Fyctia
Chapitre 1 : Un visage (1/2)
Elle avait si mal. Une douleur atroce. Et en même temps, elle avait cette sensation, presque agréable, d’être détachée de son corps, comme si elle ressentait ce qui lui arrivait depuis l’extérieur.
Ses oreilles ne captaient qu’un bourdonnement, un mélange de graves et d’aigus et les paroles qu’elle était sûre de percevoir n’étaient qu’un amas de syllabes sans sens. Son corps était si chaud, et si froid aussi. C’était une sensation étrange que de ne pas savoir ce qu’on ressentait. Elle toussa. Ou plutôt, elle ne sut vraiment si elle réussit à tousser. Toujours est-il qu’elle respirait et le savoir était encourageant.
Elle attendait que quelque chose se passe, qu’on vienne l’aider. Elle avait pourtant essayé d’appeler les secours, mais son corps refusait de bouger, trop engourdis par la douleur et l’absence de douleur. Sa voix n’était qu'un murmure qu’elle n’entendait pas elle-même et un doute la prit : avait-elle réellement parlé et ne s’était-elle pas entendue ou sa voix l’avait quitté en même temps que sa conscience ? Elle était perdue et voulait pleurer. Mais même les larmes ne semblaient pas vouloir venir. Ou n’avait-elle plus de larmes d’avoir pleuré si longtemps ? Avait-elle seulement pleuré ?
Elle était venue dans ce centre commercial à contrecœur afin de trouver un cadeau de Noël pour ses parents. L’idée de leur acheter une décoration murale dans la nouvelle boutique éphémère lui semblait être une bonne idée, mais, pour l’heure, elle se maudit de son choix. Si elle avait choisi son magasin habituel, elle ne serait pas bloquée sous les gravats. Elle ne savait même pas si elle était toujours vivante !
Elle hoqueta et ouvrit les yeux avec difficulté, décollant péniblement ses paupières brûlantes. Tout était plongé dans la pénombre et elle supposa que la poussière qui recouvrait son corps et son visage l’empêchait de voir quoi que ce soit. À chaque respiration, elle devait lutter pour ne pas inspirer trop de particules flottantes dans l’air.
Étonnamment, elle gardait son calme. En y réfléchissant bien, ce devait être le choc qui la maintenait à flot, du moins, l’espérait-elle car cela signifiait qu’elle était bien consciente. Sa dernière formation aux premiers secours remontait à quelques années, à l’époque du lycée, et elle gardait quelques traces d’informations qui lui revenaient.
Le bourdonnement de ses oreilles se transforma en sifflements aigus que des notes plus graves venaient perturber, oscillant dans leur intensité, rendant ce fond sonore désagréable et entêtant. Elle était persuadée que le monde autour d’elle tournerait terriblement si ses yeux pouvaient percevoir le paysage qui l’entourait, qu’elle devinait être en ruine. Elle n’arrivait pas à se souvenir du monde qui l’entourait avant l’explosion tant ses pensées étaient confuses. Elle se rappelait d’une personne qui l’avait bousculée en s’excusant poliment, d’une petite fille qui criait sa faim, d’un groupe de jeunes adolescents moqueurs… Étaient-ils tous en lieu sûr désormais ou, comme elle, se trouvait sous les décombres ?
Elle sentit son estomac se libérer d’un poids et, d’un coup, elle put respirer une grande bouffée d’air frais qui lui donna la nausée. La douleur sourde qui veillait sur son corps, attendant patiemment le moment opportun, avait décidé qu’il s’agissait du signal pour l’agresser et revendiquer sa toute puissance en envahissant ses nerfs. Elle voulait hurler mais, qu’importe l’énergie qu’elle y mettait, son corps refusait de bouger. Ses lèvres étaient soudées, ses yeux aveugles et immobiles, son nez bouché, son corps… Son corps ne semblait même plus exister tant la douleur et l’absence de douleur se mélangeaient.
Cette fois, elle n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour savoir que le monde tournait. Il bougeait sous elle sans qu’elle ne sache dans quelle position elle se trouvait.
La seule et unique information dont elle était sûre, c’était sa douleur. Jamais elle n’avait ressentie pareille souffrance. Elle se souvenait pourtant ce jour où elle s’était cogné son petit orteil dans ce meuble d’entrée si fort qu’elle avait vu les étoiles danser et défiler devant ses yeux. Aujourd’hui, elle comprenait que ce n’était pas ça, la souffrance.
Des éclats de voix lui parvenaient mais elle n’arrivait pas à répondre, ne comprenant pas un mot de ce brouillard verbal. Étrangement, au fond d’elle, elle ne savait même pas si elle voulait répondre ; elle était bien trop fatiguée.
— … mains.
Elle avait compris un unique mot dans le vacarme de sifflements et son esprit souriait, soulagé, à défaut de son visage. Elle ne savait pas pourquoi cette personne parlait de mains et elle cherchait difficilement dans ses souvenirs un lien, mais les idées ne semblaient pas vouloir s’accorder ni faire de sens. Elle ouvrit les yeux et s’étonna ; elle ne pensait pas les avoir fermés plus tôt. Toujours plongée dans cette pénombre angoissante, elle sentit un soulagement certain en découvrant cette légère lueur bleue clignotante. Malgré ce faible réconfort, le bruit strident qui encombrait son esprit l’empêchait de penser et de réagir.
Le monde bougeait encore, tremblotant contre elle, et, lorsque la chose qui la soutenait heurta un obstacle et la secoua brusquement, elle hoqueta sans bouger, sans bruit, sans rien, enfermée dans son esprit.
Elle voulait continuer d’entendre, ou du moins, essayer d’entendre les événements autour d’elle. Ses pensées devenaient floues et approximatives et plus elle se concentrait, moins il lui semblait avoir de cohérence et, finalement, malgré sa lutte acharnée, elle sombra dans le sommeil, son corps abandonnant la lutte contre la douleur qui finissait progressivement son invasion impitoyable dans son système nerveux.
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Juliette Delh
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Il y a 3 mois
labibliothequedeflavie
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Il y a 3 mois
Ella R Hart
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mima77
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Mad May
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Nyh
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Emmy Jolly
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