Fyctia

Ma chambre était gigantesque. Tapissée de papier peint brun à motif floral et meublée de manière très féminine, elle était parfaite et me faisait presque retrouver mes titres de noblesse.

- Par les dieux, jurais-je en effleurant doucement le plateau de la coiffeuse.

Couverte de flacons de toutes les formes et couleurs, elle était surmontée d'un miroir ovale orné de dorures en forme de feuilles de lierre. Le lit napoléonien, disposé juste en face, était surmonté de deux pans de tissus beiges et était couronné d'une magnifique rose dorée. Les draps en soie crème et or reflétaient la lumière et aspiraient la chaleur.

Je me serais bien affalée sur le lit, mais mon reflet dans le miroir m'épouvanta. Mes cheveux d'un noir profond étaient si sales et gras, qu'ils formaient des sortes de tentacules dégoûtants. Ma peau était devenue légèrement grisâtre à cause de la poussière et luisait comme une boule à facettes.

- Et on me trouve jolie, soupirais-je en retirant l'affreux bonnet d'Hunter.

Pour une elenwë albwéannienne, je faisais peur à voir. Mon peuple était connu pour sa puissance magique, ses guerriers redoutables, sa ressemblance aux elfes, mais aussi pour la pâleur de sa peau, souvent comparée à la neige, et à ses ailes immaculées. Nos iris d'un froid glacial étaient la plupart du temps bleu azur, nos cheveux platines et notre beauté si éthérée et si figée, qu'elle en était presque dérangeante.

J'étais l'une des très rare princesse albwéannienne à posséder une chevelure noire comme le charbon ainsi que des pupilles d'un gris polaire. Ces traits, peu communs, je le détenais de mon défunt père, le roi Seregon. Elenwë nyxvannien, il avait épousé ma mère par amour et quittait son peuple pour la rayonnante cité Albwéan. L'union entre la glace et la lune m'avait donné moi, Aerin.

- Il faut vraiment que je me douche, murmurais-je avant de me diriger vers l'unique porte intérieure.

Je pris tout mon temps pour découvrir cette nouvelle pièce. Lumineuse et spacieuse, la salle de bain était d'un tout autre genre que la chambre. Carrelée en gris et équipée d'une énorme douche ainsi qu'une magnifique baignoire à l'ancienne, elle possédait un luxe bien plus moderne. La vasque était en marbre noir, les serviettes et tapis de bain assortis étaient légèrement bleutées.

Sans attendre, je me pressais de me couler un bain bien chaud et entrepris de fouiller dans le placard sous le lavabo. Rangés par couleurs et tailles, j'eus un large choix de sels de bain, gels douches, de shampoings ainsi que de crèmes hydratantes. Les Bort avaient pensé à tout et s'en étaient presque effrayant.

Trop claquée pour me poser des questions, je me dépêchais de me glisser dans l'eau bouillante. La douce odeur de la lavande et du lilas chatouilla mes narines et me détendit lentement. J'étais enfin dans un cocon et ça me faisait un bien fou.

Une heure plus tard, après m'être endormie, je sortis de la salle de bain. Un simple drap de bain autour de ma poitrine, je pris tout mon temps pour m'habiller. Ma magie n'était pas à son apogée, il m'était impossible de récupérer la totalité de mes affaires dans mon sac. Pratique et utile lors de départ rapide, la manipulation des dimensions n'était offerte qu'à quelques membres de la famille royale. J'étais très fière de savoir l'utiliser et j'adorais le combiner à mes autres pouvoirs.

Perplexe, j'attrapais mon sac et le renversais sur un canapé doré. Son contenu n'était pas bien glorieux : une culotte rouge légèrement trop grande, une brassière mauve délavée, un tee-shirt marron avec écrit en rose "I love New-York", une jupe vert pomme et un foulard turquoise dont j'avais oublié l'existence. Ma tenue de voyage étant sale, j'étais contrainte de me contenter de ces pièces disparates.

- Hunter va faire la tête, me moquais-je en attrapant les vêtements.

Afin d'alléger un maximum nos sacs, j'avais pris le temps d'appliquer un sortilège dimensionnel dans chacun d'eux. Ces sorts étaient liés à leur jeteur et s'estompaient quand celui-ci était à court de magie. Les changeurs de forme et ce même s'ils étaient elfiques, ne connaissaient pas grand-chose à l’art spatial et ne maîtrisaient que les bases de la magie élémentaire. Hunter avait dû avoir la même surprise que moi en ouvrant son sac.

La seconde étape après m'être totalement débarrassé de la crasse et avoir caché mes oreilles, bien trop longues, fut de tester le lit. Malgré ma petite sieste, je sentais une envie irrésistible de dormir.

Juste vêtue de mes sous-vêtements et mon foulard enroulait autour de ma tête, je me laissais porter par la douce mélodie de Lamdrielle, déesse des rêves. L'esprit embrumé par la fatigue, je m'allongeais et remontais les couvertures jusqu'à mon menton.

Je me serais sans doute laissé bercer, mais par précaution et sans doute par habitude, je me mis à chantonner un chant de protection. Je ne réussis pas à atteindre le troisième vers mon corps ainsi que mon esprit sombrèrent dans les songes.