Fyctia
Chapitre 15
PDV MAY-LY
Je ne suis qu’un objet désiré.
Je ne suis qu’une diversion.
Je suis ici uniquement pour assouvir la soif de vengeance.
Je ne suis ici que pour servir d’alibi.
Les corps inertes entourent Kalhan, le coin de ses lèvres s'incurve, son regard est rivé sur moi, comme pour me prouver qu'il est capable de tout.
Kalhan n’est plus Kalhan.
Ce ne sont pas ses doigts qui se sont entremêlés aux miens. C’est une autre personne qui me fait face en ce moment même.
Je ne bouge plus, pétrifiée sur place, observant simplement son visage légèrement penché sur le côté. Une main se pose soudainement sur mon épaule me faisant sursauter alors que mon regard ne se sépare plus de celui de Kalhan. Je suis rapidement tirée en arrière, poussée à déserter le lieu, sans lui.
Sans l’assassin qui se tient debout au centre de tous ces corps.
Mais au fond de moi, je ne peux pas vouloir le laisser ici.
— Mademoiselle, ne restons pas ici, c’est un ordre de Kalhan, m'avertis la voix du jeune homme qui semble nous avoir rejoint un peu plus tôt.
Kalhan ?
Comment peut-il avoir donné un ordre dans l’état second dans lequel il se trouve ?
Une ombre danse autour de lui, possédant son corps, faisant détonner sa barbarie.
Son arme se pointe minutieusement dans notre direction.
— Bordel, siffle Clever.
Je l’entends, le ton de sa voix n’est pas celui qu’il prend habituellement.
Et Amanda, où est-elle ? A-t-elle pu s’enfuir avant d'être témoin de ce massacre ? A-t-elle reçu l’ordre de déserter ?
Le regard de Clever est rivé sur Kalhan.
— MAY-LY A TERRE, gronde Clever, alors que son corps se jette précipitamment sur moi.
Son poids me plaque à même le sol, je grimace, m’apprêtant à encaisser la chute. Le temps semble ralentir. Mes oreilles bourdonnent, l’obscurité m’envahît. Lorsque je rouvre mes paupières, Clever est au-dessus de moi, son regard m’ausculte, comme pour s’assurer que je ne cours aucun danger. Son visage est proche du mien, je sens son souffle chaud s’échouer sur mes pommettes, jouxtant ma tache de naissance.
Ses sourcils se froncent légèrement.
Bon sang, le temps s'est-il donc arrêté.
— Tout va bien ?
Je ne réponds rien. Il se relève lentement, son visage gravite désormais dans la direction de son ami.
Son bras longe son corps, son arme est pointée vers le sol.
Pourquoi nous a-t-il tiré dessus ?
Pourquoi avoir risqué notre vie, alors que l'instant d'avant, il semblait nous protéger ?
Son regard sombre indique qu’il a l’air de ne plus rien maîtriser.
— On s’en va, c’est un ordre, m’ordonne Clever, les traits tendus.
Mon regard ne cesse d’épier Kalhan. Il ne bouge plus, comme absent.
D’une manière ou d’une autre, quelque chose me dit que ce n’est pas lui. Ça ne peut pas être lui.
Incapable de me relever seule, le jeune qui semble être l’un des hommes de Kalhan m’aide, alors que mon regard reste ancré à celui du criminel.
— Mademoiselle, on devrait y aller, anticipe Eugéo.
— On le laisse ici, les interrogé-je la voix tremblante.
Clever me scrute, ébahi par ma question.
— Il reviendra seul, May-Ly.
Je ne peux m’empêcher de me dire que le laisser ici est contre-nature, qu’on ne devrait pas. Pourtant, terrifiée par les derniers évènements, je ne proteste pas et laisse Clever me guider par l’avant-bras. Nous retraversons l’allée pavée que nous avons emprunté tout à l’heure, à la différence que cette fois, Kalhan ne nous accompagne pas.
Eugéo nous suit, attentif à tout acte qui lui semblerait suspect. La voiture nous attend à seulement quelque pas. Seulement, il ne suffit que de quelques pas pour que tout chavire.
Un pas et tout peut s’arrêter.
Un pas et tout perd son sens.
Un pas et l’entièreté de votre vie n’est plus qu’une petite probabilité à l’échelle de la survie.
Un pas et votre cœur peut rompre le battement qu’il s’est instauré depuis votre premier souffle.
Un coup de feu retentit au même moment où je pose mon pied gauche à terre. Eugéo rugit, Clever fait volte face, son regard affolé bondissant sur le jeune homme.
Mais il détourne rapidement ses iris lorsqu’il constate que la balle ne l’a pas touché.
Je reste figée.
Pétrifiée par le bruit de ce tir.
Clever fronce les sourcils à la recherche du tireur, dégaine à son tour son arme en vitesse, puis vise le quinquagénaire un peu plus loin, c'est à son tour de tirer, j'accuse le coup de nouveau par un sursaut.
— Dépêche-toi, Miss, il faut filer.
Je fais de nouveau un pas l'esprit embrumé, ses doigts froids s’enroulent autour de mon poignet. Une douleur sourde m’assaille brusquement, me déchire les entrailles, m’électrise l’abdomen.
Je reste silencieuse, apposant simplement ma paume contre la douleur que je localise rapidement. Mes doigts rencontrent un liquide tiède, et lorsque mon regard constate que c’est mon sang, je m’arrête, sous le choc.
Clever se stoppe en même temps que moi, lorsqu’il se retourne et qu’il m’évalue en sondant mes iris, il fronce ses sourcils.
— Je, tenté-je d’expliquer, mais la douleur est bien trop intense pour prononcer quoi que ce soit.
Je plante mes iris dans les siens.
— J’ai été touchée…
Ce sont les seuls mots que je parviens à lui exposer dans un souffle. Il baisse le regard en direction de la plaie que je comprime. En quelques secondes, il réagit en me rattrapant avant que je m’écroule au sol. À genoux, il me maintient contre lui.
— Merde, merde, merde, jure-t-il entre ses dents.
Ma tête repose contre son bras, tandis qu’il prend le relais en compressant ma plaie, sanglante.
— Eugéo, va chercher Kalhan, lui ordonne Clever.
Je fais non de la tête avec la force qu’il me reste. Dieu seul sait de quoi il est encore capable.
— Ne t’inquiètes pas Miss, ça va aller, essaie-t-il de me rassurer, alors que sa voix n’est pas aussi assurée que d’habitude.
Une larme dévale ma joue sans que je puisse y faire quoi que ce soit.
— BORDEL, KALHAN, hurle Clever.
Il me berce contre lui alors que mes paupières deviennent de plus en plus lourdes, la douleur commence à s’atténuer progressivement, laissant place presque à une sérénité sans nom.
— Reste avec moi May-Ly.
La voix de Clever n’est bientôt plus qu’un murmure.
— Miss, tente de me maintenir éveillée, Clever. Miss, regarde-moi.
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Kevin Karbowiak
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Lyaure
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Il y a 2 ans
Tess. M Bech
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Sarah B
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Eva Boh
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La plume des rêves
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Tess. M Bech
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Il y a 2 ans