Fyctia
- Chapitre 2 -
Le manoir des Bort se trouvait à une dizaine de minutes en voiture de Westwood. Camouflé par les arbres, ce domaine était coupé du monde et éveilla en moi de la tristesse. Haut de trois étages et en forme de U, la bâtisse possédait deux énormes tours rectangulaires et une façade en pierre qui rappelait vaguent l'architecture française. Lugubre et froid, ce manoir était tout sauf accueillant.
Mon cœur se serra un peu plus quand je vis l'état du jardin. Constamment dans la pénombre, à cause des ombres gigantesques des pains, la pelouse n'était plus que de la mousse marron, qui étouffait la terre et empêchait l'apparition de fleurs. Quelque chose tuait lentement le domaine. Au premier coup d'œil, il devait s'agir d'une vieille malédiction indienne ou de l'œuvre d'une sorcière.
- Vos terres sont malades, commentais-je quand la voiture s'arrêta devant l'entrée principale.
Surpris, Nicolae me dévisagea un instant puis éclata de rire.
- Selon la légende, l'un de mes ancêtres aurait salé la terre pour permettre à son épouse d'avoir un enfant...
Il s'arrêta un instant et ajouta sur un ton d'une grande mélancolie.
- Depuis, plus rien ne pousse.
Un petit maléfice comme celui-ci ne résisterait pas à mes pouvoirs, surtout après une bonne nuit de sommeil dans un vrai lit. Dès que je serais lavée et reposée, j'irais enquêter et lèverais le mauvais sort.
Hunter, qui s'était étrangement tenu à carreau tout le long du trajet, m'attrapa le bras quand notre hôte sortit de la voiture.
- Aerin, tes oreilles ! Me gronda-t-il en me tendant un affreux bonnet vert.
Paniquée, je passais mes mains dans mes cheveux et retins un petit cri.
- Il les a vus ? M’affolais-je en enfonçant jusqu'à mi front la coiffe.
La laine irrita aussitôt ma peau et me donna des démangeaisons insupportables.
- Non, bougonna le changeur de forme en ouvrant la portière. Il est bien trop occupé à reluquer tes seins…
Mes joues s'empourprèrent et je ne pus m'empêcher de lui lancer son sac en pleine figure.
- Salop, l’insultais-je avant de sortir du véhicule comme une furie.
Hunter avait toujours eu le don de m'énerver. Jaloux et possessif, il me considérait comme sa petite sœur et m'empêchait d'avoir des relations amicales avec des hommes. Son côté surprotecteur était très touchant, mais était la cause de nombreuses disputes.
- Moi aussi, je t'aime, rétorqua-t-il pour me provoquer un peu plus.
Ma colère se serait sans doute accentuée, mais quelque chose m'intrigua. Incrusté sur le bas-relief de la porte d'entrée, se trouvait un magnifique blason. Le temps avait mangé légèrement les extrémités et des tâches d'humidités s'étaient formées par endroits, mais on voyait encore nettement les dessins.
- Une croix et un diamant, murmurais-je pour moi-même.
Notre logeur s'approcha de moi.
- Ce n'est pas un diamant, mais un bort…
Un sourire illumina mon visage. Cette pierre, de qualité médiocre avec des défauts le rendent impropre aux usages de la bijouterie pour les humains, était extrêmement précieuse pour les rituels lunaires, dont j'étais friande. Le bort avait également une signification très intéressante dans le langage des pierres.
- Nico ! Appela quelqu'un au-dessus de nous.
Machinalement, je levais le nez et tombais sur la jolie petite frimousse qui dépassait d'une des fenêtres du premier étage. Sans doute âgé d'une douzaine d'années, ce garçon était à croquer. Son visage rond, son teint rose, ses grands yeux marron ainsi que son sourire malicieux me pincèrent le cœur. Malgré la rousseur de ses cheveux courts et sa corpulence bien en chair, cet enfant avait les traits de mon cousin, Lòmion. Que je ne reverrais sans doute jamais.
- Aerin, ça va ? S’inquiéta timidement Hunter en posant sa main sur mon épaule.
Après des siècles d'exil, j'avais appris à refouler ma tristesse. Mon monde et ma famille me manquaient terriblement, je ne pouvais pas le nier. Mais maintenant je ne faisais plus partir de Kaonaria et je devais aller de l'avant.
- Aden ferme immédiatement cette fenêtre ! Ordonna Nicolae. Je t'ai dit une centaine de fois que c'était dangereux.
Tout en boudant, le petit garçon s'exécuta.
- Il n'est pas possible, ronchonna-t-il avant de se tourner vers nous. Suivez-moi, je vais vous montrer vos chambres.
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