Fyctia

Roxanne l’accompagna jusqu’à sa chambre en compagnie d’une infirmière et du brancardier. Les couloirs étaient similaires à ceux de l’hôpital d’où elle venait mais il y avait quelque chose d’un peu plus chaleureux, de plus accueillant ; les rambardes de bois et la peinture impeccable devaient probablement en être la raison.

Elle découvrit une chambre spacieuse et lumineuse qui lui mit du baume au cœur et elle sourit largement en découvrant la vue imprenable sur la mer. Au fond, centré contre le mur blanc et vert, se trouvait un lit assez large pour qu’elle s’y sente parfaitement confortable et deux fauteuils étaient installés dans un angle de la pièce, profonds et souples.

Les deux personnels médicaux la firent passer du brancard au lit avec aisance, quelque peu honteuse de se sentir être un poids pour les gens. Une fois installée, l’homme reparti avec le brancard et l’infirmière s’absenta, laissant les deux jeunes femmes seules. Dès qu’elle eut fermé la porte, Yarah retira sa capuche et soupira d’aise.

— Et bien, ça c’est de la vue quand même ! s’exclama Roxanne en regardant par la fenêtre.

— Oui, j’avais vu le bâtiment sur internet mais j’ai de la chance d’avoir une chambre de ce côté ! répondit difficilement Yarah avec un peu d'enthousiasme.

— Tu vas être bien là. Ils ont l’air cool en plus.

— On verra. Au moins j’ai quitté l’hôpital… Là c’est à peu près… pareil mais ça fait plus… Je sais pas… Thalasso de soins ?

Roxanne rit avec elle et regarda l’heure.

— Bon. C’est pas que je t’aime pas mais j’ai de la route pour rentrer et il est déjà tard.

Son amie s’approcha d’elle et la prit dans ses bras pour une étreinte légère mais chaleureuse, prenant soin de ne pas appuyer sur son côté gauche.

— Tu m’appelles si tu as besoin de quelque chose, d’accord ?

— Ça marche, rentre bien, lui répondit Yarah.

— Ouais, ne t’en fais pas pour moi. Repose-toi bien.

Roxanne quitta la pièce et à peine eut-elle eu le temps de lutter contre l’ouverture de son sac pour en sortir son téléphone que l’infirmière revint avec un petit chariot de soin chargé de produits et d’ustensiles jetables variés.

Elle se passa une dose de gel hydroalcoolique sur ses mains qu’elle frotta énergiquement et commença à retirer les sparadraps sur le bras de Yarah. Avec des gestes précis et habitués, elle changea la poche de la perfusion et injecta un analgésique avant d'ouvrir le robinet, laissant le goutte à goutte régulier se faire.

La jeune femme ne sentait pas encore la douleur revenir mais cela ne saurait tarder et elle ne voudrait pas revivre les sensations de la première semaine. Depuis ces crises, elle acceptait toujours volontiers les médicaments même si elle n’en ressentait pas encore le besoin.

— Voilà. On viendra changer votre poche dans la soirée et le médecin devrait passer vous voir demain matin, indiqua-t-elle avec une voix douce et accueillante.

Yarah hocha la tête en signe d’assentiment et tenta un sourire ; ses lèvres abîmées et gercées refusaient de réagir comme elle le souhaitait.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, le bouton est ici. Surtout, vous n’hésitez pas à nous appeler, lui dit-elle avec une motivation presque contagieuse.

— Merci.

La femme partie et Yarah se retrouva seule dans sa chambre silencieuse et finalement trop grande. Elle se laissa engloutir par l’oreiller en repensant à sa journée. En comparaison à sa vie d’autrefois, elle n’avait rien accompli et pourtant, elle se sentait exténuée.

Elle regarda par la fenêtre et frotta son œil vide. Elle voulait parfois tout abandonner mais elle avait des amis, une famille. Et elle repensa à cet homme qui avait perdu sa jambe. Elle regarda les siennes, toutes deux présentes et sentit une profonde empathie pour lui. Si lui pouvait trouver la force de continuer, alors elle aussi, elle le pouvait. Et contre toute attente, cet inconnu lui redonna un peu de courage et de paix intérieure.

Elle se laissa ainsi porter par le sommeil, encore habillée, dans sa nouvelle chambre, sa nouvelle résidence pour les mois à venir, alors que le soleil déclinait à l’horizon. La lueur orange se reflétait dans la vitre et inondait la pièce de sa chaleur douce et réconfortante.

Demain allait être un nouveau jour, une nouvelle étape dans sa vie, dans sa reconstruction. Ce centre était une nouvelle étape dans sa guérison.