Fyctia
Suis-je ou ne suis-je pas ?
Incrédule, j'ouvre la bouche tout en l'observant pour savoir s'il ment. Rien ne le montre. Comment aurait-il pu savoir de toute façon pour Nédusie ?
— Je vous avais promis de ne pas lire, mais je pense que vous aurez besoin de quelques réponses. Je me permets de vous inviter à ma boutique pour parler plus calmement avant d'entreprendre votre mission.
— Une mission ?
— N'allons pas trop vite. Suivez-moi, je vous promets de tout vous expliquer.
Nous rejoignons donc son magasin où il me fait entrer dans la pièce se situant derrière les rideaux de perles. Un petit couloir se dessine devant mes yeux, menant tout droit à une pièce sombre, parsemée de coussins sur le sol et de bougies parfumées à l'odeur enivrante. Il m'invite à m'asseoir sur l'un des gros coussins, ce que je fais la seconde, étant pressée de connaître les raisons de ma venue ici et surtout comment cet endroit peut être réel. Il s'assoit à son tour et croise les jambes avant de plaquer ses paumes l'une contre l'autre. Il ferme les yeux avec douceur, il respire un bon coup et comme possédé, il rouvre en grand les yeux. Il me sourit avec bienveillance.
— Je t'en prie, pose-moi toutes les questions que tu souhaites, me propose-t-il calmement.
Il finit par me tutoyer. Peut-être attendait-il que l'on soit dans l'intimité, loin des regards indiscrets.
— Premièrement, pourquoi cet endroit existe-t-il ? Il provient de mon imagination. Mieux encore ! Que fais-je ici ?
— Il est en effet créé de toute pièce par ton imagination. Comme tu as pu le constater, tu peux changer tout ce que tu souhaites ici au moindre désir qui te viendrait à la tête. Tu es dans le monde que tu idolâtres. Lorsque tes pensées s'affinent, ce monde fait de même pour refléter ce que tu es et ce que tu penses. Il est donc en constante évolution. Tu es bloquée dans cet univers imaginaire parce que dans le mon réel, tu as oublié qui tu étais vraiment. Tu portes tout un tas de masques théâtraux qui t'empêchent d'être toi-même devant les autres, mais lorsque tu te retrouves toute seule, il y a toujours un masque qui persiste. Tu t'oublies et tu te crées une fausse toi.
— Vous voulez dire que je ne sais pas qui je suis réellement et qu'en conséquence, je suis bloquée sur Nédusie ? Comment puis-je faire pour retourner dans le monde réel ?
— Tu dois réapprendre à te connaître et à te découvrir. Tu dois enlever tous les masques que tu as l'habitude de porter. Tu dois rester toi-même, sans supplément, sans artifice.
— Et si je n'y arrive pas ?
— Tu as 48h. Passé ce délai, tu resteras bloquée dans ce monde sans avoir la possibilité de retourner sur Terre et ton existence prendra automatiquement fin.
— Fin ? Vous voulez dire... Mourir ? le questionné-je pour être sûre.
— Oui, je suis vraiment désolé. Tu es celle qui avait créé cette règle et tout ce plan.
— Quoi ? Mais comment ça ? Je ne m'en souviens pas.
— Tu n'avais que 9 ans et ton moi du passé voulait s'assurer que tu n'oublies jamais ton essence. Malheureusement, en grandissant dans un monde et une société où le harcèlement fait rage, les moqueries et les apparences comptent, il est difficile de ne pas s'oublier.
— Les 48h, c'est à partir de quand ? Du moment où je me suis réveillée ?
— Les heures s'écoulent depuis que tu es arrivée ici.
— C'est-à-dire ? J'ai un moyen de le savoir ?
— Imagine que tu puisses voir le chrono de tes heures avant de mourir et tu pourras le voir. N'oublie pas que tu te trouves dans ton monde et que c'est toi qui le contrôle entièrement.
