Nina Sanchez De l'Autre Côté Du Miroir Chapitre 11.

Chapitre 11.

Les yeux rivés vers le ciel sans étoiles, j'essayai d'imaginer celles qui comblaient le vide que me procurait la disparition de mes parents. J'y voyais deux corps célestes entourés de scintillements de pétales dorés, qu'on avait parsemé un peu partout pour rendre ces lumières davantage éblouissantes. Je voulais frôler ces cristaux des doigts, les serrer dans mes mains et les accrocher à une chaîne aussi fine qu'un cheveu pour en faire un collier, que je suspendrais autour de mon cou. Alors, les âmes de mes parents se colleraient à la mienne et nous ne formerions plus qu'une, sûre d'elle et indestructible.


Ils veilleraient sur moi sans cesse, me protégeraient des dangers de la vie et me montreraient humblement le chemin que je devrais emprunter. Un chemin qui ne serait courbé ni d'épines, ni de gouffres, ni de cendres et de sang. Seulement un petit sentier de sable et de coquillages, avec une odeur réconfortante d'un océan argentin. Je m'y promènerais en fredonnant des mélodies délectables, tandis que la brise légère ferait voleter mes cheveux épais et entrainerait les coutures de ma tunique dans une danse endiablée.


Hélas, cet avenir n'était qu'un simple mirage qui ne reflétait en rien la réalité. Parce que le chemin sur lequel se posaient fébrilement mes ballerines grisâtres se comblait de dagues enfiellées et d'air chargé de perditions. Puis, pour couronner le tout, je n'étais qu'une simple fillette empêtrée dans une toile d'araignées, dont cette dernière n'appartenait qu'à une seule personne, aussi séduisante qu'implacable.


Eros tenait son épée avec une assurance désarmante, et, contrairement à moi, ne s'arrêtait pas toutes les deux minutes pour observer le paysage, en quête d'un potentiel mauvais présage. À ses côtés, j'avais l'impression d'être immergée dans une mer de paranoïa. Mais, je ne pouvais m'en excuser ; je voyais le mal partout où j'allais, parce que je n'avais confiance en personne.


Les gens étaient sans pitié. Ils se servaient de notre sensibilité pour nous amadouer et récupérer les liens qui ne reliaient à notre aura de prudence, pour ensuite les déchirer et nous forcer à les suivre vers les portes des Enfers. Au début, nous accordions une confiance aveugle envers eux, puis finissions par nous diriger nous-mêmes vers la gueule du loup. Et, une fois que l'animal refermait ce piège sans insolubilités, s'en était terminé pour nous.


Soudain, des rafales brûlantes déversèrent leur bestialité sur nos silhouettes, et je fus éjectée contre le sol, un cri s'esquivant alors de ma gorge. Le chevalier inhumain devant moi resta difficilement debout, et, parmi son expression habituellement neutre se matérialisa un brin d'inquiétude, voire...d'impuissance. Je me redressai en grimaçant et le rejoignis, hésitante.


- Tout... Tout va bien ? le quémandai-je en fronçant les sourcils.


Pour la première fois depuis des lustres, Eros n'esquissa aucun sourire malsain, aucun rictus moqueur. Il conservait son air tourmenté en ignorant la tempête qui se préparait aux alentours. J'attendis sa réponse durant une éternité, impatiente d'être mise au courant sur la situation dans laquelle nous étions plongés involontairement. Enfin, j'y étais plongée involontairement. C'était lui, l'unique fautif dans cette histoire.


- Qu'est-ce qu'il se passe ? m'horripilai-je en croisant les bras, les paupières quasiment fermées à cause de la violence avec laquelle s'abattait le vent.


Le jeune homme me prit la main, et une décharge électrique sautilla le long de mon bras. Je grommelai aussitôt un juron. Pourquoi réagissais-je de cette manière chaque fois que nous entrions en contact ? Parce qu'il est exécrable, Asael. Exécrable.


- Cette tempête n'est pas, disons...bon signe, susurra Eros en serrant la mâchoire.


Le ton inhabituel qu'il employa me donna la chair de poule. Je ne comprenais pas pourquoi il se montrait si effrayé. Je le croyais impassible, supérieur au monde entier et immortel. Je l'imaginais se jeter des fleurs fanées à lui-même, enfiler des chaussures plus grandes à cause de ses chevilles trop gonflées. Nous avions tous une hantise, mais lui... Lui, il n'en avait aucune. Ses rêves n'étaient qu'un néant consolant et placide, parmi lesquels il contrôlait tout, assit sur un trône sombre gravé dans des volutes de fumée.


Disons que j'avais tort sur toute la ligne.


- Ces rafales nous préviennent d'un danger insurmontable, poursuivit Eros en se passant une main tremblante dans ses cheveux de jais. Un danger causé par nos propres pensées, nos propres cauchemars, nos propres...traumatismes.


Je plantai des yeux effarés dans les siens. Cherchait-il à me faire peur, pour ensuite s'esclaffer sous mon expression éberluée ? Je ne pouvais déterminer s'il était sincère ou s'il mentait. Inconsciemment, je resserrai ma main sur la sienne, cherchant un réconfort suffisant pour étouffer mes craintes. Puis je me rappelai qu'Eros n'était qu'un agrégat de glace et d'orage, et me dégageait de sa poigne.


Tout-à-coup, une brume épaisse se pressa contre mon corps frêle et je me surpris en train de chercher de l'air frais. La dernière chose que je vis fut le visage du jeune homme s'approchant du mien et me murmurant que "tu peux t'en sortir seule. Tu le dois".


✿︎


Des voix. Je percevais des voix à la fois graves, à la fois aiguës. J'appelai Eros, mais il n'était pas là. Je posai un pied devant moi, un deuxième, puis un troisième, à la recherche d'une issue parmi le brouillard tyrannique qui m'agrippait les membres pour me mener n'importe où, à sa guise. J'étendis les bras devant moi, et effleurai quelque chose de solide.


La brume disparut dans un glapissement frissonnant, et ma mâchoire manqua de se décocher lorsque je me rendis compte que je connaissais parfaitement l'endroit dans lequel je me trouvais.


La maison de mes parents.






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5 commentaires

Oswine

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Il y a 9 mois

Dans ce chapitre, il y a beaucoup de détails et de description, comme les autres, hors, je pense qu'ici, au début par exemple, tu en fais trop ! Le descriptifs c'est bien, mais en mettre trop, ça alourdie parfois les textes ! Cela dit, je trouve intéressant de voir une autre façon de Éros, son côté inquiet ça le rend plus humain ! C'est sympa à lire car depuis le début, il résout tout les problèmes sans aucune difficulté tel un super héros, alors, le voir dans une certaine inquiétude, c'est très bien à mon sens ! J'aime beaucoup la fin de ce chapitre car, de ce que j'ai pu comprendre, cette brume, tempête ou je ne sais quoi, va se servir de leurs peurs et leurs craintes pour les anéantir ! Alors, la maison de ses parents ne sonne peut être pas si positif que ça ! J'ai hâte de lire le prochain chapitre et voir si j'ai raison !

Sarah Pegurie

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Il y a 10 mois

Hop en attendant de continuer ma lecture je te laisse une pluie de likes ☺️ n’hésites pas à passer sur mon profil si ça te dit

Nina Sanchez

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Il y a 10 mois

Merci beaucoup 💞

Jessica Goudy

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Il y a 10 mois

Soutien 🥰✒️

Nina Sanchez

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Il y a 10 mois

💗💕
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