Fyctia
Prologue
Alma
2023 - France
— Regarde ma chérie ! il neige ! me crie maman qui regarde à travers la fenêtre, emmitouflée dans ses plaids. Lucas va être si heureux !
Je regarde ses beaux yeux noisette et sa belle chevelure brune. Ses traits sont devenus tellement fins. Elle a perdu tellement de poids ces dernières semaines… Elle ne ressemble plus vraiment à la femme d’il y a un an. Elle a tellement changé en si peu de temps. Maman est malade depuis un an, bientôt, elle s’éteindra pour rejoindre les étoiles. Elle préfère dire qu’elle ira rejoindre la neige, elle adore la neige.
Elle appelle Lucas qui joue dans sa chambre, pour venir voir la beauté de la ville recouverte de blanc.
— J’en voulais pour Noël, pour ton dernier Noël.
Maman me regarde avec une mine triste. Je suis bête d’avoir balancé cette phrase comme ça. Je n’ai pas pensé avant de parler et maintenant, maman est triste. À cause de moi.
Saleté de cancer ! Fichu cancer ! Quand je pense qu'il décime des millions de personnes. Une maladie qui a peu de lettres dans son nom, mais qui prend trop de vie. Et qui va prendre la vie de ma mère. Sa précieuse vie. Elle va tous nous abandonner, les médecins ont prédit une espérance de vie de quelques mois… La chimiothérapie n’a pas marché, les opérations n’ont pas marché. Alors les médecins de merde l’abandonne ! Il la laisse tomber, comme si c’était un cas désespéré ! C’est ma mère, bordel ! Elle est tellement belle, tellement aimante, tellement souriante. Selon Lucas, c’est la meilleure des mamans. Et il a raison. Elle a tout fait pour nous. Elle nous a tout payée. Que ce soit de ma voiture à mes études. Elle fait attention à ce qu’on a toujours à manger, qu’on ne soit en manque de rien. Et elle va partir… Nous laisser…
— Ma chérie… pourquoi est-ce que tu pleures ?
Je ne m’étais même pas rendu compte que je pleurais, les yeux posés sur la neige qui tombe du ciel. Ce ciel gris, dans lequel ma mère va voyager. Ce ciel qu’elle va rejoindre. Elle souffre, je le sais. C’est égoïste de vouloir la garder le plus longtemps possible pour nous, mais on ne veut pas la voir partir.
Même si on a essayé de le cacher à Lucas, le petit garçon de 4 ans se rend bien compte des choses.
— Alma ? Pourquoi maman pleure des fois ? Et pourquoi elle dort tout le temps ? Elle ne joue plus souvent avec nous…
Il m’a dit ces paroles il y a deux semaines, le jour de Noël, quand il a reçu ses nouveaux jouets et que maman n’a pas eu la force de jouer avec lui. Il me l’a redit quand maman était partie dormir, alors que le repas de Noël avait à peine commencé.
J’avais essayé de lui expliquer un peu, que notre belle maman allait bientôt rejoindre les étoiles et la neige, car elle souffrait beaucoup. Il avait compris. Ce petit garçon très intelligent. Et il m’avait demandé si on pourrait regarder la neige tomber, et les étoiles briller, pour penser à elle.
J’essuie les larmes qui dévalent mes joues.
— Il y a un an, tu te serais éclaté dans la neige avec nous, aujourd’hui… Tout a changé si vite. Je ne veux pas que tu partes, maman. Comment je vais faire sans toi ? Dis-moi comment je vais m’en sortir ?
J’ai crié un peu plus que je l’aurais voulu. Maman est restée impassible d’émotion. Elle savait qu’on souffrait, nous aussi. Qu’on serait seul quand elle partira.
— Papa sera là.
— Tu mens ! Il ne sera pas là. Il sera sûrement dans un bar le reste de sa vie, comme il le fait déjà maintenant !
Elle fronce légèrement les sourcils, et secoue la tête comme pour se reprendre.
