lea.morel De la neige pour Noël 1.1 - Alma

1.1 - Alma

Alma

Février 2025 - France


Le regard posé à travers la fenêtre, mes pensées sont lointaines.


C’est aujourd’hui qu’il a décidé de neiger. Le 05 février, alors que j’attendais impatiemment que toute la ville soit saupoudrée de blanc pour Noël. Comme depuis toutes ces années. Malheureusement, je crois qu’on aura plus cette chance en France. C’est triste. Ça doit être tellement beau et joyeux qu’il neige pour Noël. J’en rêve depuis que je crois encore au Père-Noël. Mais surtout depuis que maman est partie. La neige me fait beaucoup penser à elle. J’aime penser à elle. Je regarde les flocons tombés et finir leur descente sur sol, déjà remplie d’une épaisse couche de blanc. À chaque flocon, un souvenir avec maman me revient en tête. Le souvenir de notre dernier Noël me vient en tête.


La magie de cette période disparaît peu à peu, année après année… Plus on grandit, moins on en a envie. Heureusement qu’il y a encore les enfants pour nous donner cette joie. Pour nous prouver que la magie peut encore exister.


— C’est beau, Noël. C’est féerique. Profites-en au lieu de faire la tronche.


Je me remémore les paroles de mon petit-frère de six ans. Une intelligence hors norme qui m’épatera toujours. J’ai même l’impression que des fois, il l'est plus que moi. C’est tout de même grâce à lui que j’ai fêté Noël cette année. Sans neige. Sans magie. Sans plus aucun espoir. C’était sûrement mon dernier Noël. Et je n’ai pas eu de neige.


Ma vie va bientôt s'arrêter, malheureusement et je ne peux rien contre ça. Contre mon corps qui faiblit de jour en jour. Maman ne m’avait pas dit que son cancer était héréditaire. Peut-être voulait-elle me protéger. Les médecins m’ont dit que ma maladie s'était déclarée tôt, à cause du traumatisme de la mort de maman. Peut-être aussi à cause de l’abandon de mon père. Ou de l’enfer qu’a vécu Lucas. À cause de tout ça, mon cancer s’est déclaré. C’est tôt, oui. Je n’ai pas envie de me battre. Ma seule envie, c’est Lucas. Et je ne veux pas le revoir vivre ce qu’il a vécu avec maman. Pour l’instant, je vais encore bien, les cachets fond effet. Il ne voit pas que je ne vais pas bien, dès que je déraille, je me cache. Je sais qu’il est très intelligent, donc je fais de mon mieux pour l'être plus que lui. Il me reste un an, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins.


— Alma ! reprends-toi, me dispute mon chef, qui fait claquer ses doigts sales devant mon nez.


J’ai envie de l’envoyer chier. Il se prend pour qui à me claquer des doigts ? Un chien ? Ah, non. Une femme bien sûr. Ce patron misogyne de première, je le supporte depuis bientôt un an maintenant. Il fallait bien que je trouve un bon job pour avoir la garde de Lucas.


— Alala, les femmes… vous êtes toutes les mêmes, jamais contente.


Je me rappelle les réflexions à la con qu’il enchaîne chaque jour. Je plains sa pauvre femme, de qui il se plaint tous les jours, sans exception. Les hommes sont tous des cons mal élevés qui se pensent tellement supérieurs à nous les femmes. J’aimerais que ça change, mais nous sommes en 2025 et rien ne change. Rien n’évolue dans ce monde.


Je regarde le petit barbu à lunettes devant moi, avec son ventre arrondi par la bière que sa femme lui achète sûrement, sans aucune réaction, puis replonge les yeux dans mon ordinateur.


— Ne me dis pas que tu es enceinte, quand même ?


Il rigole, comme si ce qu’il avait dit l’était. Il fait toujours passer ses réflexions pour des blagues auxquelles tout le monde rigole. Sauf Agathe et moi. Les deux seules femmes de cette entreprise remplie de sexiste misogyne.


