Nyh De maux en mots Chapitre 7 : Un début (2/2)

Chapitre 7 : Un début (2/2)

Le kiné était assis dans son siège, de l’autre côté d’un bureau de bois massif, un peu vieillot mais dont le style correspondait à merveille avec la décoration autour. Des cadres présentaient des photos de famille et d’enfants, très probablement les siens. Il se pencha sur son ordinateur, la tête relevée, ses lunettes posées sur le bout du nez et déchiffrait les informations affichées à l’écran. Marmonnant de façon incompréhensible et concentré sur son ordinateur, il permettait ainsi à Yarah de prendre le temps d’observer son bureau depuis le lit où elle se trouvait.


En se raclant la gorge, il attira l’attention de la jeune femme et, tout en s'adossant dans son fauteuil, il croisa les jambes et entrelaça ses doigts sur son genou sans la quitter des yeux.


— On se voit pour la première fois, donc. Je suis le docteur Savidan, je vais être votre médecin pour nos séances à venir. Aujourd’hui, on va simplement faire quelques étirements et exercices très simples. Si vous avez la moindre question, il est important que vous les posiez.


Elle écouta le discours du spécialiste et hocha la tête.


— Est-ce que ça va être long ?


— Tout dépend de la capacité de vos muscles à retrouver leur force et votre peau, son élasticité. Je ne vais pas vous le cacher, commença-t-il en tapotant ses pouces l’un à l’autre, au vu de l’ampleur de vos lésions, il faudra compter à minima deux mois pour retrouver des mouvements fluides et autant, voire trois, pour retrouver une vie qu’on pourrait… je dirais… qualifier de normale.


Yarah entrouvrit la bouche sous le choc. Quatre ou cinq mois enfermée dans ce bâtiment. Ces dernières semaines à l’hôpital étaient déjà une torture, mais ce n’était que quatre petites et ridicules semaines face à des mois. Qu’étaient ces quatre semaines face à seize ou vingt ?


Le médecin dut voir son dépit et ajouta.


— Je sais que ça peut paraître dur et compliqué à appréhender. Mais vous devez savoir que nous avons une structure très bien dotée pour vous permettre de retrouver votre vie.


Elle hocha la tête et sourit poliment de son nouveau sourire tordu. Elle ne le voyait pas mais le ressentait. Ces muscles réfractaires à sa volonté tressautaient seulement quand elle se concentrait et restaient désespérément immobiles autrement.


L’homme se leva en prenant appuie sur les accoudoirs rembourrés de son siège et s’approcha d’une petite desserte. Machinalement, tout en respectant le protocole d’hygiène en vigueur, il se passa sur les mains un peu de gel hydroalcoolique avant d’enfiler une paire de gants bleus élastiques. Il s'approcha d’elle et déplaça la couverture depuis le haut de son corps pour la rabattre délicatement sur ses jambes.


— Dans votre dossier, j’ai vu que vous alliez avoir une dernière greffe dans vingt jours, donc on va seulement travailler le haut du corps, expliqua-t-il, et nous allons simplement éviter que vos muscles inférieurs ne s'atrophient.


Il prit ensuite le bras lésé et le bougea avec douceur, demandant à Yarah de lui signaler le moindre pic de douleur, tension ou détail qu’elle ressentait. Dix minutes durant, il fit bouger chaque articulation, chaque membre touché avec une expertise évidente. Lorsqu’il eut terminé les échauffements et vérifications élémentaires, le médecin lui demanda de faire quelques exercices. Simples en théorie, ils se révélèrent plus difficiles et éprouvants que prévu.


Elle réussit, malgré d’intenses tremblements, à tourner, seule, sa main, afin de présenter au spécialiste sa paume tournée vers le ciel. Il put ainsi y déposer la petite balle en mousse. Les sourcils froncés sous l’effort et ses dents serrées sous la concentration, elle bougea ses doigts, pour, au final, ne pas réussir à la serrer, ni même la frôler. Son bras retomba sur le lit et la balle chuta au sol et roula vers le mur.


Face à la frustration de ne pas réussir des exercices aussi simplistes, Yarah finit par fondre en larmes et le médecin lui tendit une boîte de mouchoirs en s’asseyant sur le tabouret roulant à côté du lit.


— C’est normal de ne pas réussir dès la première séance, la rassura-t-il.


— Je n’arrive même pas à tenir une balle… désespéra-t-elle en reniflant.


— C’est parce que vos muscles ne sont plus habitués à ce mouvement. C’est pour ça que nous allons nous voir régulièrement. Je vous assure que vous réussirez bientôt à tenir cette balle, dit-il avec détermination en ramassant le petit objet. Et même, à me la lancer.


Elle baissa la tête de dépit, au moins, elle pouvait bouger son cou.


— Ça me semble impossible…


— Madame Carding. Tant que vous gardez le moral, rien ne sera impossible.


Elle releva la tête et ne put que se sentir pleine d’espoir face au visage encourageant et confiant du kiné. Elle acquiesça lentement avec un demi-sourire, autant pour se convaincre elle-même que l’homme qui l’observait par-dessus les verres de ses lunettes.


Le reste de la séance, le spécialiste se concentra sur des étirements de la jambe touchée ainsi que des stimulations des membres sains. Il indiqua avec encouragement les signes positifs de l’état de santé de la jeune femme. Ces petites nouvelles lui redonnèrent un peu de courage.


Il retourna finalement à son bureau et remonta ses lunettes qui glissèrent l’instant d’après sur le bout de son nez, et tapa, avec lenteur, sur le logiciel de gestion des patients les différentes indications : déroulé de la séance, précautions ainsi qu’ordonnances.


— Madame Carding, nous nous revoyons demain après-midi. D’ici-là, veillez à bien vous reposer, indiqua-t-il d’une voix posée et grave.


— Merci.


Une infirmière inconnue, encore une, arriva dès lors que la séance fut terminée et tira le lit en arrière. La jeune femme fit un signe au médecin en quittant le bureau de consultation et lorsqu’elle passa devant la salle d’attente, il n’y avait plus traces de Marc.


La soignante n’était pas bien bavarde et allait à l’essentiel, lui indiquant simplement qu’elle la raccompagnait dans sa chambre avant qu’une de ses collègues ne vienne lui faire les soins et les massages permettant de prévenir l’adhérence des tissus cicatriciels. Yarah n’eut pas plus d’informations et se retrouva à nouveau dans sa chambre désespérément vide et impersonnelle. Peut-être pourrait-elle demander à Roxanne de lui apporter quelques objets de décoration lors de sa prochaine visite ?


Elle avait besoin de distractions. Elle avait besoin de penser à autre chose que cette chambre qui l’emprisonnait déjà. Elle avait besoin d’un nouveau départ.

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6 commentaires

labibliothequedeflavie

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Il y a 3 mois

Suite à la lectures de ces quinze premières parties, je peux dire que j'aime bien ton histoire. C'est bien écrit et fluide. On arrive très bien à se projeter et comprendre l'univers médical (tu as fait un bon travail de recherche). Les personnages et les émotions sont bien écrits. Évidemment j'ai mes petits préférés. On a vraiment envie de voir comment va se passer la rééducation pour nos deux héros surtout qu'ils n'ont pas la même mentalité, et de voir aussi comment ils font se recroiser et tomber amoureux l'un de l'autre.

Nyh

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Il y a 3 mois

Merci beaucoup pour tes retours ! Ça me fait plaisir que mes personnages arrivent à toucher les gens ! En tout bien tout honneur ! ha ha
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