires ?
La jeune femme se racla un peu la gorge et toussa, sa gorge irritée.
— On les a mises dans l’armoire, vous les voulez ?
— Oui, s’il vous plaît.
L’infirmière fit coulisser la porte et déposa à côté de Yarah le sac contenant ses effets personnels, la laissant ainsi récupérer son téléphone portable.
— Je le repose ?
— Oui. Merci beaucoup.
— N’hésitez pas à nous appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit. On va vous apporter un plateau repas bientôt, expliqua l’infirmière avec un visage affable.
— Merci.
La femme quitta la pièce. Yarah ralluma son téléphone et, dès qu’il fut déverrouillé, vibra à de nombreuses reprises, saturé de notifications. Elle lut les messages de ses parents et leur répondit pour les rassurer. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire amusé en découvrant la dizaine de messages que lui avait envoyée Roxanne ; réaction excessive mais bienvenue.
Elle marqua une pause en voyant que, parmi la quantité de notifications, se trouvait aussi un texto de Marc.
“Je suppose que tu liras ce message à ton réveil à je ne sais pas quelle heure. Je sais déjà que tout s’est bien passé. Prends soin de toi.”
Son sourire s’élargit et elle laissa son pouce courir sur l’écran tactile pour y taper sa réponse.
“Tout va bien ! Je viens d’arriver dans ma chambre. J’en ai déjà marre du blanc ! XD”
Elle eut à peine le temps de poser son téléphone qu’il vibra à nouveau.
“On est d’accord. Le blanc, c’est chiant.”
Elle rit et toussa, sa gorge douloureuse en raison de l’intubation.
Comme annoncée, on lui apporta un plateau repas et elle grimaça en en découvrant le contenu. Certes, elle n’aurait probablement jamais fini une assiette entière mais elle aurait espéré quelque chose de plus… consistant que des yaourts nature et des compotes.
— Dès demain matin, vous aurez à nouveau du solide, lui précisa l’infirmière en remarquant la moue boudeuse de la jeune femme.
Yarah lui sourit poliment et, une fois seule, elle souleva son bras gauche en s’aidant du droit, le posant sur la tablette. Avec une intense concentration sur le mouvement de ses muscles, elle réussit à tenir le pot dans sa main faible. Une certaine fierté l’envahit de pouvoir à nouveau serrer un objet. Face à ce laitage, elle ouvrit l’opercule en soupirant. Sérieusement, qui mangeait des yaourts nature sans sucre ? Elle attrapa son téléphone et envoya un message à Marc.
“Deux yaourts natures et deux compotes… Sans sucre ! Ils ont décidé de me torturer jusqu’au bout !”
Elle ouvrit un sachet de sucre, déchirant le coin avec ses dents et le versa avant de mélanger et avaler le contenu du produit laitier mou et sans saveur. Son portable vibra et elle regarda l’écran.
“Ça va, ils auraient pu t’apporter une soupe de brocolis avec ça !”
Elle pouffa et tapa son message en réponse.
“Quelle horreur ! Ceux qui avale ça n’ont vraiment aucun goût…”
“Je note.”
Un sourire sincère qui faisait briller ses yeux illumina son visage tandis qu’elle imaginait le visage faussement vexé de Marc derrière son écran.
“Oups ? Promis, je ne dirais plus rien sur les mangeurs qui n’ont pas de goût”
Sa main passa de sa cuillère à son portable durant l’entièreté de son repas. Elle perdit le fil du temps, perdu dans leur échange banal et fut ramenée à la réalité par l’infirmière entrant dans sa chambre.
La femme vérifia les constantes : tout allait bien, son rythme cardiaque un peu rapide mais Yarah le justifia par un échange de textos revigorants. Le reste était au vert et, lorsque la nuit tomba, une autre infirmière lui rendit visite. Avec des gestes experts, elle vérifia la greffe, resserrant un peu les pansements compressifs puis quitta la jeune femme.
La solitude devenait pesante et son rendez-vous à la bibliothèque lui manquait déjà. Fort heureusement, leur échange de textos un peu plus tôt l’avait aidé à passer le temps et, finalement, le sommeil l’emporta.
Il était trois heures du matin lorsque le chirurgien fut appelé en urgence. La fièvre l’avait gagnée et Yarah avait réussi à appuyer sur le bouton d’appel juste avant de perdre connaissance. Peu de temps après, son corps fut secoué par les convulsions. Les équipes médicales étaient sur elle, s’attelant à stabiliser son état.
Elle resta ainsi, terrassée par la fièvre et les malaises, son corps affaibli luttant contre l’infection qui semblait avoir envahi chaque partie de son organisme.
9 commentaires
Juliette Delh
-
Il y a 2 mois
Mad May
-
Il y a 3 mois
Nyh
-
Il y a 3 mois
Zatiak
-
Il y a 3 mois
IvyC
-
Il y a 3 mois
Renée Vignal
-
Il y a 3 mois
TammyCN
-
Il y a 3 mois