Fyctia
- Chapitre 1 -
Mon sac sur les genoux, je regardais le paysage défilé devant mes yeux creux. Après presque quatre jours de voyage sans trouver le sommeil, c'était un miracle que je garde encore une forme humaine. Déménager au Missouri, dans une ville perdue en plein milieu des bois, était sans doute la meilleure idée que j'avais eue. J'étais persuadée qu'il ne me trouverait pas et j'allais enfin vivre une vie à peu près normale ou presque.
Westwood ne faisait partie d'aucune municipalité, ce n'était donc pas une vraie ville. La bourgade la plus proche était à une centaine de kilomètres, ne devait compter que quatre cents habitants et possédait l'unique grande surface de la région. La gare était si éloignée, qu'il avait fallu que je fasse du stop et que je prenne mon mal en patience.
- Pourquoi une aussi jolie fille vient-elle s'enterrer à Westwood ? M’interrogea mon bon samaritain.
Sam ou plutôt « Chouchou », si on prenait le temps de lire l'énorme plaque accrochée sur le pare-brise de son camion, était le seul fou à avoir accepté de me prendre avec Hunter mon fidèle « husky ». Ce quinquagénaire à l'haleine pas très fraîche et aux yeux brillants de bienveillance montrait, contrairement à moi, un besoin maladif de discuter.
Ce fut donc avec beaucoup de mal que je décrochais mon regard du paysage forestier pour lui donner une attention que je n'aurais offert qu'à une tasse de café bouillant.
- Un besoin de changer d'air, répondis-je en essayant de sourire.
Habiter dans une grande ville n'était pas fait pour moi. Depuis toute petite, je vivais entourée d'étendues herbeuses, de végétations luxuriantes et de magie, chose qu'aucune agglomération urbaine ne m’avait donnée depuis mon arrivée sur ses terres.
Elenwë de sang royal et native de ce que les Hommes appelaient « monde parallèle », il m'avait fallu beaucoup de temps pour m'habituer et surtout admettre que je ne retournerai jamais chez moi. Forcée à l'exil après le meurtre de mes parents et la prise de pouvoir d'une créature sanguinaire, qui n'avait qu'une idée en tête : me posséder. Je m'étais retrouvée un peu par hasard parmi les mortels et remerciais les dieux pour ce cadeau presque empoisonné.
Après des siècles à vivre ici, je ne pouvais constater qu'une chose : les humains étaient des imbéciles et étaient si naïfs, qu'ils en étaient presque devenus fous quand les créatures surnaturelles avaient fait leur coming-out. J'étais sans doute encore la seule à garder mes origines secrètes.
- Nous sommes bientôt arrivés, déclara le camionneur en pointant du doigt un petit panneau en bois.
Presque absorbé par le lierre, j'eus beaucoup de mal à distinguer les lettres gravées dessus. Un soupir m'échappa quand nous entrâmes à Westwood et une sensation étrange envahie mon corps. Cette ville avait un quelque chose qui éveilla mes sens. Des créatures puissantes vivaient là, je pouvais les sentir.
Quelques minutes, plus tard, je pus enfin mettre pied à terre et dire au revoir à Chouchou, qui reprit la route aussitôt. Les jambes encore engourdies et puisant dans mes dernières forces, je me traînais vers l'unique banc de la place principale. Sans aucune grâce, je posais lourdement mes fesses sur l'assise et lâchais mes deux sacs de voyage.
Il était midi et, à ma plus grande surprise, il n'y avait pas un chat dans les rues. Intriguée par ce manque d'activité, je me mis à détailler les quelques maisons devant moi. Les façades étaient en bois grisâtres et l'architecture semblait dater de la guerre de sécession.
Des sueurs froides perlèrent dans mon dos quand ma vision se troubla. Il était grand temps que je trouve la maison des Bort, mes nouveaux logeurs et employeurs.
- Tu veux que je porte quelques choses ? Se renseigna une voix morte.
Péniblement, je me redressais et jetais un coup d'œil mauvais à Hunter. Le chien, au pelage gris clair, me regardait avec très peu d'intérêt ce qui m'agaça légèrement. Cette sale bête, qui me suivait partout, était en réalité un changeur de forme. Être qui avait prêté allégeance au dieu Cerf, Finubarn.
Tantôt elfe tantôt animal, il ne m'avait pas proposé une seule fois de l'aide et avait préféré passer tout le voyage sous la forme d'un husky. Selon lui, c'était la seule façon de faire des économies et d'attirer de la sympathie.
- À ton avis ? Grondais-je en saisissant les deux sacs et partant remontée comme jamais vers ce que j'imaginais être le bar et mon futur lieu de travail.
Toute en longueur et dans un style similaire aux maisons, Le Butler dégageait une aura bienveillante et chaleureuse. De loin, je pouvais voir des mouvements à travers les fenêtres.
Mon entrée, que j'aurais aimée discrète, figea tout le monde et plongea l'établissement dans un silence pesant. Pendant un instant, je crus que mes oreilles pointues étaient réapparues et dépassaient de ma crinière noire. Puis, après avoir suivi les regards, je compris qu'Hunter avait enfin repris sa forme elfique ou plutôt humaine étant donné que nous étions obligés de nous cacher.
Les métamorphes, comme beaucoup de créatures, possédaient un physique et une aura bestiale qui ne laissaient personne de marbre.
Comme ses sœurs, Hunter, de son vrai prénom Faron, avait de longues boucles blondes négligées, un regard morne où brillait deux billes pers et un teint si blême qu'il en était presque maladif. Athlétique et d'apparence arrogante, il ne passait jamais inaperçu et me causait bien des ennuis.
- Tu ne perds rien pour attendre, pestais-je à son attention avant de sourire bêtement.
Ma magie commençait à sérieusement manquer. Le bout de mes oreilles me brûlait et je sentais mon corps se balancer vers l'avant. La situation aurait pu être catastrophique si mon compagnon de voyage n'avait pas mis fin au silence.
- Mon amie et moi cherchons la famille Bort, est-ce que quelqu'un parmi vous serez où les trouver ?
Sans attendre, un homme d'une vingtaine d'années sortit de derrière le bar et se dirigea vers nous. Sa démarche féline ainsi que sa prestance d'une grande élégance retinrent mon attention.
- Tu dois être Aerin Weya, se réjouit-il en ignorant la grimace du métamorphe et en me tendant la main. Je suis Nicolae Bort.
Le son de sa voix, envoûtante et claire, me laissa rêveuse. Son visage rectangulaire était encadré par une chevelure onyx qui faisait ressortir la pâleur de sa peau et rendait ses yeux vert étincelant. Cet homme, au look chic, avait un truc qui ne me laissait pas indifférente. Ce qui énerva Hunter.
Comme un bourrin, il saisit la poignée de main et broya sans aucune gêne les doigts de Nicolae. Le jeune homme ne montra aucun signe de douleur et le fixa avec amusement.
- Et toi, tu dois être Hunter Akins...
N'étant pas en état pour supporter une seconde de plus le comportement déplacé de mon crétin d'ami, je m'approchais de lui et le pinçais discrètement entre les omoplates. Hunter lâcha aussitôt sa prise et couina de douleur.
- Excuse-le, notre voyage l'a rendu quelque peu agressif, grognais-je.
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Babsoje
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