Fyctia
Chapitre 7 : Un début (1/2)
Sept heure. Tôt. Beaucoup trop tôt pour elle. Yarah grimaça lorsque la lumière, bien que douce, agressa ses yeux encore embrumés de sommeil.
— Bonjour Yarah ! fit l’infirmière en ouvrant la porte, sa voix douce et bienveillante.
Elle s’avança dans la chambre et déposa sur la tablette un plateau chargé d’un petit déjeuner basique : un petit pain, un yaourt, un café et un verre de jus d'orange industriel que, désormais, Yarah savait amer. C’était son deuxième jour au centre et, la veille, avec le médecin coordinateur, ils avaient établi le planning complet de sa rééducation, jour par jour, heure par heure et la jeune femme s’était sentit, sur le coup, dépassée par la charge.
— Je repasserais plus tard, bon appétit !
— Merci, vous aussi.
C’est en voyant le petit rictus amusé de l’infirmière que la jeune femme réalisa qu’elle n’était pas encore totalement réveillée et son rire apporta un peu plus de gaieté à l’échange. Elle tâtonna et trouva la télécommande qui lui permit de remonter le dossier de son lit, lui donnant la possibilité de s’asseoir sans avoir à forcer sur ses muscles fondus.
Elle alluma la télévision sur une chaîne et s'arrêta sur un reportage traitant de l’importance du repiquage au jardin. Ce sujet ne l'intéressait pas le moins du monde mais c’était toujours plus agréable que subir les nouvelles sombres des chaînes d’informations ou regarder un épisode de Peppa Pig. Le son ambiant la distrayait des douleurs quasi permanentes, mais supportables, qu’elle endurait depuis déjà un mois. Avec l’aide du kinésithérapeute de l'hôpital et, au prix de nombreux efforts, elle avait réussi à endurer, mais surtout, à s’habituer à la sensation de la peau qui se tire et de ses membres douloureux en cours de cicatrisation.
Manger restait toujours une épreuve. La mastication venait tirer sur sa peau fragile et certains muscles ne répondaient qu’avec beaucoup d’efforts. Même boire lui demandait toujours concentration et précision.
Un peu plus tard, l’infirmière rousse revint la voir, accompagnée d’une autre femme, un peu plus rustre certes, mais tout aussi efficace. Prenant soin de ne pas brusquer le corps sensible de Yarah, elles l’emmenèrent sur le siège incliné de la douche et l’aidèrent à se laver. Yarah, désormais habituée au professionnalisme des infirmières et divers médecins, n’éprouvait plus la moindre gêne ou pudeur en présence de ces femmes, représentante du corps médical. Avec des gestes techniques et des mains fermes mais douces, les deux infirmières l’installèrent sur un lit plus étroit avant de l’emmener au service de kinésithérapie. Lorsqu’elle franchit le seuil de sa chambre, Yarah avait déjà replacé sa capuche tandis qu’on la poussait en direction de son rendez-vous.
Un rendez–vous à huit heure… C’était, décidément, beaucoup trop tôt.
Yarah traversa des couloirs larges et spacieux, dont le sol en linoléum arborait un motif de parquet brun, donnant à l’environnement une ambiance chaleureuse et agréable, loin du l’austérité du blanc froid de l’hôpital. Au vu de l’heure matinale, peu de patients se promenaient dans les couloirs et l’infirmière qui l’accompagnait, pouvait aisément progresser jusqu’à l'ascenseur qui les emmena au dernier étage.
La femme rousse d’une trentaine d’années, au vu des traits de son visage, l’emmena dans une salle d’attente spacieuse et lumineuse bien qu’actuellement éclairée par les spots incrustés dans le plafond. Une large fenêtre ornait un pan de mur et offrait, lorsque le soleil se levait, une vue imprenable sur la ville intra muros.
— Je te laisse patienter ici, tu veux un magazine ? lui demanda-t-elle poliment.
— Je vais attendre, c’est gentil.
— D’accord, si tu as besoin de quelque chose, tu appelles, il y a toujours quelqu’un pas loin.
Yarah lui sourit et patienta en écoutant les bruits des conversations lointaines, le passage des différents personnels, le bruit des portes, le grincement des roues sur le sol.
Une femme vêtue d’une blouse blanche à manches courtes entra en poussant un homme assis dans un fauteuil et Yarah le reconnu immédiatement.
— Si vous avez besoin de quelque chose, vous nous appelez, d’accord ? lui dit l’infirmière.
Il ne répondit que par un hochement de la tête. Yarah le regardait fixement, ne pouvant détacher son regard de lui. Son visage semblait marqué par la fatigue et la douleur. Elle imaginait que ces rides creusées et les cernes noirs étaient une conséquence de l'hospitalisation. Avec profonde empathie, elle ressentait même une douleur à sa propre jambe face à l’absence qu’elle voyait sous ses yeux. Il se tourna légèrement et la regarda.
— Bonjour, dit-il d’une voix basse et enrouée.
Yarah rougit de s’être fait attraper à le dévisager et bégaya timidement.
— Bon… Bonjour.
Elle baissa les yeux et fixa sa main indemne posée sur son ventre. Elle n’ajouta rien, lui non plus, et le silence s’éternisa, chaque secondes infiniment longues.
— Et euh… ça va ? demanda-t-elle en brisant cette pesanteur gênante.
Il tourna la tête vers elle et haussa un sourcil interrogateur et elle sentit ses joues s’échauffer rapidement.
— Pardon, c’était bête. Enfin, bête… non. C’est logique que ça ne va pas, enfin… pardon, je dis n’importe quoi…
La jeune femme se sentait terriblement honteuse et ne savait plus où se cacher. Il devait la trouver ridicule, que son manque de tact était un signe de…
Elle entendit un petit gloussement qui interrompit le fil de ses pensées. D’une voix un peu faible et grave, il la regardait tandis que ses lèvres fines s’étiraient légèrement dans un sourire amusé.
— Et vous ?
— Moi ? Euh… et bien…
Ses pensées tournaient à plein régime et elle le fixa, affichant un demi-sourire en réponse à leur échange burlesque. Ils étaient tous deux brisés. Sans même plus penser à son œil absent, elle se débattit quelque peu avec la couverture et leva péniblement sa main blessée. La peau greffée, pâle et bosselée, était entourée de cicatrices rougeâtres inégales, preuve d’une guérison fragile et complexe.
L’homme fronça les sourcils en observant le résultat et la jeune femme relâcha sa main qui s’affaissa mollement sur la couverture.
— Ce doit être très douloureux, s’enquit-t-il.
— Les médicaments aident, expliqua-t-elle en désignant la perfusion qu’elle avait toujours avec elle depuis déjà un mois. Et pour vous ? Comment ça se passe ?
Il haussa les épaules et regarda le plaid affaissé sur l’absence de sa jambe.
— On pourrait dire que ça va.
— Madame Carding ? fit une petite femme rondelette pleine d’enthousiasme en s’approchant de son lit.
— Oui, c’est moi, dit-elle avec une énergie renouvelée par l’échange avec l’inconnu.
Elle entendit à nouveau le gloussement discret de l’homme.
— Enfin, c’est logique… ajouta-t-elle avec un rire léger.
L’infirmière retira les freins du lit et la tira en arrière pour l’emmener dans une nouvelle salle.
— Attendez ! Votre nom ? demanda-t-elle à l’inconnu aux cheveux grisonnants.
— Marc. Et vous ?
— Yarah, enchantée.
— Moi de même.
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Juliette Delh
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labibliothequedeflavie
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Ella R Hart
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Mad May
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clairedust
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Sharleen V.
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Il y a 4 mois