Fyctia

PDV KALHAN

Ses doigts gelés frôlents les miens m’indiquant sa stupeur, sa crainte. Mais je n’ai d’autre choix que d’agir en conséquences. Je ne dois agir qu’en faveur de ma mission.

Son numéro est souligné entre les lèvres de cette femme, son corps se crispe. Je le sens.

— Cette jeune femme a tout pour elle, n’est-ce pas ? Son corps est propice à assouvir vos désirs, et son regard est sujet à captiver le vôtre. Mais sa particularité est tout autre. Je vous demande de l’observer une minute, indique la jeune femme.

May-Ly est immobile, comme pétrifiée par le silence qui nous entoure durant cette minute interminable. Je suis planté à ses côtés, alors que mon regard est rivé sur Clever. Il sait que ça peut déraper à tout instant, sur le plan méthodique, autant que sur le plan psychologique.

— Vous l’avez remarquée, n’est-ce pas, reprend-elle. Cette tache de naissance sur sa pommette désigne parfaitement son authenticité. Mesdames, Messieurs, les enchères sont ouvertes pour la demoiselle.

La respiration de May-Ly s'accentue, je le remarque au rythme de sa poitrine qui se soulève vivement. La voir aussi anxieuse ne fait qu’accroître mes tourments. Lentement, ses doigts fins remettent en place une mèche de cheveux devant son visage afin de cacher sa pommette.

Bordel, quand est-ce qu’arrive le signal qui m’indique que je dois agir ?

Sans anticiper mon geste, mes doigts enroulés autour de son poignet glissent prudemment entre ses doigts raides. Je crois qu’elle n’y prête même pas attention. Et comme si cela me permettait d’avoir un ancrage, je garde le plan d’action en tête.

Les prix fusent, la somme augmente.

— Un demi million pour la fille, s’élève la voix que j’attendais.

Il ne m’en faut pas plus. Je jette un coup d’œil à Clever pour vérifier que c’est bien l’homme auquel nous avons affaire qui vient d’indiquer la somme, il confirme d’un bref signe de la tête.

Je lâche soudainement la main de la protégée afin de la pousser dans mon dos, elle semble complètement désorientée, mais ce n’est pour l’instant pas ma préoccupation.

— Les enchères sont terminées, annoncé-je.

Les murmures s’élèvent dans la salle, résonnants entre ces quatre murs qui commencent à m’oppresser

— Monsieur Klein, cela ne se passe pas ainsi. La mise à prix a d’ores et déjà débutée, indique la jeune femme chargée des enchères.

Ma respiration s’accélère, mais ce qui me permet d’avoir encore le contrôle, c’est cette présence dans mon dos, qui vient inconsciemment d’agripper ma veste de costume.

— Elle m’appartient encore, il n’est pas question que je la cède pour un demi-million.

Un de mes hommes, dont la mission a été transmise, me rejoint hâtivement.

— Eugéo, place-toi derrière May-Ly, elle ne doit en aucun cas être mise en danger, lui ordonné-je.

— Bien monsieur.

Je jette un œil à Clever, qui est normalement à proximité de notre cible.

— Je suis donc dans l'obligation de vous demander de quitter l’estrade afin que nous puissions procéder aux enchères suivantes, continue la jeune femme.

Je ne bouge pas, retardant le moment propice pour le faire.

Je n’ai pas encore bien vu son visage.

La cible n’est pas encore identifiée.

Je ne peux pas quitter cette estrade en échouant aussi près du but.

Le regard de Clever s’oblique brusquement dans ma direction, je comprends qu’à ses côtés se tient l’homme que nous recherchons.

La tension monte.

L’angoisse prend le dessus.

Dans la minute qui suit, ma main droite s’attelle de mon arme, et la brandit face à la foule.

Les gens hurlent, d’autres s’enfuient, les plus courageux demeurent face à moi, ce sont sans doute les hommes ayant enchéri sur May-Ly.

Clever le remarque.

Il le sait.

Je perds le contrôle, signe pour lui d’appliquer ce que je lui ai ordonné un peu plus tôt.

Il se précipite dans notre direction, et mon âme s’allège en sachant ma mission entre de bonnes mains. La protégée est sous la responsabilité de deux de mes hommes.

Une porte s’ouvre sur l’atrocité.

Une atrocité que je me permets

Je bondis de l’estrade afin d’être à hauteur de tous ces hommes répugnants.

— Alors, il suffit d’une simple particularité physique pour que les prix ne soient plus qu’un détail, lancé-je à leur attention.

— Comprends nous, ce trésor en vaut la peine, lance un homme qui ne sait certainement pas de quoi suis-je capable en cet instant.

— Mais ce trésor m’appartient encore, déclaré-je, alors que mes lèvres s’incurvent dangereusement.

— Plus pour longtemps.

Sa main s’arme à son tour d’un flingue, j’anticipe son geste en lui assénant une balle dans la poitrine.

Il s’effondre.

Un autre type s’apprête à le défendre en pointant son arme dans ma direction.

Mon arme résonne à nouveau.

Encore un.

Un sourire qui ne m’appartient pas prend le contrôle de mes lèvres, je n’ai désormais plus aucun contrôle. Je me laisse submerger.

Submerger par celui qui constitue une partie de moi.

Les balles criblent tous ces corps sans que j'en ressente nul regret.

Plus les corps s’effondrent en cercle autour de moi, plus mon sourire s’accentue.

Mon regard s’assombrit au fur et à mesure que le carnage occupe la pièce.

Alors que plus aucune menace ne m’entoure, je pivote en direction de Clever, Eugeo et May-Ly. Ils sont désormais seuls sur cette estrade.

Clever me toise sourcils froncés.

Eugeo me considère, effrayé, de par son jeune âge.

Et elle, elle m’observe, yeux larmoyants, mains contre ses lèvres, terrifiée par la personne qui lui fait face.

Bienvenue dans mon monde trésor.

Je te présente celui que je ne suis pas.

Celui que je ne maîtrise pas.