Je ferme les yeux et me concentre sur un potentiel chrono. Je rouvre les yeux, mais rien n'est apparu.
— Je ne crois pas en être capable.
— Au contraire, cela a très bien fonctionné. Toutefois, le chrono est sur ton corps, enfin au-dessus de ta poitrine.
Je baisse mon regard sur l'endroit indiqué par l'antiquaire, une sorte de lumière brillante émane à l'endroit précisé. Des chiffres se décomptant s'anime, comme gravés sur ma peau. Je tente de lire à l'envers : 40 : 02 : 56. Cela fait donc presque huit heures que je suis ici. J'ai dû pas mal dormir. Ce temps me rend anxieuse, je ne veux pas disparaître à jamais de la Terre, j'aime des personnes, j'ai des projets. J'ai beau être déterminée, j'ignore comment faire pour me découvrir et me rappeler celle que je suis vraiment.
— Je vais te guider autant que je le peux. Toutefois, je ne pourrai pas te donner directement les réponses. Étant donné la situation où tu te retrouves contraintes au temps, tu n'as plus de temps à perdre et nous allons commencer avec le début. Vide en toi tout ce qui ne te semble pas être la vraie toi. Tout ce qui est Elle. Celle que tu crées de toute pièce pour te favoriser les divers passages dans la société actuelle.
Je ferme les yeux et commencent à méditer. Qu'est-ce que je ne suis surtout pas ? Qu'est-ce qui ne me correspond pas ? Quel masque suis-je sûre d'utiliser pour leurrer autrui et me protéger ? Mes pensées divergent à toute allure entre des souvenirs, des situations et des époques différentes. Les images floues qui se succèdent avec rapidité me donnent le tournis. Je sens la main du médium sur mon épaule droite, il me montre qu'il est là, qu'il est présent pour m'aider et que je ne suis donc pas seule à traverser cette passe difficile.
Je revois tous les passages de ma vie où la tête baissée, je fulmine et acquiesce sans rien dire alors que je ne suis pas d'accord avec mon interlocuteur. Ce n'est pas moi, c'est Elle. Elle ne dit rien. Elle n'est pas capable de montrer ce qu'Elle pense ni de l'affirmer. Elle s'écrase tout simplement et joue la gentille fille obéissante pour plaire. Que de façade...
— Très bon début. Tu peux encore y arriver. Cherche plus loin, plus profond, plus discret, m'encourage l'antiquaire.
Je me concentre davantage et les images se précisent sur des faux sourires. Ils sont plutôt bien exécutés, mais il m'est impossible d'être trompée par moi-même, par les faux sourires que je crée de toute pièce, je les connais bien que trop.
— Tous ces faux sourires... C'est Elle. Je suis toujours honnête. Pour moi, la communication est la clef du bonheur.
Les souvenirs changent peu à peu, ai-je eu raison ? Sûrement. Maintenant, ce sont des courtes vidéos où je me laisse entièrement faire, incapable de dire non. Ce n'est pas moi. L'honnêteté avant tout et hors de question d'être le chien de quelqu'un. Je suis une personne aimable, qui aime aider, mais la différence avec le comportement que j'adopte, c'est que je ne me laisse pas marcher dessus, si quelque chose ne me plaît pas, je le dis.
En voyant rien que ces choses-là, je comprends que je me suis oubliée avec le temps. J'adoptais ces façons de faire avec rigueur et habitude alors qu'en aucun cas ma réelle personnalité ressemble à cela. Je me cache à moi-même et j'en oublie l'un de mes mantras principaux qui est de rester honnête. Si je ne le suis pas envers moi-même, comment pourrais-je l'être avec les autres dans n'importe quelle situation ? Je dois me retrouver.
10 commentaires
cedemro
-
Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
-
Il y a 4 ans
fabi72
-
Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
-
Il y a 4 ans
PhoebeB
-
Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
-
Il y a 4 ans
PhoebeB
-
Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
-
Il y a 4 ans