Nyh De maux en mots Chapitre 3 : Âme brisée (1/2)

Chapitre 3 : Âme brisée (1/2)

Un mois. C’était la durée minimale que les médecins avaient annoncée à Yarah lorsqu’ils étaient venus dans sa chambre lui faire un compte-rendu de leurs diverses interventions qu’elle avait subies.


Elle fixait le mur, absente et repliée dans ses pensées, seule. Le médecin lui parlait mais elle ne voulait pas l’entendre. La moitié de son corps était brûlé, son visage serait, elle le savait, défiguré à jamais. Et, ajouté à tout ce drame qu’elle ne voulait pas, elle y avait aussi laissé un œil.


Yarah n’était pas vraiment le genre de fille narcissique qui mettait le physique devant tout le reste mais elle mentirait en disant ne pas se trouver belle. Elle était une jeune femme au visage tout en finesse, à la peau métisse, naturellement lisse qu’un son sourire éclatant finissait d’enjoliver avec ses petites focettes.


— Dès que nous serons certains qu’il n’y a pas eu d’infections, nous pourrons commencer à envisager des greffes de peaux, expliqua-t-il en essayant d’être optimiste. Malheureusement, en raison de la surface touchée, nous allons être contraint de passer par un donneur, ce qui rallongera le temps des interventions.


Le mur blanc derrière le médecin était d’une blancheur éclatante et agressait son œil valide. Toutes les images semblaient être masquées par un voile sur sa gauche, atténuant un peu la luminosité ambiante ; c’était un maigre réconfort.


— N’hésitez pas, d’accord ?


Elle secoua légèrement la tête, du moins, autant qu’elle le pouvait, le corps et la tête comprimés dans des bandages et ferma les yeux devant le monde vacillant devant elle.


— Hein ? Quoi ? Répondit-elle confuse en articulant difficilement.


— Je disais: c’est un choc mais vous serez accompagné. Vous pouvez poser toutes vos questions aux infirmières, ou nous, n’hésitez surtout pas.


Elle hocha la tête et grimaça en sentant la peau de son cou tirer et la brûler un peu malgré les analgésiques et bandages.


Le chirurgien s’éloigna avec sa cohorte d’internes et d’infirmiers en marmonnant à voix basse de telle sorte qu’elle ne puisse les comprendre, laissant la jeune femme seule avec ses pensées dans une chambre vide et désormais silencieuse.


La vue de la fenêtre n’était pas engageante : un immeuble aux fenêtres sales et aux murs rendus gris et rouille par le temps. Elle soupira et voulut pleurer afin d’expulser la boule qui se formait dans son cœur et sa gorge mais rien ne vint.


Ses mouvements étaient rendus raides et limités par la compression, ainsi, elle ne pouvait qu’attendre et observer les alentours. Elle pensa à sa famille qui vivait loin d’elle, dans le sud de la France, et se remémora ses vieux souvenirs d’enfance dans la maison familiale de ce petit patelin. Jamais ses parents ne lui avaient tant manqué qu’en ce jour.


Ses pensées dérivèrent ensuite vers ses amis ; ils n’étaient pas légion mais ils étaient comme les frères et sœurs qu’elle n’avait jamais eu…


Elle tourna la tête autant que ses pansements le lui permettaient et se désola de voir que le soleil ne semblait pas avoir bougé d’un iota. Allait-elle devoir attendre ainsi des jours et des jours sans rien pouvoir faire, sans distractions, sans activités ? Et son roman sur lequel elle s’acharnait depuis des semaines ? Comment le continuerait-elle, ainsi immobilisée ainsi pour une durée inconnue ?


L’angoisse la tenait et elle respira plus rapidement. Comment tiendrait-elle le coup ? Elle ne voulait pas craquer mais les faits étaient là : elle était seule dans cette chambre, gravement brûlée, un œil en moins et le seul mouvement qu’elle pouvait faire était une simple rotation de la tête.


Une infirmière entra après avoir frappé à la porte et se plaça à sa droite.


— Bonjour, tu permets que je t’appelles Yarah ? demanda-t-elle avec douceur et amabilité.


— Oui.


— Super, comment te sens-tu ?


— Ça va, répondit la jeune femme d’une petite voix fatiguée.


Pendant qu’elle lui parlait, l’infirmière ajusta le brassard sur le bras couvert de bleus pour prendre sa tension et posa le pavillon du stéthoscope sur la peau fine de l’intérieur du coude, en veillant à ne pas tirer sur le tuyau de la perfusion.


Elle sourit et nota sur une feuille de suivi les constantes qu’elle venait de prendre.


— Parfait, tout est au vert pour l’instant. Je vais passer un antibiotique pour prévenir d’une éventuelle infection. Si tu commences à ressentir des douleurs, tu appuies bien sur ce bouton, expliqua-t-elle en montrant la petite manette accrochée non loin de la main droite de Yarah.


La jeune femme hocha la tête et ferma les yeux en sentant le tiraillement permanent des chairs à vif.


— Est-ce qu’il est possible d’appeler ma famille ? demanda Yarah en sentant la peau de son visage et de sa lèvre lutter contre le mouvement.


— Oui, bien sûr ! Tu as un téléphone ici, tu veux que je compose le numéro ?


— S’il vous plaît.


L’infirmière tira la table de chevet au plus proche du lit afin que Yarah puisse y avoir accès quand elle le souhaitait, si elle le pouvait, et composa le numéro.


— Dès que tu as terminé, appuie pour nous appeler, on viendra raccrocher, d’accord ?


Elle quitta la pièce en silence avec un sourire affable et Yarah se sentit d’un coup plus soulagée. Finalement, elle ne serait pas vraiment seule ici.


Elle entendit la tonalité du téléphone et attendit patiemment. Elle savait que sa mère pouvait être agacée du démarchage téléphonique régulier, aussi, elle laissait toujours sonner cinq fois avant de décrocher.


— Allo oui ?


Elle sourit en entendant la voix aux accents chantants.


— Maman ?


— Yarah ! Mais ! Tu m’appelles d’où comme ça ?


— Il s’est passé quelque chose…


— C’est que tu as une petite voix, qu’est-ce qui s’est passé ?


Elle renifla et fondit en larmes, partagé entre le soulagement et la douleur terrible du sel sur sa peau.


— Il y a eu un accident…

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14 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 2 mois

Bichette :-( cette fin de scène avec l'appel avec sa mère est si triste... En quelques phrases, on sent enfin toute sa tristesse 😭

Mad May

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Il y a 4 mois

Oh non, le décalage entre sa détresse et la réaction de sa mère qui n'est au courant de rien... ça fend le coeur. Sinon tu es du monde médical ? Tout est décrit avec précision, ça sonne très vrai !

Nyh

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Il y a 4 mois

Pas du tout, par contre, je m'inspire de mes propres expériences et des reportages que je regarde pour essayer d'être au plus proche de ce qui se passe :) Mais si l'effet est là, c'est que c'est réussit, merci ! ^^

clairedust

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Il y a 4 mois

J’aime toujours autant. C’est tragique comme histoire. Je sens que la relation entre Yarah et Marc sera touchante ! J’ai d’autres questions 😅. Y a t-il une cellule psychologique ? Ou la visite d’un psy ? J’ai du mal à comprendre combien de temps ce sont écoulés depuis l’attentat… Et les médias ? Y a-t-il une télé dans la chambre ?

Nyh

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Il y a 4 mois

Justement, je me suis fait la remarque qu'à la réécriture, j'ajouterais les dates en début de chapitre parce que le récit se déroule sur plusieurs mois, donc effectivement, on peut être vite perdu !
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