Fyctia
Chapitre 12: Soulagement (1/2)
Assis dans la bibliothèque, seul, il surveillait son téléphone, à l'affût de la moindre vibration. Il lisait le même paragraphe pour la quatrième fois. Ou cinquième fois ? Son esprit distrait par l’inquiétude l’empêchait de se concentrer sur les lignes devant lui. Trois jours qu’il n’avait plus eu de nouvelles et son inquiétude allait grandissante. Il relisait le dernier message reçu, un simple “Bonne nuit” avant un silence total.
Il soupira et rangea son portable dans sa poche, résigné. Roulant en silence dans les allées, il retourna déposer l’ouvrage dans le rayon. Il n’avait pas l’esprit à lire.
La veille, lors de sa séance avec le kiné, il n’avait toujours pas réussi à faire le moindre pas. Un nouvel échec évident. Le spécialiste avait décidé de reprendre les bases, retournant à des exercices de renforcement plus simples afin de solliciter la cuisse meurtrie. Mais là encore, il n’avait pu se concentrer et, sous les directives du kiné, il avait été convenu de repousser la prochaine séance.
Il roula vers le hall d’accueil et s’arrêta devant le distributeur. Distraitement, il commanda un cappuccino et attendit que le café finisse de couler, le regard dans le vague. Son portable vibra et il se contorsionna, le sortant de sa poche avec empressement.
Il fronça les sourcils. Toujours pas de nouvelles de Yarah. Il rangea l’appareil sans même lire le message.
— Depuis quand tu fais exprès de ne pas lire mes messages ?
— Marie…
Il tint fermement son gobelet et tira sur la main-courante, pivotant pour faire face à sa femme. Elle l’observait, les bras croisés et les lèvres pincées, l’agacement évident dans une attitude qu’il comprenait très bien. Si les rôles avaient été inversés, lui non plus, n’aurait pas apprécié.
— Marc, je pense qu’on a vraiment un problème, lâcha-t-elle d’une voix tranchée et ferme.
— Oui, fit-il. Je crois aussi.
Elle se plaça derrière lui et, sans que ni l’un ni l’autre ne parle, poussa le fauteuil. Comme s’il ne pouvait pas se mouvoir seul. Comme s’il avait besoin de son aide. Elle le ramena dans sa chambre et il soupira de la fatigue de toujours subir son état.
Cette chambre blanche, froide, vide… Il n’en pouvait plus. Depuis près d’une semaine, il passait le plus clair de son temps en séances de travail ou dans la bibliothèque. Cet endroit ne lui servait plus qu’à dormir et recevoir les soins des infirmiers.
— Le kiné m’a dit qu’il n’y avait toujours pas d’évolution.
Il ne dit rien, avançant simplement son fauteuil jusqu’au lit et déposa sur la tablette son gobelet encore plein.
— Marc, je ne sais pas quoi faire pour que tu te bouges. Tu dois faire des efforts.
Elle s’avança et posa ses mains sur la rambarde aux pieds du lit, s’y appuyant lourdement.
— Ça fait bientôt un mois que tu es là. Tu te rends compte ? La plupart des patients commencent déjà à marcher et toi… toi tu restes te morfondre comme ça… admonesta-t-elle.
Il fixait la tablette et le café qui refroidissait, fixant son attention sur un point pour contenir le mélange d'émotions qui montaient en lui. Mais son cœur palpitait et sa retenue apparente s’effritait à chaque mot qu’elle prononçait.
— Marie.
— Quoi ?
Elle répondit sèchement, sur la défensive. Il soupira et ferma les yeux, cherchant les bons mots pour aborder le sujet tout en essayant de calmer son agacement grandissant.
— Tu te souviens comment on était quand on était jeune ?
— Oui, et alors ? répliqua-t-elle vivement.
— On était insouciants, stupides… Quoi qu’il arrivait, on y faisait toujours face ensemble.
