Fyctia
Le Choix
Mon cœur rate un battement. Je me pétrifie, écarquille les yeux et déglutis difficilement. Enlever mon masque… oui, ça semble juste que je le fasse, puisque je lui ai demandé de le faire. Mais ne sera-t-il pas déçu de voir entièrement mon visage ? Peut-être s’imagine-t-il une tout autre beauté que je n’ai. J’ai peur : et s’il ne voulait plus de moi après que j’aie enlevé mon masque ? Je vais me retrouver bredouille, encore une fois, savourant ma solitude avec beaucoup d’amertumes.
Je pousse un long soupir et opine. Je ne peux pas refuser, de toute façon, ou bien ce serait lâche venant de ma part… même si j’ai terriblement envie de garder mon masque, là, de rester cachée derrière. En fait, ce n’est pas le fait de l’enlever qui me fait le plus peur : c’est que je ne me trouve pas si belle que ça. On me dit souvent que j’ai beaucoup de charme mais moi, quand je me regarde dans le miroir, je ne me trouve pas moche mais pas belle non plus : je trouve que je n’ai rien de spécial.
La main tremblante, je la pose sur le masque doré et sens quelques cristaux se planter doucement dans ma paume. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et un vertige obstrue mon regard de quelques lucioles blanches. Aller, il faut que je le fasse…
Je sens qu’il me lance un regard insistant. Lentement, j’enlève mon masque et garde la tête baissée ainsi que les yeux rivés vers le sol. Mes joues sont certainement rouges écarlates tant j’ai à la fois peur et honte de montrer mon « vrai » visage.
Lewis glisse un doigt sous mon menton, pose son pouce en-dessous de ma lèvre inférieure et lève ma tête vers la sienne. Je croise ses deux billes bleues qui scintillent malgré l’obscurité régnante et son sourire lumineux qui renfloue le charme de son visage. Je me sens toute frêle et vulnérable face à lui, sa beauté et sa prestance…
- Que tu es belle, murmure-t-il sur un ton délicieux.
- Me… merci, bredouillé-je.
Je sens mes tempes bouillir et frémis sous ce compliment qui chantonne encore dans mes oreilles. Me trouve-t-il vraiment belle ou dit-il ça seulement pour me rassurer ? Je ne sais pas, je n’en sais trop rien, même si j’aimerais le croire aveuglément pour me laisser bercer par la féerie qui nous entraîne.
Nerveuse, je croise mes bras contre mon buste, baisse à nouveau le regard et racle la gorge. Je ne sais pas trop quoi lui dire, ni trop quoi faire : je suis complètement perdue. Mes pensées n’arrêtent pas de tourner autour de James mais, en même temps, j’ai terriblement envie de Lewis, de savourer les lèvres de ce bel homme au visage d’ange, de l’étreindre contre mon corps bouillant et de jouir durant quelques instants, ou quelques heures, sous sa valse libidineuse. Je suis déchirée entre deux désirs bien différents de l’un et de l’autre : d’un côté, il y a l’amour, d’un autre, le charnel…
- Tes yeux brillent comme deux précieuses émeraudes, Victoria, susurre-t-il. Ils étaient cachés par l’ombre de ton masque, maintenant je n’ose même plus les contempler tant je les trouve sublime. Mais regarde-moi, s’il-te-plaît, que je ne me sente pas coupable de t’observer autant…
Il parle comme un homme du début du vingtième siècle, c’est à la fois amusant et terriblement charmant. Je sens mes joues s’empourprer de plus belle, mon cœur battre de plus en plus vite dans ma poitrine et mes jambes trembloter comme deux faibles bâtons qui retiennent un gros rocher. De façon hésitante, je lève ma tête et croise son regard d’où jaillit un désir profond. La mer qui constitue le bleu de ses yeux est agitée de par l’envie qui semble le démanger ; la chaleur qui le ronge la transforme en vapeur et répand jusqu’à moi une ardeur qui m’excite. Je la sens de même par ses mains qui, tremblantes, longent les courbes de ma taille pour s’agripper fermement sur mes hanches.
Ses doigts enserrés par-dessus le tissu de ma robe, son buste proche de ma poitrine, nos lèvres prêtes à s’étreindre, je détends mes bras et entoure son cou avec. Mes seins se collent contre son torse et, délicatement, il pousse mon bassin vers le sien. Cette intime proximité fait fleurir la fièvre qui m’anime ainsi que l’envie qui me pousserait presque à sauter sur Lewis.
- Allons chez moi, si ça te dit, me chuchote-t-il d’une voix suave.
J’esquisse un petit sourire complice et acquiesce d’un léger hochement de tête. La tension monte entre nous, même lorsque nous ne faisons rien de grandiose. Mais son regard me dévore, le braisier qui brûle dans ses yeux m’enflamme à travers les délices que j’aimerais connaître avec lui… avec son corps ardent, ses caresses sensuelles et sa symphonie sexuelle…
Avant que nous cessions de nous étreindre, il me donne un furtif baiser sur la bouche puis sur la joue, caresse mon visage avec le bout de ses doigts, me lance un regard envieux et effleure mon décolleté. Je me pétrifie quelques secondes, le corps figé par de doux frissons qui épousent la chaleur fougueuse.
Lewis, avant de monter dans la voiture, m’appelle. Je sursaute légèrement et tourne ma tête vers la sienne. Il esquisse un grand sourire et me taquine :
- Rêveuse ?
Je ris discrètement, baisse mon regard et admets d’une voix timide :
- Oui, un peu…
Il rit de même. Oui, il est vrai : j’ai l’impression d’être dans un rêve si l’on ne compte pas le fait que James hante une partie de mes pensées. Je suis avec un homme charmant, tendre et qui semble porter beaucoup d’attentions envers moi. Après tout, même si lui et moi ce n’est que pour l’histoire d’une nuit, même s’il n’y a pas de sentiments entre nous, même si ce n’est que pour le sex, pourquoi m’en priverais-je ? La vie est si courte… autant en profiter tant que nous sommes encore vivants.
- Aller, viens, me dit-il d’une voix douce, on va passer une nuit de rêve ensemble.
Je lève à nouveau mon regard vers le sien et croise son air qui esquisse un air tendre. C’est décidé : ce soir, je choisis d’aller avec Lewis.
1 commentaire
WhiteAir
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Il y a 8 ans