Fait semblant de travailler, au moins, me dispute ma conscience.


Je pianote quelques touches sur mon ordinateur, sans grande conviction. Ce travail à la con me fait chier, mais pour m’occuper de mon petit frère, je n’ai pas d’autre choix que de travailler. Ça paye tout de même très bien et ça convient à mes besoins, même un peu plus.


— Alma, tu devrais lui dire ce qu’il t’arrive, il comprendrait, me sort de mes pensées ma collègue et amie, Agathe.


Je lève les yeux de mon écran pour les plonger dans ses beaux yeux bleus. Elle seule sait ce qu’il se passe dans ma vie. De la misère. De la merde. Coup sur coup. Je suis en train de désespérer.


— Non.


Ça ne sert à rien de raconter les petits problèmes de la pauvre Alma au grand et supérieur chef. Elle lève les yeux au ciel sans répondre.


Ma journée se termine bientôt, enfin. J’ai hâte de retrouver mon petit frère. Lui seul me donne le sourire dans la journée, même si parfois, c’est dur. Je suis sa maman, maintenant, mais à 23 ans, ce n’est pas facile d’avoir le rôle de maman. Je ne sors presque plus, ma seule copine est en fait ma collègue de boulot. Je ne fais plus rien si ce n’est avec mon frère. Peut-être un restaurant tous les 3 mois avec Agathe, et Lucas est souvent convié à cette soirée.


— Faut que tu te bouges ! Tu ne peux pas rester comme ça ! essaie de me bouger Agathe, tous les jours.


Je n’ai plus vraiment de convictions. En rien. Je n’ai plus de convictions en les hommes, en l’humain lui-même d’ailleurs. En la vie. En la mort. Rien ne me fais plus envie.


— Alma, tu m’entends ? Tu sais, je pourrais garder Lucas, pour que tu te prennes un moment pour toi ? Un spa… Un date…


Je la regarde sans émotion, avant de laisser tomber ma tête sur le bureau.


— Ça va ? s’inquiète-t-elle.


Je sens une larme dévaler ma joue. Je l’essuie tout de suite. Personne ne me prendra Lucas, pas même Agathe. Si je le perdais, ça me rendrais malade. Je n’ai plus que lui.


— Non. Et merci pour Lucas, mais c’est non aussi.


Elle essaie depuis un an de me caser avec un mec. Avec n'importe lequel. Un nouveau collègue, un ami à elle, son frère… Je n’en veux pas et elle ne le comprend pas. De toute façon, ma fin arrive bientôt, alors ça ne sert à rien. En plus, je ne peux pas aimer quelqu'un alors que je ne m’aime pas moi-même.


La journée se termine enfin, mon patron a demandé à me voir.


Comme si cette journée n’était pas déjà assez merdique.


J’éteins mes ordinateurs et me dirige vers lui. Pour une fois qu’il n’est pas dans son majestueux bureau…


— Je ne sais pas ce que tu as, peut-être des problèmes de femmes, comme toutes les femmes, mais il faut que tu te reprennes !


Je ne réponds pas, j’ai juste envie de l’insulter, puis les images de mon frère me reviennent en tête. Cet été, tout sourire, à s’éclater dans la grande piscine. Si je l’insulte, je vais être virée. Or, je ne peux pas me faire virer. Je réponds alors avec un sourire plus que faux :


— Je vais me reprendre, chef, promis.


J’ai envie de vomir de me laisser traiter comme ça par un homme. Mais je n’ai pas le choix. Comme si tous les hommes de mon entourage voulaient faire de ma vie un enfer.


Je m’enfuis avant qu’il n’ose me dire autre chose. En direction des casiers, je croise Agathe.


— Il t’a engueulé ?


— Oui.


— Tu ne l'as pas insulté, quand même ?


— Je l’ai insulté de tous les noms. Je suis virée.

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1 commentaire

Moonyfal

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Il y a 11 jours

Je suis passée suite à ton message sur le forum !
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