Elle se redressa et croisa les bras. Il lui tournait toujours le dos, incapable de la voir froncer les sourcils alors qu’elle comprenait peu à peu où il voulait en venir. Elle le laissa parler, ne l’interrompant pas une fois.
— On rêvait de s’expatrier, de vivre une belle vie, de découvrir le monde… Et sans s’en rendre compte, on a commencé à prendre des chemins différents. Toi, tu voulais un travail stable pour nous assurer une vie confortable. Moi, je voulais toujours voyager et partir.
Il soupira à nouveau et fit pivoter son fauteuil pour voir sa femme. Elle le toisait avec une expression dure qui serrait son cœur. Il savait que c'était le bon choix. Mais cela ne l’empêchait pas de ressentir cette sensation de trahison, comme s’il plantait un poignard dans le corps de sa femme.
— Et puis, on a eu cette crise. Quand tu m’as dit ne pas vouloir d’enfants alors que dans mon futur, on avait au moins un ou deux gamins dans nos pattes.
Elle serra les dents, son regard un peu froid.
— Tu vas me le reprocher, maintenant ? Je croyais que ça t’était passé.
— J’ai accepté pour te faire plaisir, Marie. J’ai renoncé à mes rêves pour toi mais… Je ne veux plus faire semblant. En réalité… ça fait déjà des années qu’on ne s’aime plus.
Il sentit sa gorge se nouer, son cœur battre violemment sa poitrine et ses oreilles bourdonner sous la tension ambiante.
— Dis-le clairement, Marc, ordonna-t-elle sèchement.
— Je voudrais qu’on se sépare.
Le silence, pesant, les laissait tous les deux réfléchir à cette déclaration. Les murs semblaient se resserrer autour de lui et il n’entendait plus que le son de son sang pulser dans ses oreilles.
— Dis quelque chose, s’il te plaît, demanda-t-il à voix basse, faible et implorante.
— Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Tu n’es plus le même depuis l’attentat. Tu te laisses mourir, tu m’ignores. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour toi et là, tu veux qu’on divorce ? Tu as le culot de demander le divorce ?
Elle s'approcha de lui et le fixa de toute sa hauteur. Il put voir ses yeux brillants de larmes contenues, la douleur dans le regard, le tremblement de colère dans ses épaules.
— Très bien. Très bien, si c’est ce que tu veux.
Sa voix aussi tremblait, chargée de toute la tristesse qu’elle avait gardé en elle. Il voulait la réconforter, lui dire que tout ira bien pour elle, mais cela aurait été la garder prisonnière de leur relation qui n’avait, désormais, plus d’avenir.
— Je suis désolé, Marie. J’aurais voulu que ça se finisse mieux que ça…
— Moi aussi, Marc. Moi aussi.
Il baissa les yeux et vit la main de sa femme serrée dans un poing ferme et il serra les dents, refusant de montrer sa faiblesse. Il devait lui montrer qu’il pouvait se débrouiller seul. Bien qu’il s’en savait parfaitement incapable.
— Je… Je vais y aller, finit-elle par dire, trouvant la force de briser ce silence tendu qui pesait sur eux, comme pour masquer leurs émotions refoulées.
Elle ramassa son sac au sol et s’éloigna.
— Marie ? appela-t-il.
— Oui ?
Elle lui tournait toujours le dos et il se doutait, à l'intonation grave de sa voix, qu’elle masquait des larmes malvenues.
— Prends soin de toi.
— Toi aussi.
Elle ferma la porte après elle. Et, dans le couloir, le bruit de ses pas rapides, presque fuyant, s’éloignait en résonnant.
Il fixa le gobelet de café et son cœur, bien que libéré d’un poids, lui paraissait plus lourd que jamais.
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Juliette Delh
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Il y a 2 mois
DIANA BOHRHAUER
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Il y a 3 mois
Mad May
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Renée Vignal
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Sofia77
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IvyC
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TammyCN
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Il y a 3 mois