Fyctia
-Chapitre 11-
Une fois inscrit, une bonne femme à peine aimable nous tendit des colliers de fleurs. L’odeur, à peine perceptible, était nauséabonde et me donna la chair de poule. Heureusement qu’Hunter était parti aux toilettes avec Aden, sinon il n’y aurait pas échappé et aurait anéanti ses espoirs de rester une simple créature mortelle.
Sur les elfes, le duo pivoine et aconit tue-loup donnait une poussée de fièvre et interrompait toutes les magies de métamorphoses, mais également les illusions comme celles qu’utilisaient Hunter. Sur un elenwë, je ne connaissais pas les effets et ce fut là ma plus grosse erreur.
À peine avais-je passé le collier autour de mon cou que de violents vertiges me prirent. J’étais dans de beaux draps, mais impossible de me soustraire. Godrik scrutait le moindre de mes gestes.
- Ça va ? M’interrogea mon cavalier. Tu es toute blanche.
Ce n’était vraiment pas le moment de flancher. Telle une guerrière, je pris une grande bouffée d’air et lançais avec un magnifique sourire crispé:
- Il aurait pu choisir des fleurs plus jolies ! Celles-ci ne vont pas du tout avec ma robe.
Ma moue boudeuse cachait en réalité une envie de vomir atroce. Les effluves de l’aconit tue-loup mêlaient au corset trop serré et à ma magie lentement drainée par un sortilège puissant auraient raison de moi d’ici une petite heure. J’allais devoir passer la seconde et tout faire pour rester concentré. Je n'avais pas le droit à l'erreur.
Godrik, qui ne me lâchait pas du regard, m’imita et passa la composition florale. Ses yeux écarlate perdirent aussitôt de leur éclat et devinrent verts émeraude comme ceux de Nicolae.
- Qu’arrive-t-il à tes yeux ? Demandais-je sur un ton un peu naïf.
Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que les Bort étaient tout sauf humains. Mais j’étais encore incapable de dire avec certitude qu’ils avaient un lien avec les Van Helsing. Après tout, ils pouvaient aussi être des sorciers.
- Comme toutes les créatures présentes ici. Il perd ses pouvoirs, me répondit quelqu’un non loin de nous.
Mon regard passa de mon hôte à la nouvelle venue et que ne fut pas ma surprise de constater qu’il s’agissait de la sorcière qui servait de cavalière à Marius. Elle me rappelait vaguement la petite maline qui avait énervé Iktomi, mais c’était impossible. Les êtres de sa race ne pouvaient pas vivre aussi longtemps à moins d’avoir été bénis par un dieu.
- Aerin, je te présente Calliopé McCartney, bougonna Godrik. Elle est à l’origine des colliers que tu trouves si élégants…
Tout comme moi, elle portait une magnifique toilette verte qui donnait à ses cheveux une couleur encore plus intense. Ses yeux d’un bleu profond étaient encadrés de taches de rousseur et s’animaient d’une lueur d’amusement. Elle semblait être très satisfaite de son tour. Comme si nous étions amies depuis toujours, elle m'attrapa le bras et exerça une légère pression.
- Depuis le coming-out, les humains préfèrent que nous portions ce genre de grigris, ricana-t-elle en tirant légèrement sur la ficelle de mon collier. Comme si de vulgaires fleurs allaient arrêter le grand Godrik…
J’allais la questionner, mais hélas, le Maire m’interrompit et invita tous les couples à rejoindre la piste de danse. Un peu naïvement, je pensais que nous allions valser afin de ne pas pénaliser les humains, mais non. Tous se placèrent de façon à danser le quadrille dit "pantalon".
Tout comme les robes à armature, je détestais la contredanse française et encore plus le cotillon. De tout mon répertoire, c’était la seule danse que je ne maîtrisais pas. Il fallait dire qu’en 1820, j’étais tout sauf dans les salles de bal. Mon visage se décomposa d'un coup et amusa les autres participantes.
- Et merde, pestais-je.
Godrik pouffa de rire quand il comprit. Heureusement pour lui, je n’étais pas assez à l’aise pour lui faire ravaler son sourire moqueur.
- Tu n'as qu'à suivre mes pas, me susurra-t-il avant d'aller se placer.
Son ton m'irrita. J'étais la plus à plaindre dans cette histoire ! Prisonnière d’un corset, la tête à deux doigts d’exploser et épiée de tous les côtés. J’allais avoir un mal fou à me contenir et à rester stoïque. Je devais l’admettre, pour une fois, j’aurais mieux fait d’écouter Hunter.
Mon cœur loupa un battement quand l'orchestre débuta sa diabolique mélodie. La première partie de la danse n'était pas bien compliquée. Je devais faire une révérence et accompagner mon cavalier dans de stupides cercles. Cette chorégraphie était une pathétique façon de séduire l'autre, nous n'avions pas le droit de nous toucher. Tout était dans le regard et dans le mouvement de nos corps.
Le quadrille était comme l'art du maniement de l'épée. Si on était touché, s'en était fini de nous. Heureusement pour moi, j'avais reçu une éducation très stricte de l'escrime et je n'avais pas trop de mal à deviner de quel côté Godrik allait aller. Étonnement, il était plutôt prévisible. En moins de trois mesures, j'avais déjà repéré une grande partie de ses tics. L'avait-il fait exprès ? Était-ce un piège ? Il était trop tard pour je me pose davantage de questions.
Sans réellement le vouloir, je m'étais laissée emporter par la musique et les mouvements fluides de mon cavalier. Mon corps bougeait avec la grâce d'un manche à balais. Hunter ne manquerait pas un instant pour se moquer, j'en aurais mis ma main à couper.
- Tu vois. Ce n'est pas bien compliqué, me murmura-t-il alors qu'on entamait notre second tour de courtoisie.
J'étais en nage. De grosses perles de sueur se formaient le long de mon dos et allaient s'écraser dans le creux de mes reins. La robe pesait un poids de voleur et à force de tourner sur moi-même, j'avais attrapé le tournis. Les soixante-quatre temps de cette danse allaient me paraître durer une éternité. Si je ne me ressaisissais pas rapidement, je risquais de perdre le contrôle de ma magie et de redevenir une elenwë devant tout le monde.
Une idée idiote me traversa l'esprit. Et si je me concerterais sur Godrik ? Avec un peu de chance, je percerais son mystère. Mes yeux se braquèrent alors sur le visage de mon cavalier. Contrairement à moi, il semblait ne fournir aucun effort.
Son corps imposant se mouvait avec une grâce que je n'aurais donnée qu'à son benjamin. Son expression était extrêmement détendue, il s'avouerait ce moment. Comme s'il se remémorait des temps anciens. Il était complétement absorbé par la mélodie et remarqua à peine mon regard.
C'était un très bel homme, il dégageait tellement d'élégance et de bestialité à la fois que s'en était paradoxal. Je me surpris à me demander à quoi ressemblait sa femme, il n'y avait pas l'ombre d'un cadre photo ni de touche féminine dans le manoir à part ma chambre. Elle devait être à son imagine, je le voyais mal se lier à une créature faible. Tant de questions planées autour de cet homme... Qui était-il la fin ?
4 commentaires
Feline Grey
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Il y a 3 ans
Erine Kova
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Il y a 3 ans
cedemro
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Il y a 3 ans