Nyh De maux en mots Chapitre 11 : Greffe (1/2)

Chapitre 11 : Greffe (1/2)

Elle regardait une téléréalité sur le thème de la mode. Les conseils étaient intéressants mais les candidats, souvent ridicules. À côté de l’écran, les aiguilles de l’horloge tournaient en silence, affichant une heure bien trop tardive pour qu’il soit raisonnable de veiller encore longtemps.


Mais l’angoisse la tenait éveillée. Demain matin, elle repartirait à l’hôpital pour une semaine. Une nouvelle semaine à affronter les douleurs de la greffe. Malgré les opioïdes, il y avait le tiraillements des chair, les bleus, les fils… Tout cela entraînaient des souffrances à la fois physiques et psychologiques. Voir son corps meurtri se faire charcuter dans l’espoir de retrouver une apparence presque normale était un supplice pour elle.


Elle, qui n’avait toujours pas trouvé le courage de voir son visage. Chaque jour, elle prenait soin d’y appliquer les crèmes réparatrices, hydratantes et possédant milles vertus qu’elle aurait préférées magiques. Mais elle n’avait pas encore passé ce cap. Elle avait bien trop peur de faire face à ce que lui renverrait le miroir.


Elle finit par éteindre la télévision et tendit le bras pour attraper son téléphone. En ouvrant ses messages, elle sourit en relisant le dernier qu’elle avait reçu plus tôt.


“Bon courage pour demain. Ne stresse pas, tout va bien se passer.”


Relisant encore et encore le message, elle sourit en repensant à ces derniers jours. Jamais elle n’aurait pensé rencontrer un ami, ou ce qui s’en rapprochait le plus, ici. Encore moins un homme bien plus âgé qu’elle ! Elle s’était vu condamnée à ne faire que survivre entre ses séances de travail, ses rendez-vous et ses soins.


Il était gentil, bienveillant, doux, mélancolique et son calme la rassurait, l’aidait à se remettre de ses blessures, à lui redonner confiance en elle.


Depuis leur premier repas ensemble, une sorte de rituel s’était installée. Chaque soir, avant le dîner, ils se retrouvaient dans la bibliothèque. Lui lisait, elle écrivait. Il l’inspirait sans qu’elle ne sache ce qui avait bien pu lui redonner cet élan de motivation. Son nouveau projet semblait s’écrire avec une facilité déconcertante. Sa main valide volait sur les touches tandis qu’elle se perdait dans le flot de son récit et lui, silencieux, la soutenait par sa présence.


Ensuite ils partageaient leur repas au réfectoire, discutant de tout et de rien. Il ne parlait pas beaucoup, mais chacun de ses mots étaient chargés de nostalgie et de tristesse.


Ce soir-là, avant qu’elle ne retourne dans sa chambre pour préparer son départ, ils avaient échangé leur numéro. Ils étaient restés plus longtemps ensemble, s’attardant dans le hall, près d’une fenêtre qui offrait une vue sur la lueur des lampadaires illuminant les rues en direction du port.


Elle avait avancé son fauteuil électrique, l’objet de sa liberté retrouvée, jusqu’à la baie vitrée et observait la pluie marteler le sol dans la lumière, la tête tournée, évitant soigneusement son image sur le carreau.


— Soucieuse, hein ? demanda Marc qui voyait parfaitement l’angoisse qui la tenait.


— Ouais. J’ai pas envie mais… si je veux pouvoir retrouver une vie normale, il faut bien que j’y passe, hein ?


Elle tourna vers lui son visage et lui offrit un sourire forcé.


Il n’y avait plus grand monde dans le hall ; quelques patients étaient installés ici, un gobelet de café à la main, d’autres profitaient simplement de la vue sur les rues plongées dans la pénombre, comme eux. Marc s’avança vers elle en roulant lentement et arrêta son fauteuil à côté du sien.


— Tu n’as pas besoin d’avoir peur. Ça ne changera rien au résultat. Fais-leur confiance.


— Plus facile à dire qu’à faire… ronchonna-t-elle.


Elle tira un peu plus sur sa capuche sur son visage, comme si elle cherchait à masquer sa propre peur sous elle, à garder enfermé son manque de confiance dans l’ombre de ce morceau de tissu.