— Il a du chagrin.
Je hausse les épaules.
— Et nous ? Lucas et moi ? On n'en a pas, c’est ça ? Tu veux que nous aussi on aille dans des bar se bourrer la gueule du matin au soir ? De devenir méchants et violents ?
Elle fronce cette fois-ci, entièrement les sourcils.
— Tu n’as pas à me parler comme ça ! Je vous rappelle que c’est moi qui vais mourir ! Et ne parle pas de ton père comme ça, il a peur !
— Oui, mais une fois morte, c’est nous qui allons mourir, petit à petit… Et lui… il n’est plus mon père.
Je m’en vais, ne voulant plus voir la vue de ma mère. Je claque la porte de ma chambre et pleure durant des heures.
Notre père nous a déjà abandonnées et je sais qu’il ne reviendra pas. C’est un ingrat qui ne pense qu’à lui. Il ne pense même plus à maman, même plus à nous, ses enfants. Il va dans les bars de huit heures à vingt heures, il rentre, il mange, il nous crie dessus et commence même parfois à nous bousculer. Ensuite, il va dormir sans même prendre une douche. Son haleine pu l’alcool. Voilà sa journée type depuis bientôt un an. Depuis que nous savons le verdict de ma mère. Il pense tout de même qu’il va avoir la garde de Lucas. Il se met le doigt dans l'œil, c’est moi qui l’aurais. Je m'occuperais de lui, il est hors de question que je le laisse avec notre alcoolique de père. Lucas vivrait un enfer. Et moi, je sais que je vais devoir me démerder, il me foutra à la porte. Je suis en train de chercher un travail que je pourrais combiner à mes études de psy, mais ça risque d’être compliqué. Je suis déjà en troisième année, mes partiels sont de plus en plus durs. Et depuis que maman est malade, j’ai du mal à m’y mettre. Faudrait-il peut-être que j’abandonne mon rêve ? Mon rêve d’être psy depuis toute petite. Mon rêve d’aider les autres…
Toc. Toc. Toc.
— Quoi ? repondé-je sèchement à la personne qui toque à ma porte.
— C’est ton lulu. Je peux entrer ?
Je m’en veux instantanément d’avoir répondu aussi sèchement. Les heures ont passé, mais je ne suis toujours pas calmé. Je sais que je devrais plutôt profiter de maman, au lieu de me disputer avec elle. Elle nous a accordé plus de temps que prévu. Une fois que j’aurais parlé à Lucas, j’irais m’excuser auprès de maman. Elle ne mérite pas que je lui parle comme ça. Elle mérite tout l’amour du monde.
— Bien sûr, mon cœur, entre.
Je vois sa petite tête brune venir se blottir jusqu'à moi. Il me caresse la joue de ses minuscules doigts.
— Ne pleure plus, ça va aller.
— Je ne pleure pas, mon grand.
— Je sais que tu mens, Almouille.
J’adore quand il me donne ce petit surnom. C’est le mot que je préfère voir sortir de sa petite bouche si pure. Je regarde ses petits yeux arrondis. Il a l’air triste. Il n’est jamais triste pourtant.
— Qu’est-ce que tu as ? Il y a un problème ?
— Maman a été jouée dans la neige.
— Quoi ?
Je reste perplexe, ne sachant pas quoi répondre d’autres. Je suis étonné que ma mère ait eu la force d’aller jouer avec Lucas dans la neige. Je sais à quel point elle aime ça, mais elle est tellement fatiguée que ça me semble bizarre.
— Oui, dans la neige, ou dans les étoiles, ou les deux...
Non, dites-moi que j’ai mal compris. Mais je vois dans le regard si triste de Lucas, que j’ai bien compris.
Maman n’est pas partie jouer dans la neige, elle a rejoint la neige…
5 commentaires
Angel Guyot
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Il y a 7 jours
Mapetiteplume
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Il y a 12 jours
leysa
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Il y a 13 jours