Fyctia
- Chapitre 16 -
Plus je m’énervais, plus je sentais la structure du manoir trembler. Si je continuais ainsi, nous allions finir ensevelis sous des tonnes de gravats.
- Libère-moi ! Ordonnais-je en m’agitant un peu plus
C’était peine perdue. Nicolae allait me prendre pour une pauvre hystérique, d’un certain côté, je pouvais le comprendre. J’étais tout sauf mignonne quand j’étais en colère. J’étais sur le point de réitérer ma demande quand Godrik apparut en haut de l’escalier.
Tout comme son frère, il avait le visage fermé et était si haineux, que son envie de meurtre, c’était matérialisé en une sorte de nuage orageux. Aveuglée par mes sentiments, je ne remarquais pas ma petite boule de poil prisonnière dans ses mains.
- Si tu ne te calmes pas tout de suite, hurla-t-il. Je te jure que je le tue !
Mes yeux se posèrent aussitôt sur la touffe de poils et mon sang se glaça en un fragment de seconde. Pour je ne sais quelle raison, quand un métamorphe était inconscient, il prenait toujours la forme du dernière animal dont il avait pris les traits. Sans doute, pour fuir les Bort, Hunter s’était changé en hermine.
Mon pauvre ami était complétement à la merci de Godrik. En un mouvement, il pouvait lui ôter la vie. Cette idée me fit l’effet d’une douche froide. Je sentis mon corps se raidir d’un coup, je n’étais pas du tout en position de force et vue le regard de mes hôtes, ils n’hésiteraient pas un instant. C’étaient des chasseurs après tout.
- Espèce de …. Commençais-je avant de me recevoir un violent coup sur la tête.
Nicolae venait de m’assommer. Avant de complétement sombré, je crus apercevoir son sourire satisfait. Par tous les dieux, ils aillent le payer très cher.
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L'odeur du sang et de la chair brûlée se faufilaient dans mes narines, imprégnant ma gorge d'un goût ferreux et retournant mon cœur de nausées. Les larmes coulaient, le long de mes joues, la douleur envahissait mon corps et l'enveloppait d'une chaleur étouffante. Mes hurlements soulageaient mon âme, mais je restais à jamais impardonnable.
À mes genoux, se tenaient une dizaine de corps à moitié carbonisés. Tous avaient perdu la vie pour sauver la mienne. Mais le méritais-je ? C’était de ma faute si le palais avait été envahi. Héritière ou non, personne n’aurait dû mourir pour moi. Si j’avais eu un peu de courage, j’aurais accepté d’épouser ce démon. Mais ce trait de caractère, mes parents ne me l’ont pas transmis. J’étais faible. Une pauvre minable qui venait de livrer son peuple à Wuthal, le dieu de la mort.
Les portes de la salle de banquet s'ouvrirent dans un grincement assourdissant, mais je ne bougeais pas. Les ricanements de mes assaillants irritaient mes oreilles et la chaleur devenait de plus en plus forte. Ma peau me brûlait, mes yeux étaient secs et mon sang bouillonnait dans mes veines.
- Je te trouve enfin, Aranel Elerrína.
Mes poings se serrèrent. Mon peuple n'était que du bétail. Depuis des années, mon père essayait tant bien que mal de réparer mes erreurs. Je ne pouvais plus supporter la chose que j’étais devenue, mon corps et mon âme étaient arrivés à saturation. Ma magie était la pire malédiction que les dieux m’avaient donnée. Rien ne pouvait plus m’apaiser mis à part une mort rapide.
- Je vous tuerai tous, marmonnais-je en me redressant lentement.
Des flammes étaient apparues le long de mes doigts et s’enroulaient tout doucement autour de mes dagues, tels des serpents.
- Tu ne peux pas te sauver, rends-toi ! Crièrent les deux barbares.
Un rire sombre s'échappa de ma gorge. Je n'avais plus rien à perdre : ma famille, mon peuple, ma liberté et ma vie m'avaient déjà été volés.
- Je vous tuerai tous !
Un halo de flammes jaillit d'un coup et des hurlements se joignirent à mon rire.
Un pincement au cœur me tira de mon cauchemar. Trempée de sueur, j’essayais de me redresser, mais impossible. Les Bort avaient pris le soin de m’enchaîner à ce que j’identifiais être un écarteleur transformait en table d’entravement.
La pièce était éclairée par de longs néons et sentait le désinfectant. Du coin de l’œil, j’aperçus un arsenal de torture typique des chasseurs de sorcières du moyen-âge. La plupart des instruments étaient vieux de pas mal de siècles et je n’avais pas spécialement envie de savoir à quoi ils servaient. Attachée comme j’étais, il allait falloir que je me téléporte ou que je réussisse à casser les chaînes grâce à la magie de la terre.
Mes hôtes, qui étaient loin d’être imbéciles, avaient pensé à tout. N’étant pas sûrs de mes origines magiques, ils m’avaient passé non pas un, mais une dizaine de bijoux anti-magie. Je pouvais les sentir drainer et bloquer mes pouvoirs.
- Enfin réveillée, commenta Godrik en entrant dans mon champ de vision. Nicolae ne t’a pas loupé.
Il y avait du mouvement autour de moi, je pouvais sentir plusieurs auras, mais j’étais incapable de dire d’où elle provenait.
- Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? Demandais-je en me tortillant.
Systématiquement, quand on a les mains prises ou attachées, une envie irrésistible de se gratter le bout du nez nous prend. Cette sensation allait me rendre folle.
- Tant qu’on ne sera pas qui tu es vraiment, siffla-t-il en vérifiant mes chaînes, tu resteras attachée.
Un soupir m’échappa. Comment faire comprendre à quelqu’un qu’on ne ment pas alors que ce dernier était persuadé du contraire ? Il n’y avait pas énormément de solutions : élixir de vérité, bague anti-mensonge ou rentrer dans l’esprit de la personne. Dans tous les cas, c’était peu agréable et il fallait un mental d’acier pour ne pas sombrer. Fouiller dans les souvenirs de quelqu’un était comparable à un viol.
Si la personne n’était pas consentante, cette magie était comme rallumer un feu ardent, petit à petit les flammes s’attaquaient à l’esprit et grignotaient la personne de l’intérieur. Cette expérience était très traumatisante et vue que j’étais solidement attachée, j’étais persuadée qu’il allait essayer de pénétrer mon esprit.
Si je résistais, je risquais de me noyer dans mon passé et de, sans aucun doute, perdre pied. J’allais devoir prendre sur moi et acceptais de revivre les moments les plus durs de ma longue vie.
- Mes oreilles pointues ne te suffisent pas ? L'interrogeais-je.
- Prétendre être une princesse morte depuis des siècles demande plus de preuves que des oreilles pointues et deux balafres dans le dos, répondis-je en prenant place derrière ma tête. Ne résiste pas et tout ira bien…
Sur ses mots, il posa ses mains sur mes tempes et une douleur atroce irradia dans mon corps. L’interrogatoire venait de commencer.
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