— Je sais. Mais tu es forte, Yarah. Je sais que tu vas t’en sortir comme une cheffe.


Il se tourna et regarda, lui aussi, la pluie tomber, ses traits fatigués, usés, ses yeux, un abîme de questionnement silencieux. Elle voyait ses iris bleus soulignés de cernes noirs, ses cheveux grisonnants qu’il tentait de coiffer en arrière tombaient mollement sur son front tandis que ses épaules basses semblaient s’affaisser sous le poids de sa douleur intérieure. Si elle avait eu la liberté de ses mouvements, elle l’aurait pris dans ses bras pour le soutenir. Mais elle était prisonnière de ce fauteuil roulant, le côté gauche presque paralysé, et il n’était qu’à peine une connaissance.


— Toi aussi tu vas t’en sortir, lui dit-elle tout bas sur le ton de la confidence.


Il lui adressa un demi-sourire en la regardant, le regard amusé.


— Plus facile à dire qu’à faire.


Ils rirent doucement, s’entraidant et se remontant le moral l’un l’autre. C’est sur cette note apaisée qu’ils se séparèrent et retournèrent chacun dans leur chambre.



Le lendemain matin, Yarah était exténuée quand l’infirmière vint l’aider à se préparer pour son départ. La femme lui remplit un sac de vêtements et l’accompagna vers l’entrée.


Une fois dans le hall, la jeune femme regarda autour d’elle et se mordit l’intérieur de la joue. Intérieurement, elle aurait souhaité pouvoir revoir Marc. Qu’il lui donne encore quelques paroles clichés mais réconfortantes. Mais elle savait qu’il avait un rendez-vous tôt ce matin. Elle prit son téléphone et se décida à envoyer un message.


“C’est parti. Faut bien y aller. J’espère que tout se passe bien pour toi. On se revoit mercredi prochain !”


Elle garda son téléphone dans sa main, espérant qu’il lui réponde.


Au moment d’arriver à l’hôpital, elle sentit son cœur battre plus rapidement et sa respiration s’accélérer. Elle se répéta des mots d’encouragement, des mantras de réconfort. Son téléphone vibra et elle déverrouilla l’appareil. Un sourire s’étira sur son visage. Marc.


“Tu vas le faire, t’es une battante ! Et pense à leur dire que tu n’aimes pas les brocolis.”


Tandis que la personne qui l’accompagnait complétait les documents, elle rit en lisant le message, ses pensées libérées de l’angoisse qui les enserrait. Le souvenir de ce repas, obligé de trier les brocolis du reste des légumes, était mémorable. Marc était presque hilare de la voir retirer le moindre petit morceau.


D’une main habile, elle tapa une réponse.


“C’est promis ! Au pire, ça occupera mon temps ici !”


Son lit bougea à nouveau, un aide-soignant venant la chercher pour la conduire dans une autre salle d’attente. À peine arrivée, elle allait déjà partir pour sa préparation pré-opératoire. Elle éteignit ainsi son portable, le rangea dans son sac, et donna ses affaires à une autre personne qui y accrocha une étiquette.


— Tout sera dans votre chambre à votre retour.


Un bracelet fut accroché sur son poignet, indiquant son nom, son numéro de patient, un code barre et le nom de l'hôpital. Elle ferma les yeux, cherchant à se calmer. C’était la dernière intervention. Tout irait bien.


N’est-ce pas ?


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13 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 3 mois

Tout va bien se passer Yarah ! Courage !

Mad May

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Il y a 3 mois

Belle année 2025 ! Un plaisir de retrouver Marc et Yarah. Leur relation qui se tisse doucement fait chaud au coeur. Mon passage préféré ? Les brocolis ! ça insuffle de la légèreté dans une situation écrasante. Et ça montre comment ils s'aident l'un et l'autre, par l'humour et la dérision

Nyh

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Il y a 3 mois

Merci ! Bonne année à toi aussi ! Meilleurs vœux !

Renée Vignal

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Il y a 4 mois

Bon réveillon 🎈✨️🎉

IvyC

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Il y a 4 mois

Je continue mon soutien 🥰 N'hésite pas à passer sur la mienne 😍

TammyCN

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Il y a 4 mois

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